Les fantômes du vieux pays de Nathan Hill
(The Nix)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
Moyenne des notes : (basée sur 12 avis)
Cote pondérée : (455ème position).
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Un premier roman fracassant
Il semble qu'à chaque rentrée littéraire, un jeune prodige américain se démarque par un premier roman magistral qui se trouve propulsé au sommet des ventes. Dans certains cas, les éloges sont réellement méritées. Dans d'autres, on suspecte un coup de marketing. Paru en août 2016 dans sa version originale, "The Nix" de Nathan Hill entre dans la première catégorie; un roman si bien écrit, si ambitieux et si réussi qu'on peut difficilement remettre ses mérites en question. L'intrigue est passionnante, les personnages irrésistibles. L'auteur a travaillé plus de dix ans sur ce premier roman, créant une oeuvre si aboutie qu'on se demande comment il pourra un jour l'égaler.
Il est clair que Nathan Hill y a mis toute la gomme; toutes les réflexions, les scènes, les idées qu'il avait emmagasiné depuis plus d'une décennie. Toute la recherche aussi. C'est peut-être le seul défaut des "Fantômes du vieux pays". Beaucoup, beaucoup de mots. Des analyses, des critiques, des personnages trop approfondis pour l'importance qu'ils occupent dans l'histoire. Des allées et venues dans le temps, des revirements, des surprises de dernier instant. Mais le talent de Hill est si éclatant qu'il arrive à soutenir l'intérêt du lecteur là où un autre le perdrait complètement. On peut même lui pardonner un coup de théâtre un peu dur à avaler vers la fin du récit tant le reste de l'oeuvre est épatant. Un grand roman américain.
Les éditions
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Les fantômes du vieux pays [Texte imprimé], roman Nathan Hill traduit de l'anglais (États-Unis) par Mathilde Bach
de Hill, Nathan Bach, Mathilde (Traducteur)
Gallimard / Du monde entier (Paris)
ISBN : 9782070196494 ; EUR 25,00 ; 17/08/2017 ; 720 p. ; Broché -
Les fantômes du vieux pays [Texte imprimé] Nathan Hill traduit de l'américain par Mathilde Bach
de Hill, Nathan Bach, Mathilde (Traducteur)
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782072798009 ; EUR 10,80 ; 23/08/2018 ; 960 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (11)
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Les fantômes générationnels
Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 52 ans) - 7 novembre 2024
Il est rare d’éprouver un véritable plaisir de lecture avec un livre, même avec un livre qu’on aura considéré soi-même comme bon, très bon ou même exceptionnel. Car le plaisir de lecture tient à la qualité de sa fluidité avec laquelle elle nous permet d’éprouver une véritable sensation de plaisir physique et pas seulement intellectuelle. Un livre pourra être considéré comme un chef d’œuvre et l’être reconnu de fait par tous ou presque et néanmoins en avoir trouvé aussi sa lecture physique comme ardue ou sèche. Ce qui n’enlève rien bien sûr à la qualité du livre. Le génie est de savoir associer les deux et ce n’est pas si courant.
Alors avec Nathan Hill et son roman « Les fantômes du vieux pays », les deux y sont ! Donc d’abord pour sa qualité d’écriture, comme déjà dit, fluide, agréable à y poser les yeux et qu’on lit avec facilité. De ce fait, les 700 pages en édition brochée passent très rapidement, d’autant plus avec le plaisir qu’on y ressent.
Et pas seulement pour son écriture. Nathan Hill s’y révèle de surcroît un raconteur d’histoires hors pair. Chacun de ses chapitres est autant de mini-histoires délectables. Et tous sont bien développés et fouillés, prennent tous le temps de raconter, les personnages, les situations. Rien n’est fait à la va-vite, tout le temps est pris pour les bien étudier au plus possible
Et l’ensemble forme une vaste fresque répartie entre trois époques différentes. Chacune des parties du livre va d’une époque à une autre, construction en alternance parfaitement réussie. D’abord en 2011, époque où démarre l’histoire de Samuel, qui reçoit un coup de fil impromptu d’un avocat inconnu lui annonçant que sa mère avait de gros problèmes de justice (un attentat à coups de graviers contre un gouverneur possible candidat à la présidentielle), mère qui l’avait abandonné quand il avait 11 ans sans qu’il sache pourquoi et qu’il n’avait plus revue depuis. Un sacré coup de massue ! Tout cela a remué bien des choses de son passé. Et pour le comprendre, le roman renvoie à l’époque de 1988, où Samuel était enfant, et revoit ce qu’il s’était alors passé, juste avant que sa mère ne les abandonne, lui et son père. Et cherchant toujours plus loin les causes qui ont abouti à cet abandon, remonte plus haut dans le temps encore, en 1968, année où sa mère était jeune fille, vivait chez ses parents en Iowa, dont le père était un émigré de Norvège, où il s’était passé là aussi bien des choses. Ainsi, c’est toute une histoire familiale avec les parcours du grand-père, de la mère et du fils qui est racontée ainsi, avec ses clefs, ses secrets, ses non-dits, toute une face cachée de chacun des membres de cette lignée familiale.
D’où le titre certainement. Les fantômes sont ceux qui habitent les lignées familiales et qui les empoisonnent, génération après génération. Il faut revenir aux sources génératrices de ces fantômes pour s'en libérer. Remplacez le mot « pays » par « passé » et vous aurez tout compris : « Les fantômes du vieux passé ». Et en plus, il y a vraiment un fantôme là-dedans ! Et c’est raconté avec un humour qui transparaît dans beaucoup de chapitres, ce qui ajoute au plaisir du lecteur et de la virtuosité à l’auteur. Un humour tendrement moqueur pour ses personnages. On sent bien, à le lire, que l’auteur a de la tendresse pour chacun d’eux et ne porte de jugements sur aucun. Il expose les gens tels qu’ils sont, avec leurs qualités et leurs travers, avec leurs humanités et leurs blessures, autant pour les personnages principaux que pour les secondaires. Comme on dit : « une savoureuse galerie de portraits », l’expression n’est pour cette fois pas galvaudée.
Un livre dont j’aurais voulu dire qu’il est parfait, et je l’avais pensé jusqu’à ce que j’arrive à la fin. Il est dommage qu’elle ne se maintienne pas au niveau de tout le reste. Cela m’a donné la sensation que 90 % du roman est excellent et que les 10 derniers % baissent de ton, qu’on ne peut toutefois pas qualifier de ratés. Car c’est toujours bien écrit et toujours cohérent. Mais comment dire, c’est trop vite abouti, moins convaincant, on croit moins au dénouement voulu par l’auteur. Et puis, la question de la filiation de Samuel reste toujours posée, il n’y a pas de réponses nettes à cette question. On s’attendait à mieux, au vu de tout ce qui précédait.
Qu’importe, l’histoire n’en est pas moins prenante et originale, drôle et accrocheuse. Et accroché, je l’ai bien été ! Le roman reste donc assez exceptionnel pour mériter largement la note maximale des 5 étoiles que je lui décerne sans hésiter malgré le bémol (petit) de la fin !
Excellent
Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 3 mars 2022
Riche de par les périodes charnières de l’histoire contemporaine américaine qu’il traverse, de par son ancrage dans la réalité des Etats-Unis, loin du fantasme de l’american dream, les fantômes du vieux pays est un roman qui a clairement le niveau d’un Pulitzer.
A l’image des critiques précédentes, j’ai également été conquis par ce gros pavé de 1000 pages lu avec grand plaisir. Mille de plus n’aurait pas été de refus, même si les longueurs auraient été de mise !
Une très agréable surprise.
Roman passionnant
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 16 octobre 2020
Certains passages m'ont vraiment plu, par exemple la dernière partie de jeux vidéo de Pawne, j'ai trouvé ça admirablement raconté. Il y a malgré tout quelques longueurs. Le personnage du journaliste / éditeur m'a déplu et m'a semblé assez invraisemblable. Mais tout dans tout c'est vraiment un très grand roman pour moi.
Ces fantômes qui nous habitent
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 25 septembre 2020
Si plusieurs personnages sont attachants, l’histoire comportent indéniablement des longueurs, mais aussi son lot de rebondissements de bon aloi.
Faye, personnage central du récit, qui au début est dépeinte comme une femme fade et secrète, révèle progressivement les mystères entourant son existence.
Samuel, son fils, se mue en enquêteur pour d’abord sauver sa situation financière, mais ensuite pour découvrir ce qu’a été véritablement le drame qui a poussé sa mère à quitter le foyer conjugal alors qu’il n’était encore qu’un enfant.
Le lecteur pourra se montrer assez perdu au début de ce roman, notamment par l’adjonction de personnages secondaires qui a priori n’ont pas de lien avec l’intrigue. S’il persévère il sera récompensé et persuadé d’avoir refermé un ouvrage qui méritait de s’égarer dans ce flot de chapitres. On reste tout de même assez loin du niveau de Joyce Carol Oates qui a commis aussi ce genre de bouquins, plus profonds que celui-ci tout en haussant le niveau littéraire.
Des aspects très intéressants MAIS...
Critique de Myrco (village de l'Orne, Inscrite le 11 juin 2011, 75 ans) - 6 septembre 2020
Je ne reviendrai pas ici sur les thèmes que véhicule l'intrigue romanesque, thèmes largement évoqués dans les critiques précédentes et qui ouvrent des voies de réflexion sur la maîtrise (ou non) de nos vies, entre autres. J'avoue que cette intrigue m'est souvent apparue comme un prétexte à l'ouvrage, et, si elle ménage quelques moments forts (je citerai l'histoire de Bishop) , elle ne m'a pas toujours captivée, loin de là, le traitement des personnages de Faye et Samuel n'ayant pas su trouver le chemin de ma sensibilité. Or, emporter l'intérêt du lecteur sur 950 pages (édition Folio) nécessite un souffle que je n'ai pas trouvé dans ce roman. En outre, certaines révélations de la fin m'ont paru un peu trop énormes voire tordues pour ne pas entacher la crédibilité de l'histoire.
A l'inverse, le volet sociétal constitue selon moi le point fort de ce livre. J'ai beaucoup apprécié la manière souvent brillante dont l'auteur rend compte avec lucidité, pertinence souvent non dénuée d'ironie, de certaines caractéristiques de nos sociétés contemporaines: dérives de la médiatisation, de l'addiction aux jeux vidéo, aux réseaux sociaux, manipulation et perversion dans le monde politique et pas que, marchandisation de l'édition, rôle de la publicité dans une société de plus en plus marquée par un sentiment de vide existentiel, perte des valeurs et j'en passe...car la liste serait longue, trop longue peut-être allant même jusqu'à caser de manière un peu forcée le thème des espèces invasives!
J'en viens donc à ma réserve majeure qui touche à la construction de l'ouvrage qui ne m'a pas convaincue en raison du sentiment d'artificialité ressenti à sa lecture. On remarquera que la plupart des thèmes sociétaux évoqués précédemment sont portés, illustrés par le comportement et/ou le discours de personnages secondaires ( Pwnage, Laura Pottsdam, Periwinkle...). Certes l'auteur a fait preuve de beaucoup d'inventivité pour trouver des articulations plausibles entre ces digressions et la colonne vertébrale du roman (l'histoire de Faye et Samuel) et faire interférer les personnages et si cela fonctionne, il n'en reste pas moins que ce savant travail de "tricotage" demeure trop visible à mes yeux . Par ailleurs, Hill a beaucoup de choses à dire et n'a rien voulu sacrifier en élaguant certains passages qui, aussi intéressants soient-ils en eux-mêmes, nuisent parfois à l'homogénéité de l'architecture d'ensemble. J'en veux pour exemple le chapitre consacré aux répercussions physiques et physiologiques cérébrales de l'addiction de Pwnage aux jeux vidéo (Huitième partie, chapitre 3). On atteint là à la confusion des genres avec un exposé de vulgarisation scientifique qui s'intègre mal dans un roman.
Bref, contrairement à la critique (média et lecteurs) qui a encensé ce roman, je ne dirai pas qu'il s'agit là d'une grande oeuvre littéraire malgré de brillantes analyses qui méritent lecture!
Magistral !
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 22 avril 2020
"Les Fantômes du vieux pays" est un premier roman (Gallimard, 2017) qui reçoit le Prix Art Seidenbaum pour la première œuvre de fiction 2016 et Révélation étrangère du magazine Lire 2017.
Samuel est professeur de littérature près de Chicago. Sa vie se limite à ses cours et aux heures passées à jouer en ligne au " Monde d’Elfscape".
Le gouverneur Parker, conservateur intégriste, est attaqué par une femme qui lui jette des gravillons. Rien d'extraordinaire mais les médias s'emballent, Faye Andresen est arrêtée, sa vie jetée en pâture.
Or, il s'avère que Faye est la mère de Samuel qui l'a abandonné à l'âge de 11 ans.
Le décor est planté, l'auteur va reconstituer le parcours de cette femme, héroïne de la Gauche américaine en 1968, militante déterminée.
Nathan Hill brosse le portrait de l'Amérique des années 1968 à aujourd'hui au travers un anti-héros à la recherche de sa vérité.
Un premier roman comme un coup de maitre. Au delà des photographies des états-unis à différentes périodes, l'auteur nous interroge sur le sens de la vie et sa vacuité. Quelques pages lumineuses, d'une puissance rare.
Un humour corrosif servi par une écriture flamboyante.
Un roman sur les travers de nos sociétés modernes et le vide de nos vies.
Une oeuvre profonde, qui donne à réfléchir et à philosopher.
Nathan Hill sera-t-il capable de réitérer une telle maestria pour un prochain roman ?
La barre est très haute.
Je ne peux que vous encourager à dévorer ce bijou de la littérature US.
Quand les « Nisse » s’invitent dans le Nouveau Monde …
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 21 mars 2020
Mais Les fantômes du vieux pays débordent (très) largement cette problématique. D’ailleurs ça déborde tellement qu’il est question de … de quoi au fait ? Eh bien ni plus moins que de l’évolution et des démons des USA de 1968 à nos jours (puisque Nathan Hill situe l’action contemporaine autour de Samuel en 2011).
Ce premier roman, foisonnant, est tout simplement remarquable. 703 pages et vous ne vous y ennuyez pas une seconde. Et pour autant vous ne le lisez pas en deux temps trois mouvements, je vous le garantis. C’est tellement dense, il y a tellement d’infos à digérer, à replacer dans leur contexte – Nathan Hill évolue beaucoup par alternance de l’époque actuelle et de flash-backs de 1968 – que vous êtes contraints de prendre votre temps.
Un peu une boule à facettes, qui ne renvoie jamais la même source de lumière et surtout pas dans la même direction. Tant de thèmes passent sous la plume que c’en est confondant. Et il parvient néanmoins à pratiquer un humour sous-jacent, vous savez cet humour dont on dit qu’il est la politesse du désespoir …
Citons en vrac la condition féminine dans le Sud des USA dans les années soixante, la guerre du Vietnam, les luttes pour le féminisme, le dilemme de l’écriture, la pratique des jeux vidéo, l’arrogance d’une certaine jeunesse actuelle friquée, … Nathan Hill nous prend tout ça, nous le secoue (pas n’importe comment), et ça ressort agencé en un roman de 703 pages dans lequel en même temps qu’on va accompagner Samuel dans sa quête de l’histoire de Faye, sa mère qui l’a abandonné à onze ans, on va s’intéresser à toutes les problématiques susdites.
Remarquable !
Impressionnant
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 26 février 2020
C’est l’histoire d’un petit garçon de 10 ans que sa maman a abandonné un jour, sans jamais donner de nouvelles...
C’est l’histoire d’une jeune fille, solitaire, dans une petite ville au bord du Mississippi qui refuse le destin tracé qui l’attend…
Les hasards de la vie vont remettre face à face 22 ans plus tard, la mère et le fils. Le destin de la mère dépendant maintenant des décisions du fils.
"Cette question est la seule qui compte. C’est la seule raison de ta venue. Maintenant tu vas arrêter de mentir et me la poser.
D’accord. OK. Pourquoi m’as-tu abandonné ?"
Mais c’est aussi, au travers de ces deux personnages, l’histoire des états-unis de 1968 à 2011 ; l’Amérique réactionnaire et puritaine des petites villes américaines, la naissance du mouvement hippie et l’incroyable violence de la répression.
C’est aussi le récit de manipulations, humaines, politiques, médiatiques, d’ambitions personnelles, dont dépendent les destins de milliers de personnes.
"L’idée fait froid dans le dos, quand on y pense, que les politiciens aient appris à manipuler ce medium mieux que les professionnels de ce medium eux-mêmes. La première fois que le vieux Cronkite s’en est rendu compte, il s’est surpris à imaginer le genre de personnes qui deviendraient des politiciens dans le futur. Et il en a frissonné d’effroi."
Sans oublier, bien sûr, de belles (ou moins belles) histoires d’amour.
Un livre impressionnant, tant par sa construction que par le nombre de sujets abordés de façon limpide et instructive.
Mais…. des énumérations, des listes, des pages de descriptions (comme celles concernant le jeu vidéo) m’ont fait paraître interminable la première partie de ce roman de plus de 700 pages.
Et c’est mon principal reproche car j’ai beaucoup d’admiration pour le travail de l’auteur, pour la construction intelligente de l’histoire qui ne perd jamais son lecteur même dans les changements réguliers d’époques.
Psychogénéalogie et déliquescence de l’Amérique
Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 19 février 2020
Le premier de ces aspects est le volet documentaire indéniable du roman (comme le prouve d’ailleurs la très riche bibliographe en fin d’ouvrage). Cela permet à l’auteur de développer des chapitres très vivants sur les années 1950-1960, abordées dans les différents retours en arrière ou, dans un autre registre, toutes les parties consacrées à l’univers du jeu vidéo. Les passages qui mettent en scène le personnage de Pwnage, qui incarne un joueur addictif à Elfscape, un jeu en ligne qui n’est pas sans rappeler quelque World of Warcraft, m'ont énormément plu. Le chapitre de la huitième partie, celui où Pwnage se résout à abandonner le jeu de façon épique, mélange ainsi l’érudition de Nathan Hill sur le sujet à un fond et une forme d’une grande puissance.
L’autre aspect qui fait la richesse du livre est l’alternance de passages mélancoliques, tristes, durs, voire glauques (la description des abus subis par le jeune Bishop m’a mis particulièrement mal à l’aise) avec des moments très drôles. Je pense par exemple au chapitre où l’ambitieuse et nullissime étudiante de Samuel essaie de le convaincre qu’elle n’a pas triché à son devoir de littérature : franchement j’ai beaucoup ri !
Et puis enfin donc il y a la réflexion sur ces fameux fantômes qui nous habitent de génération en génération, sur les non-dits familiaux, sur les incomplétudes de nos vies, sur le quotidien qui les ronge Cela fait la colonne vertébrale de ce roman, un roman très prenant, dont le rythme est varié et où Nathan Hill fit montre d’une grande maîtrise scénaristique et d’un grand talent de compositeur.
Génial premier roman
Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans) - 12 septembre 2018
L’ouvrage de Nathan Hill s’ouvre sur un scandale dont s’emparent aussitôt tous les médias : le gouverneur Packer, candidat à la Présidentielle des Etats-Unis, réputé pour être un ultra-conservateur, a été agressé en public par une femme qui lui a lancé des cailloux. La femme en question se nomme Faye Andresen-Anderson et est aussitôt affublé du surnom de Calamity Packer ! Difficile de passer à côté de l’événement et pourtant le propre fils de l’attaquante, Samuel Anderson, professeur d’anglais à l’Université de Chicago, est un des rares à ne pas être aussitôt informé et ce, parce que, tout enseignant qu’il est, il se passionne pour un jeu vidéo, Le Monde d’Elfscape, auquel il est précisément en train de s’adonner. Il faut dire aussi qu’il a une bonne raison de ne rien savoir au sujet de sa mère, étant donné qu’elle l’a abandonné alors qu’il n’avait que onze ans. Une histoire de livre que Samuel a promis à un éditeur sans jamais remplir son contrat, puis la révélation, en fin de compte, que sa propre mère vient d’agresser un homme politique vont être les déclencheurs de tout ce qui va suivre. Samuel décide d’écrire un ouvrage accablant sur celle qui a déguerpi quand il était enfant et, pour mener à bien son projet, se lance dans une sorte d’enquête tout en se remémorant sa propre enfance.
Se basant sur le dessein que son propre personnage, Samuel, est résolu à accomplir, Nathan Hill entreprend de l’accompagner dans son travail de recherches et, donc, de revisiter toute une large part d’histoire, alternant, tout au long du roman, les chapitres se déroulant en 2011, l’année où tout se déclenche, et les chapitres s’aventurant du côté des événements du passé : la propre enfance de Samuel en 1988, les péripéties vécues par sa mère Faye à Chicago en 1968 et même l’évocation de Franck, le père de cette dernière, venu de Norvège pour faire sa vie en Amérique, ce qui d’ailleurs provoquera, vers la fin du roman, le récit d’un voyage de Faye à Hammerfest, sur les traces de son géniteur ayant quitté sa terre natale pour l’Amérique en emportant avec lui des fantômes (les « nisse » ou « nix » dont il est plusieurs fois question au cours du livre et dont on ne peut se débarrasser qu’en les ramenant chez eux).
Mais si le roman de Nathan Hill provoque l’intérêt persistant du lecteur, s’il tient en haleine, s’il passionne d’un bout à l’autre, c’est parce que, impliqués dans chacune des périodes visitées, les personnages non seulement abondent mais sont tous admirablement décrits par l’auteur. Aucun ne laisse indifférent : que ce soit Bishop, le camarade d’enfance de Samuel, et sa sœur Bethany, future grande violoniste, dont le jeune garçon est follement épris, que ce soit Henry, le prétendant de Faye, ou Alice, l’amie d’université de celle-ci, ou Sebastian, jeune garçon épris de Faye, ou encore l’agent Charlie Brown qui entretient une relation extra-conjugale avec Alice jusqu’à ce qu’il se rende malade de jalousie quand a lieu l’inévitable rupture. Des personnages dont je ne ferai pas l’inventaire complet mais que l’auteur a su intégrer et impliquer avec habileté dans les événements du temps, par exemple les manifestations qui ébranlèrent la ville de Chicago en 1968 (ce qui permet même à Nathan Hill de faire figurer dans son roman des personnages réels comme le poète Allen Ginsberg). Mais il est encore un personnage dont il faut faire mention, tant il est décrit de manière pathétique par l’auteur : il se fait nommer Pwnage et, comme Samuel, se passionne pour le jeu vidéo Le Monde d’Elfscape, mais au point d’en être totalement dépendant, de ne plus avoir d’autre vie que virtuelle, de ne plus vivre que par le biais de ses avatars.
On le comprend, même si ce roman est largement imprégné de l’histoire américaine, il n’en a pas moins la capacité de passionner, d’émouvoir, voire de bouleverser tous les lecteurs : les thèmes qu’il aborde ne sont pas l’apanage des Américains, ils nous concernent tous, qui que nous soyons, et nous interpellent de manière profonde et durable. Le roman terminé, le livre refermé, on ne sera pas près d’en oublier le contenu.
Roman fleuve par excellence.
Critique de Graine (, Inscrite le 14 mars 2018, 41 ans) - 14 mars 2018
L'histoire démarre avec le récit de Faye et de Samuel, la mère et le fils. L'une se retrouve affublée du surnom "Calamity Parker" suite à l'agression d'un candidat à la présidence, l'autre est professeur de littérature anglaise en faculté et est confronté à la médiocrité passive de ses élèves et évacue son stress, son ennui (sa vie même?), dans un jeu en ligne "Elfscape" avec lequel il rencontre Pwnage, un otaku américain.. Et à partir de là plusieurs personnages clés du passé et du présent, chacun avec leur voie / voix forte (Bishop, Bettany, Laura, Frank, Alice, Sebastian..) se mettent à exister, vivre entre 1968 et 2011. le roman parle de famille, du secret, de l'héritage, de la transmission, de l'amitié, des choix que l'on fait par facilité, par nécessité, passivité, lâcheté, sans y penser réellement tout en espérant très fortement que les choses soient autres... le tout sur un fond historique documenté (les manifestations de Chicago, le mouvement hippie, la guerre du Vietnam, l'après 11 septembre...).
Bref, il ne faut pas avoir peur du format brique de 707 pages de ce roman et se laisser emporter!
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Quelques éclaircissements sur la genèse du roman | 4 | SpaceCadet | 22 juin 2020 @ 11:32 |