Maîtres et esclaves de Paul Greveillac

Maîtres et esclaves de Paul Greveillac

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Romans historiques

Critiqué par Papyrus, le 9 septembre 2018 (Montperreux, Inscrite le 13 octobre 2006, 64 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 292ème position).
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La Chine vue de l'intérieur à travers le destin d'un enfant de la révolution

C'est avec un grand plaisir que je me suis laissée embarquer dans ce voyage au cœur de la Chine rurale et féodale de la fin des années 40, dans cette région du Sichuan où la tradition millénaire conditionne depuis toujours les rapports humains et sociaux, pour y découvrir sous la plume experte et poétique de Paul Greveillac, les membres de la famille Tian.
On y fait rapidement la connaissance de Tian Kewei, le fils unique d'un couple de "paysans riches" né en octobre 1950, juste un an après la République Populaire. Bientôt, la Chine millénaire et immobile va se mettre en mouvement, trembler de ses premiers soubresauts révolutionnaires et la vie quotidienne de notre petite famille va s'en trouver bouleversée... Bientôt, la collectivisation des terres, la suspicion, les dénonciations, la famine, l'autocritique instaurée en système, la "justice" populaire et ses dérives, la mort souvent prévisible et inévitable vont faire leur apparition dans le petit village de Kewei, que son père a tout de même réussi à initier en secret à l'art.
Dès lors, l'âme d'artiste de Tian Kewei, héritée d'un père qu'il devra même aller jusqu'à renier, va guider son destin. Traversant les péripéties de la révolution culturelle, l'enfant va connaître la famine, la misère, la peur, la soumission, la séparation, la solitude puis la chance d'être distingué, Pékin, les fonctionnaires influents qui peuvent d'un trait de crayon vous propulser ou au contraire vous effacer. Ce roman nous emmène dans les coulisses de ce que fut la Chine de Mao Sedong, le dogme du Petit Livre Rouge et les aléas des luttes de pouvoir qui bousculent sans cesse la vie des hommes et bien sûr en particulier celle de Tian Kewei qui essaie de se faire une place dans le monde des arts et de la propagande d'Etat. Nous y suivons le cours de sa vie, son mariage, la naissance de son fils avec lequel le lien est à la fois fort et ténu...
Parfois légèrement indigeste en raison de la complexité des descriptions "politiques", de l'entrée en grâce ou en disgrâce des protagonistes, j'ai parfois trouvé quelques longueurs et confesse avoir lu en diagonale quelques chapitres du derniers tiers. J'aurais également aimé une fin plus fouillée plus proche des personnages que l'on a suivi au cours du roman.
Cependant, ce roman foisonnant, complexe, touffu m'a tenu en haleine et m'a permis une plongée en apnée dans cette Chine des années 50 à 80, au travers de la plume remarquable de Paul Greveillac un auteur dont j'ai aimé les tournures poétiques (au point que je l'ai pensé d'origine asiatique), les ellipses, le lyrisme. Sans aucun doute, un roman qui mérite, malgré les quelques bémol cités plus haut, une place de choix au sein de cette rentrée littéraire 2018!

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Pékin, ton univers impitoyable !

7 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 27 juin 2021

L'Histoire de la Chine de 1950 à 1989.
Du "Grand Bond en avant" de Mao aux révoltes étudiantes Place Tian'anmen (1989), l'auteur démonte le communisme à la chinoise qui vous fait roi un jour et traitre le lendemain.
Petites lâchetés, hypocrisies, purges, lavage de cerveau, mises au ban arbitraires.... n'en jetez plus !
La Grande Histoire vue au travers Tian Kowei - personnage central du roman - fils d'un paysan du Sichouan et peintre à ses heures perdues.
Tian Kowei deviendra un homme respecté, membre du Parti, et rejoindra la prestigieuse Académie des Beaux-Arts de Pékin. Mais l'exercice de son art sera mis au profit du parti , Kewei sera LE peintre de la propagande.

Rien de neuf sous le soleil !
Certes, ce roman est bien écrit, richement documenté, mais j'avoue ne rien avoir appris sur la période.
Des objectifs politiques, philosophiques dévoyés car l'Homme est... faible et vil.
Comme nombre de CLIens, je me suis un peu ennuyé à la lecture de ce long roman.
L'Histoire (avec un grand H) prend le pas sur le roman.
Une belle expérience de lecture néanmoins.

Une lecture qui m’a paru exigeante

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 8 mai 2021

457 pages et une lecture que je qualifie d’exigeante ; longue lecture. Oui, j’ai mis beaucoup de temps à venir à bout de ce Maîtres et esclaves. Non pas que ce ne soit pas intéressant, non pas. Non pas qu’il ne s’y passe rien ou que ce soit mal écrit, au contraire. Mais ce fut long. D’ailleurs j’ai dû l’emprunter à deux reprises à la Médiathèque, même en le prolongeant, ça n’avait pas suffi.
Paul Greveillac fait sa « Pearl Buck ». Je veux dire par là qu’il adopte une démarche similaire à celle de Pearl Buck, tentant de raconter l’évolution de la Chine sur les cent dernières années, de l’intérieur, depuis l’évolution de vie de Kewei, né paysan et parvenu apparatchik.
Un sacré sujet si l’on veut bien considérer les bouleversements qui ont frappé – et frappent encore – la Chine.
Le début du roman, années 50, fait vraiment penser à Pearl Buck. Ce sont les années de naissance de la République Populaire de Chine, avec tous les excès en tous genres, et notamment répressifs, qu’on observe encore dans ce pays. Brimades, voire pire, pour qui n’est pas dans la droite ligne du Parti (communiste le Parti, bien entendu), dictature du « Petit Livre rouge », cette première partie qui voit la naissance de Kemei, avec un père, peintre, qui n’est pas en odeur de sainteté auprès des autorités, accusé de dérive droitière (quasiment une condamnation à mort), et l’existence particulièrement difficile de la famille, qui crève la faim, littéralement.
Mais Kewei porte les gênes de son père, ceux de la peinture. Il est très doué et c’est ce qui va lui permettre étape après étape d’abord de sortir de la misère, puis en rentrant dans le moule et en se laissant formater, gravir progressivement tous les échelons pour finir apparatchik au sein du pouvoir.

»Kewei quitta le village dans un camion-benne réquisitionné par les gardes rouges. Il pleuvait. De gros caractères peints sur la tôle se lisaient mal. Plantés aux quatre coins de la benne, les étendards rouges gouttaient. On était debout, plus serrés que des sardines. Un garde rouge mangeait des graines de tournesol en recrachant ses coques sur les pieds de Kewei. Caché par d’autres passagers, le jeune peintre remua la main en guise d’adieux vers Xi Yan, Li Fang et Li le Bouseux. Les deux femmes étaient coiffées de chapeaux coniques en bambou. Li le Bouseux n’en avait pas trouvé. Il avait un seau sur la tête. Le camion-benne s’ébranla dans un nuage épais qui piqua la gorge. »

Et c’est toute l’habileté de Paul Greveillac que de parvenir à illustrer via l’histoire de Kewei (qui va nous être contée jusqu’après les évènements de la Place Tian’anmen, en Juin 1989), les terribles jeux de pouvoir entre Mao, Jiang Qing sa veuve et la fameuse « Bande des Quatre », Deng Xiao Ping, Liu Shaoqi, … comme autant de rapides sur lesquels les frêles esquifs des ambitions viennent ponctuellement se fracasser.
Ne pas marquer clairement sa tendance, jouer plusieurs chevaux, ne pas se compromettre avec un futur perdant … ah la vie de l’apparatchik n’est pas simple ! La démonstration de Paul Greveillac est très claire sur ce qui fait la vie quotidienne de l’apparatchik de base. Cette démonstration passera entre autres par un fils, le fils de Kewei et Li Fang, Xiazhi, qui lui aussi hérite des gênes de la peinture. Mais pas de ceux de l’apparatchik. Xiazhi sera sur la Place Tian’anmen, mais pas du bon côté …

Ouf ! fini….

6 étoiles

Critique de Ludmilla (Chaville, Inscrite le 21 octobre 2007, 69 ans) - 22 avril 2021

Si ce livre n’avait pas fait partie de la sélection du prix CL2021, je ne l’aurais pas terminé.
N’étant pas spécialement intéressée par l’histoire du maoïsme, ou par les peintres chinois de cette période, je me suis souvent ennuyée (et j’ai sauté quelques passages).
Pas toujours toutefois, certaines scènes, certaines pages sont prenantes.
Mais parfois on croirait lire les subtiles (et ennuyeuses) analyses des différents courants du PS dans le Nouvel Observateur des années 80. Manœuvres, luttes de pouvoir, propagande,…

Sur le thème historique, j’avais préféré « Les cygnes sauvages », un témoignage de Jung Chang (https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/22163) qui permet de découvrir la période telle que l’a vécue Jung Chang. Si elle ne subit pas la grande famine, elle n’échappe pas à la révolution culturelle.

L’origine du titre se trouve p 299 : « Sommes-nous maîtres de nos destins, esclaves de nos egos ? Maîtres de nos rêves, esclaves de ce qui les concrétise ? » , citation qui ne me semble pas correspondre au roman.

Et pourquoi donc utiliser des mots inconnus qui n’apportent rien ?
- époché : « Yongmin aimait les oiseaux, parce qu'il aimait le silence. L'époché que leur observation imposait […] »
- « appendre » plutôt que « pendre »

A marche forcée

7 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 21 novembre 2019

La naissance originale de Kewei dans un village du Sichuan semble déjà le prédestiner à un avenir différent ; Xi Yan le met au monde au bord d’un sentier où arrivent 40 000 soldats en route pour le Tibet.
Dès son plus jeune âge, au grand désespoir de sa mère, l’enfant est attiré par le dessin, fasciné, comme son père, par la peinture, l’observation des paysages. Mais en ces temps de famine et d’instabilité, la vie à la campagne est extrêmement difficile pour qui ne montre pas son engagement le plus total pour la Révolution en marche.
Kewei aura la chance d’être remarqué, mais issu d’un village reculé, fils d’une famille moyen-riche, il subira les humiliations, ainsi que les aléas des pouvoirs dominants. En grandissant, en mûrissant, il comprendra et utilisera les ficelles nécessaires à sa survie.
Et dans ce monde où il y a peu de place pour les sentiments, Kewei sera prêt, s’il le faut, à renier le père, oublier la mère, l’épouse ou l’ami, cadrer le fils… en en oubliant presque d’aimer .
"Kewei n’était qu’un pauvre hère. Un minuscule rouage du Grand Jeu."

Un roman très instructif sur le sort des chinois de 1950 aux années 90, pendant une période terrifiante. Paul Greveillac a écrit un récit édifiant et intelligent ; par là même, un peu rébarbatif parfois par l’abondance des événements et personnages politiques et historiques.

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