1900 de Paul Morand

1900 de Paul Morand

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Sciences humaines et exactes => Essais

Critiqué par Alceste, le 31 décembre 2017 (Liège, Inscrit le 20 février 2015, 63 ans)
La note : 10 étoiles
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Brillante évocation

En 1900, Paul Morand a douze ans et pour évoquer, trente ans plus tard, cette année insigne, il rassemble bien sûr ses souvenirs, mais aussi les informations qu’il a collectées en se penchant sur cette époque qui lui semble déjà antédiluvienne, mais pour laquelle il n’emploie jamais l’expression « Belle Époque ».
C’est donc en un texte dense, saturé de noms, d’observations, d’analyses politiques et artistiques, d’anecdotes bien renseignées, que cet écrivain de la vitesse va faire revivre le climat de la France en 1900. Encore fort marquée par les tensions et l’antisémitisme violent de l’Affaire Dreyfus, l’atmosphère s’apaisera grâce à l’Exposition universelle, événement majeur qui donnera l’occasion à la France de faire le point sur ses relations internationales. Les Russes tsaristes sont chouchoutés, l’Angleterre honnie alors que Krüger, l’adversaire hollandais dans la guerre des Boers, fait une tournée triomphale, et deux colosses émergent : l’Allemagne et le Japon. Bien sûr, les pavillons de carton-pâte suscitent la raillerie, mais la Fée Électricité « au rire étrange, crépitant, condensé », émerveille.
Le jeune Morand passera ses journées au Trocadéro, qui n’est pas encore le palais Art Déco que nous connaissons, et où les pays les plus exotiques s’offrent à la découverte, nourrissant en lui son goût futur des voyages mais aussi son admiration pour la "grande oeuvre de Gallieni et Lyautey", en un mot le colonialisme.
Très révélateur aussi, son attrait pour les débuts de l’aviation, de l’automobilisme, du cyclisme. Il suit fiévreusement les exploits des champions, dans des revues comme l’Auto-Vélo, que son père lui interdit en déclarant : « Il faut laisser le sport aux oisifs, mon enfant, le sport donne de mauvaises habitudes de paresse… »
Il se souvient aussi d’une époque où la politique n’est pas encore une activité professionnelle, mais un engagement passionné, où l’opinion publique s’enflamme pour la nomination des généraux de l’armée, que l’on exige vraiment républicaine. Est-ce là le fameux âge d’or de la démocratie ? Ceci dit, le socialisme est partout. Dans la littérature, « le bon ouvrier remplace le bon sauvage du XVIIIème », nous explique l’auteur. L’anticléricalisme est virulent : « Pour les partis progressistes, Rome est ce que Moscou sera plus tard », une puissance occulte et tentaculaire à combattre.
Sur le plan des arts, Morand se livre à un éreintement en règle de ce qu’il appelle le style 1900. Une cascade d’épithètes dénigrantes (« prétentieux, délirant, d’une obscurité lymphatique, style pieuvre, style nouille, une léthargie, une syncope, le triomphe du verdâtre, de l’hybride, du vénéneux..) qui fait mieux comprendre la relégation qu’a connue l’Art nouveau très vite après sa naissance, et jusque dans les années quatre-vingts. Par contre, en musique, un « miracle se produit », ce sont les Nocturnes de Debussy.
La vie mondaine est également abordée, et Morand ressuscite pour nous les soirées de Boni de Castellane, ou les fantaisies de Robert de Montesquiou, ce « Pétrone 1900, qui ne demeurera que grâce au Des Esseintes de Huysmans, ou au Baron de Charlus de Proust ».
Il en va ainsi pour bien des aspects de cette année 1900, qui nous paraît bien étrange par bien des aspects, mais qui par d’autres préfigure les temps contemporains. Ainsi que l’écrit Paul Morand : « 1900, nous lisons notre avenir dans tes rides. »

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