La Connaissance du Soir de Joë Bousquet
Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie , Littérature => Francophone
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Poèmes d'amour et de mort, hantés par la réclusion à perpétuité du poète dans sa chambre d'alitement
Joe Bousquet est un poète singulier qui, après une grave blessure reçue à la fin de la première guerre mondiale, a investi tout son souffle vital dans l’écriture. Jeune homme intellectuellement brillant (il fut bachelier à 15 ans) dans une famille aisée (son père était médecin) mais menant une vie de voyou violent, séducteur et sensuel, avide d’expériences sensorielles (jusqu’à sa mort, il fumera de l’opium), il se jeta, en devançant l’appel, dans les combats de la 1ère guerre mondiale où, nommé lieutenant, il se distingua par sa bravoure et sa dureté envers ses hommes, qu’il poussait aux limites de leurs forces.
Le 27 mai 1918, il reçut une blessure aux vertèbres qui le laissa infirme et le força à mener une vie recluse d’alité dans une chambre, qui deviendra légendaire et attirera à Carcassonne de multiples et illustres visiteurs (notamment les surréalistes). Lecteur forcené et consommateur d'opium qu'il fumait la nuit, il consacra désormais toute sa vie à l’écriture, qui deviendra indissociable de son être à travers un journal ininterrompu (édité en grande partie à titre posthume) qui lui permit d’intérioriser puis d’extérioriser, comme une respiration, les évènements et les impressions venus du monde extérieur.
L’écriture de Bousquet est profondément poétique mais ses poèmes se limitent au mince recueil de « La connaissance du soir », qui brode en les entrelaçant sur des vers rimés, les thèmes de l’amour, de la mort et de l’impossibilité d’être. Le désir d’ailleurs et de fuite (par des mots ou des ailes) est omniprésent, avec des images obsessionnelles qui évoquent les larmes, la nuit, l’absence, l’exil et le silence dans une sorte de ressassement métaphysique obscur, parfois un peu répétitif, où les choses et les êtres (essentiellement animaux ou féminins) sont essentiellement décrits par ce qu’ils ne sont pas ou par leur insaisissabilité.
Passer
Enfance qui fut dans l’espace
Un vol poursuivi jusqu’au soir
J’appelle ton ombre à voix basse
Avec la peur de te revoir
Sœur en deuil de tes robes claires
Ta fuite est l’oiseau bleu des jours
Que de son chant fait la lumière
Des gestes rêvés par l’amour
C’est par ton charme qu’une fille
D’un corps ébauché dans les cieux
A formé la larme des villes
Qui s’illuminent dans ses yeux
Et ce fut ton âme de rendre
Mon doute plus que moi vivant
Passerose aux ailes de cendre
Qui m’ouvrais ton cœur dans le vent
La plupart des poèmes, pour la plupart d’une veine classique (sauf ceux de « L’épi de lavande » en prose ou en vers libres), sont composés de vers courts et rimés, non ponctués et disposés en quatrains, avec un rythme qui s’inspire du fabliau ou de la parole chantée, jusque dans les titres « pensefables et dansemuses » ; « madrigal » ; « vieille histoire », « chantelaine », etc. Néanmoins, cette poésie n’est jamais légère ; elle est poignante et mystérieuse, souvent même hermétique (avec de nombreuses allusions, par l’usage fréquent du « je » et du « tu », à des dédicataires jamais nommé(e)s) et ressasse la mort et l’amour avec des images d’un onirisme halluciné bruissant de mots murmurés par des bouches invisibles, d’yeux aux paupières de nuit et d’ailes comme des échos d’elles… A ce titre, on ne peut s’empêcher de songer que Joe Bousquet a ressuscité, en plein cœur du XXème siècle, l’inquiétude, à la fois ésotérique et charnelle, des troubadours occitans dont la célébration d’un amour inaccessible se doublait d'une attente de la mort. Bousquet fut d’ailleurs l’ami intime de René Nelli, spécialiste de la poétique courtoise et du catharisme, qui a sans aucun doute fortement influencé l’écriture de Bousquet.
Madrigal
Du temps qu’on l’aimait lasse d’elle-même
Elle avait juré d’être cet amour
Elle en fut le charme et lui le poème
La terre est légère aux serments d’un jour
Le vent pleurait les oiseaux de passage
Berçant les mers sur ses ailes de sel
Je prends l’étoile avec un beau nuage
Quand la page blanche a bu tout le ciel
Dans l’air qui fleurit de l’entendre rire
Marche un vieux cheval couleur de chemin
Connais à son pas la mort qui m’inspire
Et qui vient sans moi demander sa main
Cette édition nrf/Gallimard est précédée d’une très intéressante préface du poète Hubert Juin, qui a connu et fréquenté Joe Bousquet.
Les éditions
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La Connaissance du soir [Texte imprimé] Joë Bousquet préface d'Hubert Juin
de Bousquet, Joë Juin, Hubert (Autre)
Gallimard / Collection Poésie (Paris. 1966)
ISBN : 9782070322015 ; 18,84 € ; 03/02/1981 ; 114 p. ; Poche
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