Acte de naissance de Leonard Nolens

Acte de naissance de Leonard Nolens

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie , Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Septularisen, le 21 août 2017 (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans)
La note : 10 étoiles
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Et jure que je dois l’aimer comme la bouche avec laquelle j’invente cette vie et embrasse mes enfants.

«Objet»

Ce sont les yeux, oui ce sont surtout les yeux,
Les plus bleu ciel que je connaisse, et ces arcs
Par-dessus, suspendus, battues sur le front,
Si écartés, c’est cette bouche perfide
Où jamais langue d’homme n’est entrée
Et qui m’embrasse jusqu’au fond de mon être-

C’est ce rire où ses replis les plus obscurs
S’ouvrent lentement en un sanglot jubilatoire,
Oui, c’est cette voix qui s’est emparée de moi
Dans l’encre de mes vers les plus noirs.
Tel est l’objet le plus vrai, le plus aimable et fort
De ma petite vie, son grand visage mort.

Leonard NOLENS (*1947), est la plus grande voix poétique actuelle de la Belgique néerlandophone. Ce recueil magnifiquement traduit par Mme. Danielle LOSMAN, (avec l'aide de l'auteur lui-même), présente des poèmes qui couvrent la période1975-1992 et sont extrait de deux volumes « Hart tegen Hart» et «Tweedracht ». Il propose une poésie somme toute classique, rigoureuse, homogène, condensée à l’extrême d’une grande musicalité et surtout d’une grande sensibilité.

Le poète nous ouvre son cœur, nous fait part de ses doutes, sa souffrance, ses rêves, ses souvenirs d’enfance, ses révoltes, sa vie quotidienne, ses déchirements, ses amours… Un érotisme fin et subtil est d’ailleurs présent dans certains de ses poèmes.

«Je ne sais plus tout d’un coup pourquoi je t’écris ceci.
J’attrape ici des cheveux gris à cheminer vers toi.
Tant de rues, tant de corridors, tant de chambres, tant de clés
Pour la même porte.»

Extrait du poème «Singulier pluriel ».

C’est tendre, beau et à la fois réaliste, car l’auteur se révèle vite être un observateur sans pair de ses semblables, et de la vie de tous les jours.
Toute son œuvre est empreinte d’un certain nihilisme, du sentiment de l’éphémère, de l’absurde, et de la vanité de toute entreprise humaine. Sa poésie «flotte» en permanence entre la pensée contemplative et la pensée réelle, elle «flotte» entre l’extase et le retour à la condition humaine.

Aujourd’hui j’aurais voulu me taire, et me taisant penser à toi
Comme un homme qui tient longtemps son verre contre la lumière
Avant de le remplir et de le boire.

Mais je suis de nouveau venu vers toi.
Mais je t’ai prise
Mais j’ai bu toute la journée et toute la nuit.
Et de ce désir aucune fibre n’est restée intacte.

Extrait du poème « Dur et doux ».

Parfois on cherche très loin des poètes du monde entier susceptibles de nous faire découvrir de «nouvelles émotions» et l’on oublie souvent de regarder tout près de soi… C’est le cas de ce grand poète de Belgique, qui est tout près de nous et pourtant si méconnu. Je conseille donc au plus grand nombre de partir au plus vite à sa découverte…

Jeudi matin 12 octobre 1978, six heures et demie, au « Pelikaan »

Mon bistrot se vide, La ville se remplit.
Je vois des costumes et des salopettes quitter leur maison.
Je ne comprends pas quelle mouche vous pique
D’aller tous les jours servir
D’une main d’enfant ces machines compliquées,
En additionnant tous ces chiffres d’un regard rêveur.

Et vous mes amis poètes en retraire qui rouillez sur place,
Les calvinistes vous ont émasculé et muselé la gorge,
Vous ne parlez pas, non vous bricolez vaguement,
Vous remontez des superbes petites mécaniques
D’une savante main droite – ça marche à tous les coups!
Mais il ne marche pas du tout votre cœur.

Ma langue reste coincée entre les aiguilles de six heures et demi.
Je peux voir ma mort, le regard vide, dans le charivari
Du carrelage méchamment taché ou d’une lèvre écorchée
Dans le naufrage de ma voix, perdue, endormie bientôt
Entre les bouteilles vides et les doux bras d’un absent,
Dans ce crayon rouge qui roule dans des lettres jamais écrites.

Je voudrais être de chez vous, de chez les hommes,
Et tire le jour sur ma tête comme un sac.

Rappelons que Leonard NOLENS est lauréat du prix Constantijn Huygens en 1997 et du Prix des lettres néerlandaises (considéré comme le prix littéraire le plus prestigieux des Pays-Bas et de la Belgique néerlandophone) en 2012. Son nom a été proposé à de nombreuses reprises pour le Prix Nobel de Littérature.

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