Bienvenue au conseil d'administration : mort complice : de Peter Handke

Bienvenue au conseil d'administration : mort complice : de Peter Handke
(Begrussung des Aufsichtsrats)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Littérature => Nouvelles

Critiqué par Débézed, le 19 novembre 2018 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans)
La note : 7 étoiles
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Regard sur la mort

Sous le titre du premier texte de ce recueil, l’éditeur a regroupé une vingtaine de nouvelles qui évoquent toutes la mort qui survient brutalement ou qui pourrait advenir rapidement. Le traducteur et préfacier, Georges-Arthur Goldschmidt, précise « Dans ce recueil de nouvelles, on a affaire à une figure centrale et à une seule : la mort, mais la mort qu'on voit comme un objet, une sorte de mort cinéma où le regard du lecteur décompose un à un, parcourt et soupèse les gestes de la mort. » Une mort sale, sordide, hideuse, brutale qui n’a rien à voir avec la mort espiègle et joueuse que José Saramago fait vivre dans « Les intermittences de la mort » ou celle qui se lamente sur la bêtise des hommes dans « La voleuse de livres » de Markus Zusack. Handke propose des instants de vie qui évoquent la mort quand elle survient, comment elle survient, comment certains l’attendent, comment d’autres la vivent après, … Il décrit toujours, n’explique jamais, il ne cherche pas à comprendre le pourquoi, il montre seulement le comment, comme dans un spectacle.

Handke décrit, il décrit avec une grande minutie, s’attache à des détails infimes qui parfois alourdissent le texte. Ainsi, il analyse avec beaucoup de soin le mouvement des doigts d’une femme qui croise nerveusement ses mains, de même, il décortique avec précision le va et vient de la porte de la gare sous les poussées des passagers qui entrent ou qui sortent. Ce souci du détail infime auquel il ajoute parfois la volonté d’apporter une précision, un autre regard, ou une autre façon de décrire quelque chose afin d’être sûr que le lecteur a bien compris ce qu’il veut dire, alourdit le texte le rendant peu fluide et pas toujours très compréhensible. Face à cette écriture et à la structure même de la langue allemande, le traducteur dit la difficulté qu’il a rencontré pour ne pas trahir le texte même au risque de l’alourdir. « …la fidélité rigoureuse est la seule forme possible pour transmettre ce que le texte veut vraiment dire, même au prix de quelques lourdeurs toujours préférables à des équivalences approximatives et élégantes ».

Ces textes sombres, froids, parfois sordides, pas toujours très fluides interpellent le lecteur qui se demande où l’auteur cherche à le conduire avec ses descriptions morbides. Handke a écrit ces textes moins de deux décennies après le grand cataclysme mondial au cours duquel la mort a pu s’en donner à cœur joie et exprimer ses formes les plus atroces, ne cherche-t-il pas à nous rappeler cette énorme boucherie ? Ne veut-il pas nous dire que notre monde court vers un nouveau génocide ? Il s’inquiète déjà, il écrit dans une des dernières nouvelles du recueil : « Combien de personnes meurent dans le désordre ». Mais dans le désordre il ne faut succomber, il faut résister, « Surtout ne pas devenir docile ! ».

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