Lignes d'ombre de Amitav Ghosh

Lignes d'ombre de Amitav Ghosh
(The Shadow Lines)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Asiatique

Critiqué par Tistou, le 21 février 2017 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Des « lignes d’ombre » comme autant de frontières arbitraires

Des frontières arbitraires ! Quel pays mieux que l’Inde et ses voisins, Bangla Desh et Pakistan, peuvent en revendiquer. La Partition que le colon britannique instaura au moment de son retrait va en créer des lignes d’ombre ! Et pas qu’un peu ! Et des sanglantes !
Amitav Ghosh, bengali qu’il est, est plus naturellement tourné vers l’Est de l’Inde et son voisin : le Bangla Desh.
Et la violence communautaire, les drames de l’exil, il les a touchés du doigt puisque, bengali de Calcutta, il a vécu jeune à Dhaka, capitale alors du Pakistan Oriental, devenu depuis Bangla Desh.
Le narrateur de « Lignes d’ombre » est bengali, vit à Calcutta mais a passé du temps aussi à Londres, et, à l’instar d’Amitav Ghosh, a une histoire familiale enchevêtrée avec une ville maintenant de l’autre côté de la frontière, Dhaka.
Enchevêtrée est le mot juste puisqu’Amitav Ghosh n’a pas fait le choix d’une simple narration, linéaire ou avec quelques retours en arrière facilement identifiables, non, il va voleter d’un personnage à l’autre, qui tous ont un rapport avec le narrateur, principalement de sa famille en fait et les lieux concernés vont passer allègrement de Calcutta à Londres et, brièvement, à Dhaka.
Les histoires familiales ne sont pas forcément simples, « Lignes d’ombre » n’échappe pas à la règle. Amitav Ghosh n’a pas voulu faire simple parce que le sujet, hé bien le sujet n’est pas simple.
Nous fréquenterons donc Tridib, le cousin du narrateur, genre dandy un peu hors – sol qui connaitra une fin tragique, sa grand-mère et sa grand –tante qui, elles, ont connu Dhaka du temps où l’Inde et le Bangla Desh n’existaient pas « grâce » à l’Empire britannique. Ila, jeune femme bengali atypique, qu’on pourrait qualifier de « libérée » si cela signifiait quelque chose. Shaheb, le père d’Ila, haut - fonctionnaire du Ministère des Affaires Etrangères. May, l’amie anglaise de la famille, qui connait les deux versants civilisationnels ; l’indien et l’occidental ou disons l’anglais. Et pas mal d’autres autour desquels les considérations s’enroulent comme des volutes de fumée.

« C’est donc ce que je racontai à ma grand-mère tandis qu’étendue sur son lit d’invalide elle me foudroyait du regard. Je lui racontai qu’Ila vivait à Londres uniquement parce qu’elle voulait être libre.
Mais je compris tout de suite que j’avais commis une erreur ; j'aurais dû savoir qu’elle n’éprouverait que du mépris pour une liberté qui pouvait s’acheter avec le prix d’un billet d’avion. Car, elle aussi, autrefois, elle avait voulu être libre ; elle avait rêvé de tuer au nom de cette liberté.
Ce n’est pas la liberté qu’elle veut, dit Grand–mère, ses yeux injectés de sang brillant au creux de son visage desséché. Elle veut qu’on la laisse libre d’agir à sa guise ; c’est le souhait de n’importe quelle pute. Ca lui sera assez facile là-bas ; c’est ce que ces endroits offrent. Mais ce n’est pas ce qu’être libre signifie. »

Des zones d’ombre perçues ainsi par le narrateur seront éclaircies au fil des chapitres, mettant en valeur ce que l’exil et la Partition ont pu générer. L’Histoire n’est pas simple et l’Inde est compliquée. « Lignes d’ombre » aussi …

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