Une vie ordinaire de Georges Perros
Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie , Littérature => Francophone
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“Et plus fragile qu’un roseau quoique pensant de temps en temps un peu plus qu’il ne serait bon car trop penser est un poison quand on se retrouve par terre”.
J’ai force suffisante en moi
pour me lever chaque matin
le dur est de s’acclimater
à nouveau après cette halte
en luminosité lunaire
où le rêve tisse une toile
que l’on déchire dans la rue
Pas à pas ramendons filet
de notre vie imaginaire.
Avant de commencer cette critique, je tiens tout d’abord à faire une remarque liminaire: Tout ce que je pourrais écrire, ne suffira jamais à vous donner une idée exacte de ce livre! Et rien de ce que je pourrais écrire n'a véritablement d'intérêt! C’est tellement beau que je ne pense pas être à la hauteur pour retranscrire le plaisir et les sensations que j'ai eu en lisant ce livre! C'est simple, ce n’est pas magnifique,... C’est absolument magnifique! Tellement que je suis bien incapable de trouver les mots pour vous en parler correctement!..
“Une vie ordinaire” (1967), de Georges PERROS (1923 – 1978) est un livre de poésie comme je n’en avais lu. C’est une sorte de “biographie poétique”, mais bien plus, bien plus que cela encore.
Ce sont avant tout des “tranches de vie”, des “fragments”, des “instantanés”, des “séquences”, des moments de la vie d’un homme qui a perdu toute illusion, toute ambition. Il n’attend et ne veut plus rien de la vie.Tout ce qu’il veut c’est “une vie ordinaire”, tranquille, loin de tout et de tout le monde, et la passer auprès de la femme qu’il aime et de ses enfants.
C’est linéaire, il commence avec sa naissance, sa jeunesse, son adolescence, sa vie à Paris, puis en Bretagne, la rencontre avec celle qui devait devenir sa femme, son mariage, la naissance de ses enfants…
Une vie ordinaire
On m'a bien dit que j'étais né
mais de si drôle de façon
je me méfie des gens qui m'aiment
sans trop pouvoir faire autrement
bref j'attends confirmation
de cet événement suspect
rien ne m'ayant encor donné
l'enviable sensation
d'être tout à fait là sur terre
plutôt que dépendant d'un ciel
qui change souvent de chemise
bien plus que moi.
N'importe allons
Je suis pour le discours humain
Je suis pour la moitié de pain
Le désespoir c'est de se taire
Et si mon langage vous pèse
quoique si léger si fuyant
rien de plus facile à votre aise
que de jeter ce livre au vent.
Mais il n’oublie pas non plus le temps présent… Et bien sûr il nous parle aussi des sentiments comme p. ex. L’amour et la solitude qu’il aime par dessus tout. Les sentiments sur lesquels ils s’interroge…
Je ne saurais vous dire tout
Et ne pourrais car le mystère
c'est bien cela vouloir tout dire
et s'apercevoir à la fin
que la marge est tout aussi grande
qui nous sépare du prochain
Pendant qu'on écrit l'existence
que l'on dit avoir bouge et change
et quand on parle à un poète
de son dernier recueil il est
depuis longtemps miné par l'autre
aussi brûlant définitif
qu'il nous fera lire demain
Si nous vivons siècles durant
on n'en finirait pas d'aller
au seuil de notre vérité
qui recule quand on la presse
et nous envahit quand on dort
Souvent visionnaire, notamment quand il parle de la technologie p. ex., mais aussi de la mort, qui devait le frapper tragiquement à peine 11 ans après la parution de ce livre…
J'avance en âge mais vraiment
je recule en toute autre chose
et si l'enfance a pris du temps
à trouver place en moi je pense
voilà qui est fait et je suis
devenu susceptible au point
qu'on peut me faire pleurer rien
qu'en me prenant la main Je traîne
en moi ne sais quelle santé
plus prompte que la maladie
à me faire sentir mort
Tout m'émeut comme si j'allais
disparaître dans le moment
ce n'est pas toujours amusant.
C’est très vrai, très authentique et on voit bien que l’auteur sait de quoi il parle, forcément c’est sa vie, c’est son autobiographie, c’est du vécu!. C’est écrit dans une langue facile à lire et vraiment à la portée du plus grand nombre, franchement de la poésie “sans se prendre la tête”, mais non dénuée d’intérêt! Il n’ y a pas de points, ni de virgules et le tout en huitaines.
Je ne sais pas quoi vous dire de plus pour vous inciter à lire ce livre, surtout vous qui ne lisez jamais de poésie… Mais, franchement n’hésitez pas, je vous jure que vous allez aimer, ce livre n'a même pas besoin de cette critique, tellement il est unique, tellement il se défend bien tout seul! Je vous parie que vous serez conquis dès les premières lignes...
Si les quelques lignes ci-dessous vous ont - d'une façon ou d'une autre -, touché quelque part, alors vous aussi pouvez découvrir la “vie ordinaire” de Georges PERROS, dans ce documentaire de M. P.A. PICTON que lui consacra France 3 Bretagne en 1975 ici: https://www.youtube.com/watch?v=Cb2KH8O_dPA
C’est, et de loin, l’un des meilleurs livres de poésie que j’ai lu depuis longtemps! Je pense que ce livre a définitivement trouve sa place sur ma table de nuit et ce pour une longue, très longue période…
Je portais la barbe jouant
rôle d’un poilu de quatorze
dans une pièce militaire
qui fit heureusement long feu
près de la Porte Saint-Martin
Sans doute l’air fin
Elle avait
du gout pour ce genre Un beau soir
elle m’invita dans sa chambre
du côté des Champs-Élysées
Elle était très belle Roumaine
et je savais qu’elle avait eu
pas mal d’amants assez connus
l’un d’entre eux m’était des plus chers
Nous couchâmes sur le lit
tout habillés Je l’embrassai
de toute ma barbe. Soudain
quelle froideur dessous mes fesses
rompit mes élans Ce n’était
que menues pièces de monnaie
tombées du gousset de ma veste
je n’ai jamais été bien riche
Je ne pus m’empêcher de rire
elle ne sut jamais pourquoi
et je défessai un a un
afin de ne pas la troubler
autrement qu’en signe amoureux
ces pile et face Elle trouva
que j’étais un peu décevant
Mais elle aimait bien Pelléas
et me fit connaître Enesco
plus doué pour le violon
que pour la composition
Elle me faisait prendre un bain
et manger beefsteak sel et poivre
avant de faire jeux de mains
jeux de reins et jeux de vilains
jeux de bouches et m’attifait
du pyjama de ses amants
anciens et actuels tant et tant
que je pris la porte une nuit
qu’elle tremblait à la fenêtre
au bruit de voiture arrêtée
au seuil de son sexe alerté
incapable de soutenir
ce que d’autres entretenaient
J’en garde bon souvenir
Les femmes vieillissent trop vite
à force d'hommes sur leur ventre
mais elles valent mieux que nous
qui passons entre leurs genoux
comme on entre dans un tunnel
seulement fiers de bien saillir
afin de satisfaire filles
à prendre et bientôt laisser
je me dégoûte d'être un homme.
Mais j'en suis de moins en moins un
ce n'est pas manque d'énergie
plutôt le contraire Vraiment
tout ce qui peut me rendre fort
aux gros yeux d'autrui me fatigue
J'ai passé l'âge de lutter
pour controverser (?) le hasard
Croyez-moi ou non quarante ans
c'est l'âge le plus difficile
et le plus reposant On sait
qu'on ne saura jamais la chose
qui nous travaille en grand secret
elle est tellement indicible
que parler devient jeu de cartes
on gagne on perd on ne sait plus
que jouer avec ce que donne
l'invisible distributeur
mais on en connaît tous les tours
nous n'avons plus peur de rien.
Les éditions
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Une vie ordinaire
de Perros, Georges
Gallimard / Poésie
ISBN : 9782070324613 ; EUR 10,20 ; 22/09/1988 ; 215 p. ; Broché
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