Original remix : le lys dans la vallée de Thomas A. Ravier
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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J'ai pas kifé !
Le quatrième de couverture m'avait séduit. En substance ça disait "On s'est arrêté de mourir d'amour en France quand a disparu l'imparfait du subjonctif." J'aimais bien. J'ai vu ensuite que ce roman était le deuxième de cet auteur de moi parfaitement inconnu. Le premier s'intitulait "Au bord de l'amer"... Plaisant. je me suis donc attaqué plein d'entrain à ce petit roman et très vite j'ai déchanté. L'histoire ? Une petite histoire d'amour sur fond de banlieue parisienne; ça ne casse pas trois pattes à un canard. C'est surtout le style qui m'a déconcerté. C'est original mais... L'idée de l'auteur ? Mélanger un style un peu rétro (voire XIXème siècle) au langage des jeunes des cités. Résultat : le vieux ringard que je suis n'entrave que dalle à une partie du texte et le jeune rappeur qui pense que Joey Starr est le Rimbaud des temps modernes ne pige pas grand chose aux envolées lyriques et à l'emploi massif du subjonctif. J'ai mis 10 minutes à comprendre qui était Stéprou, mais que pense le jeune banlieusard d'une phrase comme "Je béton tu t'en doutes dans un état second en apercevant la profondeur inviolée de cet être resté obscurci par la noirceur de nos vies modernes. ... Seul, comme avait dû l'être Félix, mon homeboy, mon frère, brisé à mon tour, j'étais dans les secrets d'une meuf inconnue."... Bon, c'est peut être visionnaire, c'est sans doute la littérature de demain, mais moi, je vous l'ai dit, je suis un vioque et je préfère Aymé, Genet, Giono ou Pagnol ... Lésodé man, j'ai pas kifé ta prose.
Les éditions
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Original remix [Texte imprimé], le lys dans la vallée Thomas A. Ravier
de Ravier, Thomas A.
Julliard
ISBN : 9782260015161 ; 15,50 € ; 25/08/1999 ; 152 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (3)
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De Zazieweb
Critique de Lulu (Liège, Inscrit le 10 janvier 2002, 33 ans) - 29 mars 2004
Balzac revu et corrigé Date : 20/07/2000
A l’origine il y a le roman de Balzac, le Lys dans la vallée, et puis il y a la rencontre aussi étonnante qu’étrange de Thomas A. Ravier avec la littérature. Hardant défenseur de l’évolution de la langue. Une langue est vivante parce qu’elle est parlée. Elle est mouvante, changeante d’un quartier à un autre, c’est aussi ce qui en fait la richesse. Il ne nous faut pas oublier les banlieues et leurs anicroches, leurs grammaires réinventées. Dès lors la littérature ne serait-elle pas aussi là ? Là où nous avons tendance à l’ignorer ? Thomas A. Ravier part en guerre à l’aide de sa plume, son stylo d’argent sonne parfois faux par rapport à l’académie, mais il résonne aussi au cœur des banlieues. Faut-il le suivre pour autant ?
La lecture est déroutante ! Nous faut-il alors comprendre que la langue des rues, ce nouvel argot, est une nouvelle littérature ? Il y mêle habilement imparfait du subjonctif et nouveaux mots. L’imparfait du subjonctif, c’est de l’art, de la haute voltige qui n’existe quasiment plus dans la littérature actuelle ; tandis que les mots nouveaux existent et prennent place dans les "dicos". Que nous faut-il en penser ?
Chez Balzac se sont les paysages tourangeaux qui dominent, ici c’est le cadre banlieue, cages d’escaliers, immeubles face à face. Changement de lieux, changement de décors, une époque nous sépare de Balzac. Demeurent les sentiments. D’un côté la figure poétique de Mme de Mortsauf, de l’autre l’énigmatique Frédérique. Suivant une construction originale, le roman de Balzac, se partage en deux lettres. Dans la première Félix confesse à sa fiancée les raisons de sa mélancolie : au sortir d’une adolescence solitaire, il s’est épris d’une femme, mal mariée, qui lui a accordé sa tendresse, mais, par scrupules religieux et sociaux, a assigné des limites précises aux sentiments du jeune homme ; plus tard, quand elle apprend que Félix a une liaison, Mme de Mortsauf, profondément affligée meurt. Dans la seconde lettre, brève et spirituelle, sa correspondante rend à Félix de façon ironique sa liberté.
Chez Thomas A. Ravier, il n’y a pas de réelle lettre, il confesse à son "journal intime", presque une lettre tout son désarroi face à Frédérique, la "meuf" de sa vie. Elle n’a rien de la femme complexe et idéaliste que Balzac avait décrite, non Fred appartient à notre quotidienneté. Tout au long de ce "remix", la tragédie s’efface au fil des imparfaits du subjonctif mixé avec cette nouvelle langue. L’agonie, la profondeur charnelle, le mal de vivre, tout est là ; mais l’équilibre fragile entre ces deux types de langue rend le récit difficile d’accès.
C’est une belle expérience, qu’il faut tenter avec plaisir. Comme le remarque l’auteur de nouvelles musiques sont nées du mélange de l’ancien et du moderne. Ce n’est cependant pas, pour autant, d’un mélange des genres littéraires qu’une nouvelle forme de littérature va s’originer. Cet essai est parfaitement remarquable et choisir les deux extrêmes d’une langue est un exercice excessivement difficile ! A lire pour sortir du classicisme ainsi que de la dictature de la norme !
L'avis de "Lire"
Critique de Lucifer (Wibrin, Inscrit le 10 janvier 2002, - ans) - 29 mars 2004
Verlan version chic...
par Alexie Lorca
Lire, septembre 1999
Lorsque sa petite amie Frédérique lui offre Le lys dans la vallée, Thomas Ravier est perplexe: «Des fleurs dans une vallée, à tous les coups c'est une histoire de vaches.» Il met donc un certain temps avant d'ouvrir ce «livre bovin». Et là, c'est le flash. Dès lors, Thomas dévore tout Honoré puis tout Flaubert, qu'il trompe de temps en temps avec Musset, Chateaubriand, Sénèque. Il s'aventure ensuite du côté de Proust, Céline, Genet et Joyce, tout en continuant à s'enivrer de rap. Imparfait du subjonctif et verlan tourbillonnent un moment dans sa tête avant de s'unir au creux d'un système grammatical et syntaxique explosif. Le lecteur est devenu écrivain. Ce sera Au bord de l'amer (éd. Talus d'approche, 1994), puis Original remix (Julliard), version made in Seine-et-Marne du Lys dans la vallée, le roman du cher Honoré étant lui-même un «original remix» vivifiant du Volupté un peu plan-plan de Sainte-Beuve. «On s'est arrêté de mourir d'amour en France quand a disparu l'imparfait du subjonctif», constate Dèfre, petite sœur banlieusarde de la comtesse de Mortsauf. Qu'à cela ne tienne, c'est avec ce langage classique qu'il vénère et cette langue des banlieues qu'il utilise au quotidien que l'écrivain raconte la passion fatale de ses héros. «La misère a inventé une langue de combat qui est l'argot», écrivait Hugo dans Les Misérables.
A l'aube de l'an 2000, mâtiné de verlan et de vocabulaire très coloré, il est devenu le bouclier d'insurgés armés d'imparfaits du subjonctif.
Félix et Stéprou
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 29 mars 2004
Je tiens à préciser que je n'ai pas lu mais que la critique de Merlin m'enchante. Quand on se farcit un remix du Lys dans la vallée, on devrait, pour avoir une chance d'apprécier le pastiche, connaître un tant soit peu l'original. En l'occurrence, Félix = Félix de Vandenesse, le soupirant de Mme de Mortsauf; quant à Stéprou, comment n'y pas voir Proust en verlan?
Tout ça me donnerait plutôt envie de lire ce petit roman.
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Qui l'a lu ? | 3 | Merlin | 14 avril 2004 @ 11:44 |
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