L’intérêt de l’enfant de Ian McEwan
(The Children Act)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Grandeur et fragilités d'une juge
Fiona est juge aux affaires familiales. A 59 ans elle a une longue expérience et est une magistrate expérimentée et respectée de la « high court ». Sa pratique professionnelle la conduit quotidiennement au cœur de conflits familiaux tristement ordinaires impliquant des déchirements autour de la garde d’enfants, d’appropriation des biens du couple ou des revenus du conjoint et de négation de la réalité d’années de liens amoureux. Au delà de cet ordinaire, elle se trouve confrontée à des situations extrêmes de décisions concernant des questions de vie et de mort face à des parties arc-boutées sur des convictions religieuses, des valeurs morales, des éthiques médicales. Son rôle est par définition de dire le droit et non la morale ni ses sentiments personnels. Elle doit en dernier ressort trancher personnellement en tant que juge. Trancher, ceci est devenu effroyablement concret quand elle décidera de la séparation de frères siamois dont l’un sera sacrifié à la survie viable de l’autre, sachant que l’alternative était à terme pire pour les deux enfants. Cette affaire envahira sa vie personnelle, la bouleversera même physiquement et l’éloignera de l’intimité avec son mari. Celui-ci qui n’apparaît guère à son avantage dans ce roman, lui fait part de son désir de vivre une aventure extra conjugale et entreprend rapidement de passer des intentions aux actes. Simultanément Fiona hérite d’un nouveau dossier sulfureux concernant un jeune témoin de Jéhovah de 18 ans souffrant d’une leucémie. L’hôpital requiert de la part de la justice qu’elle ordonne une transfusion sanguine, malgré le refus des parents également témoins de Jéhovah et du jeune homme encore mineur pour 3 mois avant ses 18 ans.
Dans l’urgence les parties exposeront dans toute leur complexité les éléments de ce drame opposant la nécessité médicale , la frustration des soignants, face à l’interdiction d’administrer par la force une thérapie à un individu aux aptitudes intellectuelles apparemment remarquables et qui semble vivre ses convictions religieuses jusqu’à leur logique extrême avec sérénité dans le cocon de sa communauté.
Fiona, comme la loi l’y autorise, ira au chevet du jeune, pour juger de son aptitude à décider pour lui-même. Elle échouera à le convaincre intellectuellement. De retour à la cour elle dictera ensuite sa propre décision de transfusion. Mais à l’occasion de cette visite et sans que cela soit forcément calculé elle aura provoqué chez lui le choc esthétique et émotionnel qui va le faire sortir de son emprisonnement sectaire. Ceci constitue à peu près la première partie du roman. La deuxième partie déroule les conséquences des événements et des forces mises en branle dans la première mais avec une intensité que j’ai ressentie comme plus faible, bien que l’histoire soit aussi dramatique.
Ian Mc Ewan nous fait pénétrer avec précision dans ce qui est sans doute la réalité de la mécanique judiciaire, dans la philosophie, la technique, la pratique, la sociologie d’une classe de haut magistrats, leur vécu quotidien, la confrontation à la misère humaine. Il montre la façon dont on essaye de se blinder. Avec Fiona il nous fait découvrir le meilleur de la pratique professionnelle. En marge à travers des récits de collègues magistrat ou avocat on découvre aussi le pire avec les conséquences désastreuses, d’erreurs de bonne foi, ou de pratiques négligentes ou d’affaires criminelles bâclées.
Enfin en marge de ce roman, je ne peux pas m’empêcher de songer aux discussions d’actualité brûlante en ce début d’année 2016 sur les processus de déradicalisation. Le désembrigadement dont il est question se fait véritablement comme un passage d’une vision unique, totalitaire, confortable et rassurante dans sa simplicité au sein de la communauté sectaire, vers un monde où dominent la beauté, la lumière, la poésie, la musique, mais aussi la liberté, les doutes, les choix, les incertitudes.
Les éditions
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L'intérêt de l'enfant [Texte imprimé], roman Ian McEwan traduit de l'anglais par France Camus-Pichon
de McEwan, Ian Camus-Pichon, France (Traducteur)
Gallimard / Du monde entier (Paris)
ISBN : 9782070147687 ; 18,00 € ; 01/10/2015 ; 240 p. ; Broché -
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L'intérêt de l'enfant [Texte imprimé] Ian McEwan traduit de l'anglais par France Camus-Pichon
de McEwan, Ian Camus-Pichon, France (Traducteur)
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782072714580 ; 7,50 € ; 06/04/2017 ; 240 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (4)
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L'intérêt de l'enfant
Critique de Annelete56 (, Inscrite le 11 octobre 2020, 35 ans) - 12 octobre 2020
Message de la modération : Extrait de la présentation éditeur
L’intérêt de l’enfant, mais pas celui du lecteur !
Critique de Ori (Kraainem, Inscrit le 27 décembre 2004, 88 ans) - 12 mars 2016
L’affaire des enfants siamois dont la chirurgie séparatrice permettrait la survie de l’un des deux bébés est le premier des cas limites exposés. Le second est relatif à une transfusion sanguine salvatrice, refusée par un mineur d’âge sous influence de la secte des Témoins de Jéhovah.
L’auteur entremêle l’analyse juridique approfondie de ces affaires et leur aboutissement avec des événements affectant la vie privée de la juge, et ce mélange des genres affaiblit me semble-t-il l’intérêt du roman, dont l’écriture s’avère en outre (et comme l'écrit Falgo) sans grande recherche littéraire.
Roman un peu faible, à mon avis !
La justice, affaire de raison ou de coeur ?
Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 6 mars 2016
L'histoire tourne presque davantage autour de Fiona que d'Adam. Les cas annexes qu'elle traite servent de bouche-trous et ne viennent pas rajouter grand-chose. Sa relation avec son mari rend l'atmosphère plutôt glauque : elle s'enlise dans des non-dits et un manque de volonté manifeste de dialoguer en laissant pourrir la situation. La relation Fiona-Adam pose la question de l'interaction professionnel-personnel : dès que le sujet n'est plus un simple objet de décision judiciaire, un dossier sur papier, Fiona franchit une frontière qui la protégeait, mais jusqu'où faut-il aller ? pour le bien de qui ?
Passionnant et banal
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 1 février 2016
Forums: L’intérêt de l’enfant
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Oui à la juge, non à la femme | 2 | Miss Tigrette | 27 février 2016 @ 14:57 |