Plongée en milieu trouble

Le récit s’ouvre sur une fascinante description de la place Pigalle de nuit : « …Les ailes du Moulin-Rouge brandissent leurs ampoules brasillantes. Des coulées d’une lumières rose courent et serpentent sur des écrans, pareilles à d’insaisissables écureuils de clarté. Coup d’œil féerique dont je ne me lasse point. Mais à droite, dans le boulevard Barbès, où le métro jaillit du sol et suit sa trajectoire, rien ne resplendit plus, après minuit, que cinq ou six débits mal fréquentés dont l’éclairage ourle le trottoir d’un morne flamboiement… »

Par le biais d’une sorte de trafiquant, le narrateur trouve à assouvir sa curiosité des mauvais lieux au long d’une équipée nocturne dans les milieux interlopes de Montmartre puis de la Bastille en 1927. C’est ainsi qu’il décrit, « sans pitié ni mépris », cette pauvre humanité qu’il découvre en poussant les portes d’établissements en tous genres: filles de joie, clients veules, vendeurs à la sauvette, et surtout jeunes hommes efféminés, voués à la prostitution, qui semblent attirer particulièrement son attention. Leur destinée est évoquée par intermittences : la rue, les liaisons boiteuses, les descentes de police, les règlements de compte . Avec stupeur, il apprend l’existence d’un annuaire « contenant tous les renseignements utiles pour les propriétaires de maisons et salons de Société. » Deux cents vingt-quatre y sont répertoriés rien qu’à Paris. Et ce ne sont que des « boîtes à femmes » « Tu ne voudrais tout de même pas qu’on concurrence les Boches » lui réplique-t-on.

Comme toujours, chez Carco, la préoccupation littéraire est première : toujours une citation de Baudelaire au bout du stylo, il s’amuse beaucoup du langage parigot, dont il essaye de transcrire le caractère argotique chez ses protagonistes :
« Ben, à présent, j’t'en fous. Pour ce qui est d’être nasi (note : syphilitique), tout le monde l’est, mais ça s’voit pas, tandis qu’marqué ça donne méfiance. » Il en est de même des noms propres, qu’il cite pour nous faire apprécier les trouvailles langagières : Belle-Viande, Frisé, La Crampe, Dudule, la Panachée pour les jeunes gens, M. Tagada pour le patron, le trèfle rose, le rat mort, pour les établissements.
Mais c’est un document avant tout, voulu comme tel par l’auteur, qui entend révéler ce qui était caché et méritait d’être montré.

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  Images cachées

  de Carco, Francis
  Albin Michel
  ISBN : SANS000051216 ; 12/09/1929 ; 253 p.