L'Idiot de Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski
(Идиот)
Catégorie(s) : Littérature => Russe
Moyenne des notes : (basée sur 28 avis)
Cote pondérée : (99ème position).
Discussion(s) : 2 (Voir »)
Visites : 36 431 (depuis Novembre 2007)
Bienheureux les simples d’esprit
Au moment ou le prince Mychkine débarque du train à Saint Petersbourg - il arrive de Suisse où il était soigné pour "Idiotie" - le lecteur embarque lui dans le train grande vitesse Dostoïevskien pour un trajet chaotique de près de mille pages. Il en sortira hébété, comme à la sortie d'un rêve tourmenté. Un rêve, c'est exactement de ça qu'il s'agit : ce livre parle directement à l'inconscient du lecteur. Un rêve chaotique, mouvementé, excessif et exalté. A la fin, exactement comme au sortir d'un rêve, le lecteur devra tenter de rassembler les lambeaux épars de sa lecture pour donner un sens à ce voyage dans l'inconscient.
En apparence l'histoire principale est celle du prince Mychkine, un jeune homme de 26 ans, qui rentre au pays après un séjour de cinq ans en Suisse. Il y était soigné pour « Idiotie ». Bien qu’officiellement guéri, le jeune prince se comporte de manière singulière : il est profondément humble et doux, il fait confiance à tout le monde et est toujours parfaitement sincère. Il a en outre la particularité de toujours voir le bon coté chez les gens qu’il côtoie et de s’intéresser sincèrement à eux. Dans l'entourage du prince se trouve quelques personnages secondaires haut en couleur, dont l'auteur comme à son habitude force allègrement le trait afin de mieux frapper l'imagination du lecteur. Pour le reste : c'est la tourmente. Mille pages de digressions, de dialogues ahurissants, une avalanche continuelle d'évènements complètements inattendus. Le tout forme un ensemble en apparence parfaitement incohérent, et d'ailleurs à la fin du livre le lecteur aura du mal à refaire la trame du récit, une fois quittée l'agitation du livre il devra réfléchir et tenter d'assimiler ce chaos suscité en lui.
Au niveau du style, personne n'égale Dostoïevski : c'est époustouflant de force, écrit à la serpe, un jet continu qui nous est lancé à la face. Surprenant : par moment le narrateur s'adresse directement au lecteur, pour lui faire part de sa difficulté à relater tel évènement, ou encore de sa difficulté à dépeindre tel personnage car celui étant par trop ordinaire il est inapte à frapper l'imagination du lecteur ! J'aime beaucoup.
Au niveau des idées, on retrouve la conviction de l'auteur que seul la foi en l’amour du Christ pourra sauver le monde contre les grands dangers de l’époque que sont l’athéisme, l’occidentalisme, le libéralisme, le socialisme et le catholicisme (principalement en réaction contre le pouvoir de Rome). Quelques passages d'anthologie aussi : la dithyrambe du prince contre la peine de mort entre autres.
Certains théologiens (Romano Guardini en tête) ont vu dans la personne du prince Mychkine une représentation romanesque et symbolique du Christ. La similitude est évidente : une source de bonté et d’humilité qui se trouve confrontée au monde des hommes, l’affrontement de la bonté et du mal. Tout comme la mission du Christ sur terre, le retour du prince au pays se solde par un échec cuisant et total. De plus la forme du récit possède des similitudes avec l'évangile de Saint Jean que l'auteur connaissait par coeur dit-on : intemporalité, annonce continuelle d'une catastrophe imminente, suite d'évennements indissolublement liés à la vérité.
Dostoïevski vénérait profondément la personne du Christ, mais cette croyance n'est pas exempte de doute (il l'exprime par l'épisode autobiographique du Christ de Holbein). Le problème est celui d'accommoder une foi indéniable - car ressentie dans l'âme - avec la noirceur du monde et l'évidence de la souffrance. C'est la question posée par Job et qui n'a pas trouvée de réponses (car il n'y en a pas ?). C'est un thème récurrent dans l'Idiot, et il est illustré admirablement par un fait divers réel que l'auteur reprend dans le récit : il s'agit d'un homme qui poignarde son ami pour lui voler sa montre et qui, au moment d'abattre son couteau, s'exclame : "Bénis-moi Seigneur, pardonne-moi au nom du Christ".
Pour être honnête il faut mentionner que ce livre présente quelque points faibles et que par moment le scénario "ne tient pas la route". Mais ceci n'est pas grave car on est dans un rêve, pas une histoire. Dans un moment d'exaltation très Dostoïevskien, je n'hésite pas à dire que ce roman est, après "Crime et Châtiment", le plus grand roman jamais écrit. Et j'ajoute immédiatement qu'après avoir lu Dostoïevski il n'y a plus rien d'autre à lire ! Alors embarquez sans tarder dans le train, pour faire ou refaire ce voyage en compagnie du prince, de la famille Epanchkine, des Ivolguine, de Lébédev et des autres. Bon voyage !
Les éditions
-
L'Idiot de Fedor Mihailovič Dostoevskij
de Dostoïevski, Fedor Mikhaïlovitch
le Livre de poche / Classiques
ISBN : 9782253067085 ; 9,70 € ; 01/06/1994 ; 934 p. ; Poche -
L'idiot [Texte imprimé] Dostoïevski préf. d'Alain Besançon trad. et notes d'Albert Mousset
de Dostoïevski, Fedor Mikhaïlovitch Besançon, Alain (Préfacier) Mousset, Albert (Traducteur)
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782070389636 ; 10,90 € ; 31/10/2001 ; 781 p. ; Poche -
L'Idiot, volume 1, livres 1 et 2
de Dostoïevski, Fedor Mikhaïlovitch Markowicz, André (Traducteur)
Actes Sud / Babel
ISBN : 9782742736454 ; 10,70 € ; 30/11/2001 ; 529 p. ; Poche -
L'Idiot (vol. 2) livres 3 & 4
de Dostoïevski, Fedor Mikhaïlovitch Markowicz, André (Traducteur)
Actes Sud / Babel
ISBN : 9782742736461 ; 10,70 € ; 04/12/2001 ; 489 p. ; Broché -
L'Idiot - Tome I
de Dostoïevski, Fedor Mikhaïlovitch Mousset, Albert (Traducteur)
Bibebook
ISBN : 9782824703848 ; 07/06/2013 ; 450 p. ; Format Kindle -
L'Idiot - Tome II
de Dostoïevski, Fedor Mikhaïlovitch Mousset, Albert (Traducteur)
Bibebook
ISBN : 9782824703855 ; 07/06/2013 ; 396 p. ; Format Kindle
Les livres liés
Pas de série ou de livres liés. Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série
Les critiques éclairs (27)
» Enregistrez-vous pour publier une critique éclair!
Idiot ?
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 9 septembre 2023
L'idiot c'est l'histoire d'un homme simple et bon. Affligé de crises d'épilepsie dans son jeune âge il fut placé en institution ce qui lui valut le surnom peu flatteur d'idiot.
Lire ce long (infiniment long) roman sans s'apercevoir des terribles faiblesses de l'histoire serait utopique. Le nombre effarant de personnages affublés de leurs surnoms rend la tâche du lecteur épuisante.
De longs et interminables dialogues ont sans doute enchantés les russes avides de littérature conflictuelle qui ont encensé l’œuvre lors de sa publication mais avec du recul, il faut reconnaître que le roman a pris des rides.
Cependant force est de constater qu'il reste des adeptes du genre mais le temps rend ce style un peu désuet.
Je dois donc reconnaître que j'ai trouvé cette lecture un peu ennuyeuse, sauf la fin qui sauve un peu l'ensemble.
J'ai pour Dostoïevski un immense respect, il est au sommet de la littérature russe avec Gogol, Tolstoï et bien d'autres tant la richesse lettrée était au rendez-vous au dix neuvième siècle.
L'idiot est un incontournable certes mais armez-vous de courage. Il se lit comme un dessert dont on ne peut trop abuser !
pas si idiot quoique mais idiot mais non mais si
Critique de Magicite (Sud-Est, Inscrit le 4 janvier 2006, 46 ans) - 21 septembre 2018
J'ai dû m'accrocher, pas par manque de plaisir à lire mais pour l'intrigue et la complexité des intrigues, le nombre de personnages dont la plupart ont leur histoire propre histoire développée dans le livre tout en étant raccord. En tout cas c'est le genre de pavé qu'il faut garder en tête pendant la lecture, sans trop de pause entre les séances.
Une fois fini je me suis dit toutes ces pages que j'ai bouffées pour aboutir à cette fin que j'ai trouvé sublime et
/!\ -- attention spoiler -- passez cette ligne si vous n'avez pas lu /!\ dramatique même si on se demande tout du bout qui finit avec qui et comment..
Pourtant plus j'y pensais plus la richesse du roman se faisait jour en moi.
Une fresque monumentale qui décrit la société bourgeoise russe ainsi que la pensée de l'époque fidèlement je suppose. En tout cas une certaine bourgeoisie et souvent la pensée de l'auteur dont la Russie, l'âme Russe (celle fabulée par ses écrivains en tout cas) en est aussi un des thèmes.
Plus que parler de la Russie Dostoïevski nous parle ici de l'âme et l'aventure humaine à travers un tout explorant les destinées jusqu'à leur finalités.
Un de ces livres qui m'a donné envie de le relire une fois fermé mais pas dans la foulée vu la longueur.
Admirable.
Une écriture épileptique
Critique de ARL (Montréal, Inscrit le 6 septembre 2014, 38 ans) - 5 avril 2018
Le roman tel qu’on le connaît a été composé en moins d’un an, sous la pression et entre les crises d’épilepsie. Les carnets préparatoires de Dostoïevski nous montrent toutefois plusieurs versions de l’œuvre très différentes du produit final, l’auteur n’arrivant pas à se décider sur l’orientation qu’il voulait donner au texte. L’Idiot porte la marque de cette création pénible et l’on sent dans l’écriture un empressement et une indécision qui se glissent jusque dans les actions des personnages, très instables et impulsifs.
Le chaos qui règne dans ce classique de la littérature russe ne diminue en rien la finesse de l’analyse psychologique et la puissance des thèmes évoqués. Avec le recul, certains passages sont même hilarants. Le personnage du Prince Mychkine, avec sa bonté et sa naïveté hors du commun, est un incontournable de l’œuvre de Dostoïevski. Mais somme toute, c’est loin d’être le roman idéal pour s’initier à l’auteur. Trop touffu, trop décousu et j’oserais dire plus « vieux jeu » que les autres grands romans de l’écrivain. Quand même une œuvre monumentale qui n’aurait pu être écrite par personne d’autre, mais qui demande patience et dévouement.
le livre de ma vie (une relecture)
Critique de Cyclo (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans) - 9 janvier 2018
"Quelle est, par exemple, la mère aimant tendrement son enfant qui ne prendrait peur à en mourir en voyant son fils ou sa fille s’écartant tant soit peu de la voie : « non, mieux vaut qu’il soit heureux et vive dans l’aisance et sans originalité », voilà ce que pense chaque mère en berçant son enfant."
J’ai souvent rencontré des hommes ou des femmes étranges, insolites, singuliers, qui peuvent paraître farfelus même. Qui refusaient de s’insérer dans le train-train d’une vie toute tracée, parmi les "normopathes", comme dit Charles Juliet. Comment vivent-ils cette originalité, ce décalage d’avec leurs contemporains ? Moi-même, par bien des aspects, je suis bizarroïde. Aussi me suis-je souvent posé la question : peut-on être heureux, apporter le bonheur autour de soi en faisant preuve d’originalité ? A ce sujet, "L’idiot" nous apporte un éclairage particulier. C’est toujours gênant de résumer un roman, surtout un roman foisonnant comme celui-ci, mais pour essayer d’y voir clair – et, après tout, je me rends compte que bien des lecteurs d’aujourd’hui ne connaissent pas Dostoïevski – je vais tenter de le faire, tout en apportant ensuite mes commentaires.
Car, justement, le héros du livre, le Prince Mychkine, un jeune homme épileptique, faible de corps, sinon d’esprit, est complètement original. Quand le roman commence, il rentre de Suisse, où on l’a soigné pendant plusieurs années. Il est en principe guéri, mais reste maladif, il est pauvre, il ne connaît plus personne. Dans le train, il rencontre une espèce de rustre, qui parle fort, Rogojine, qui dit être ensorcelé par une certaine Nastassia Filippovna.
Fascinant, non, un roman qui commence dans un train, lieu de toutes les rencontres ? Le lecteur embarque dans une sorte de TGV dostoïevskien pour un parcours trouble de près de huit cents pages. Avec le train, "on se dépêche avec bruit et fracas, on se hâte soi-disant pour le bonheur de l’humanité !" C’est à voir. Or, Lébédev, également présent dans le train, compare le réseau de chemin de fer, cette araignée, à l'étoile Absinthe, par référence à un passage de l’Apocalypse : "Le troisième ange sonna de la trompette, et une grande étoile ardente comme un flambeau, tomba du ciel sur la troisième partie des fleuves et sur les fontaines. Le nom de l'étoile était Absinthe, et la troisième partie des eaux fut changée en absinthe ; et plusieurs hommes moururent dans les eaux, parce qu'elles étaient amères".
Une fois arrivé à Pétersbourg, Mychkine est reçu dans la maison du Général Epantchine, car il est vaguement parent de la générale. Néanmoins, il leur paraît bizarre. Par exemple, il leur affirme : "J'aime beaucoup les ânes parce que l'âne est un homme utile et beau." Par ailleurs, la générale, qui a trois filles à marier, n’a pas envie de s’embarrasser d’un parent pauvre. Toujours chez le Général, le Prince Mychkine évoque la peine de mort : il a assisté en France à une exécution par guillotine. Gania, le secrétaire du général, propose de le loger chez lui, sa mère prenant des pensionnaires.
Ensuite, le prince s’invite à la soirée d'anniversaire de Nastassia Filippovna, dont lui avait parlé Rogojine. Ce dernier arrive ivre et offre une large somme d'argent à la jeune femme pour qu'elle le suive. Nastassia Filippovna brûle les 100 000 roubles que Rogojine a déboursé pour l'acheter. Ebloui par la beauté de Nastassia, le prince perçoit qu’elle est en fait désespérée, il en tombe maladivement amoureux, et lui propose de l'épouser. Après avoir accepté son offre, elle s'enfuit pourtant avec Rogojine. Mais Rogojine s’aperçoit que Nastassia est attirée par Mychkine. Il tente de tuer le prince, qui est sauvé par une crise d'épilepsie : il s'écroule juste avant le meurtre...
La famille Epantchine fait connaître au prince la société pétersbourgeoise mêlant bourgeois, aristocrates, anciens militaires et fonctionnaires. Mis à la tête d’un héritage imprévu, Mychkine avive la curiosité de cette société. L’été vient, et tout le monde s'installe à Pavlovsk, villégiature cotée. Là, le Prince Mychkine tombe amoureux de la cadette de la famille Epantchine, Aglaé Ivanovna. Celle-ci, courtisée également par Gania, est émue par l’affection du prince, d’autant plus qu’elle ne se sent pas à l’aise dans sa famille. Mais elle en joue avec un brin de sadisme. Or le Prince, lui, s'exprime toujours avec clarté, sincérité et spontanéité, ce qui fascine, amuse ou offusque la bonne société. Justement à cause de cette sincérité, il se crée des ennemis (Hyppolite, Gania) malgré son caractère bon et naïf. En fin de compte, Aglaé renonce à lui et Mychkine tente de sauver l'âme de Nastasia Filippovna en lui proposant de l’épouser à nouveau. Elle semble accepter, et le mariage se prépare. Hélas, au jour J, l’extravagante Nastassia s'enfuit à nouveau avec Rogojine. Ce dernier, tout à sa passion pour Nastassia Philipovna, et jaloux de prince, assassine la jeune femme dans la nuit même. Il est condamné au bagne et le Prince, redevenu autiste ou idiot, est définitivement interné. Aglaé s’enfuit avec un faux aristocrate polonais.
Ce qui m’a beaucoup frappé dans "L'Idiot", c’est l'histoire de l'étrange amitié de ces deux hommes qui forment un double, Mychkine et Rogojine, que tout oppose pourtant, et de leur amour pour une même femme.
Mychkine est en fait incapable de nouer un rapport avec le réel, d’assumer la violence du désir et celle des sentiments, de s’approprier le monde, aussi échoue-t-il dans la création d’un lien aussi bien avec Aglaé qu’avec Nastassia. Il est innocent, il vit comme si le temps et le corps n’existaient pas, aussi ses aspirations échouent devant l'épreuve de la réalité et les conflits que cette dernière engendre. Il vit dans la fulgurance de l'instant, où il lui arrive de briller avec finesse et de bien percevoir les choses et les gens, mais c’est pendant la crise épileptique qu’il arrive à la plénitude et l'apaisement, dans une fuite face au réel. Malheureusement, à ce moment-là, il approche aussi du chaos.
Mychkine ne peut donc pas s’approprier le corps. Mais en séparant le corps de l'esprit, en transformant la passion en compassion, il tombe dans un altruisme artificiel. Face à Nastassia Philippovna, qui incarne la beauté absolue (Mychkine le dit : "La beauté sauvera le monde"), il est attiré par cet idéal, mais son sentiment amoureux reste lointain, factice. Il vit l’appel vers autrui, et surtout le désir, comme une menace d'anéantissement de son moi, il ne peut les assumer. Il en est de même avec Aglaé, ce que la jeune fille ressent immédiatement. Le prince veut essayer de sauver l’âme de Nastassia en lui offrant son amour. Certain de la "pureté" de son sentiment pour elle, Mychkine pressent que l'amour sensuel de Rogojine pour la jeune femme s’achèvera en drame, mais il refuse aussi d’être agressif vis-à-vis de son rival.
En effet, Mychkine est hanté par Rogojine, l’autre semblable (à lui), mais inconscient de la contradiction que recèle cette similitude, il se sent "poursuivi" par lui. Quand Rogojine tente de tuer Mychkine avec le couteau au manche en pied de cerf (avec lequel il assassine Nastassia à la fin du roman), on sent que le prince est tout autant fasciné par ce couteau que Rogojine, même s’il est sauvé du meurtre par sa crise d’épilepsie. Le prince est lucide sur Rogojine et aveugle sur ses propres impulsions.
Rogojine est son double opposé. Sincère à sa manière, il est affamé d’un désir de possession frénétique vers Nastassia. Il voit donc en Mychkine un rival, surtout qu’il a conscience que Mychkine est d’une pureté absolue, et que c’est ce qui attire Nastassia vers lui. Rogojine ne peut répondre à la beauté de Nastassia que par une violence exacerbée, destructrice du désir. A la passion cruelle de Rogojine s’oppose le "détachement" de Mychkine, chez qui, l’attraction patente et la haine inconsciente se côtoient, parce qu’il est fondamentalement bon.
Nastassia Philippovna a été abusée par son tuteur au cours de sa jeunesse. Devenue femme entretenue, elle nourrit une rancoeur sauvage et destructrice envers tous les hommes, sauf peut-être Mychkine. Elle perçoit bien l’opposition entre Mychkine et Rogojine, et va et vient sans cesse entre eux deux, déchirée entre un idéal d'innocence (Mychkine, qu’elle n’épouse pas, parce que ce serait le détruire) et ce qu’elle pressent de sa propre perdition (Rogojine). Et ça ne peut que finir par la violence : c’est autour du cadavre de la femme aimée que les deux rivaux se retrouvent, dans une connivence étrangement apaisée, l’un s’affirmant meurtrier et l’autre perdant définitivement la raison.
"L'Idiot" peut se lire aussi comme l'histoire du Christ qui revient sur terre (à comparer avec "Le Christ recrucifié", de Kazantzaki). Le seul personnage qui soit totalement bon sans être ridicule, c'est le Christ, celui des évangiles. La bonté du prince Mychkine confine à la naïveté et à l'idiotie, au grotesque souvent, même s'il perçoit finement les choses. Il se comporte de manière singulière : à la fois humble et doux (comme les ânes qu’il aime tant), il fait confiance à tout le monde et est toujours parfaitement sincère. Il ne voit que le bon coté des gens qu’il côtoie. Trop pur et innocent, il débarque au milieu d'une société artificielle et dépravée. Il y parle le langage du cœur, ce qui désarçonne les autres et les prend au dépourvu. Ainsi, à moment donné, lors d’une réunion mondaine, Mychkine, hors de lui, laisse éclater avec violence sa hargne contre le catholicisme, puis contre les convives de la soirée, pour inviter chacun, comme si de rien n'était, à se reprendre pour tendre vers l’idéal, suscitant ainsi l’hilarité de tous, avant de s’effondrer dans une crise. Il discerne ce qui se trame dans les cœurs et ne se soucie pas des intrigues qui l'entourent. Il pardonne à ses "amis" les trahisons les plus cruelles (celle de Lébédev par exemple) et justifie toujours leur faute par l'ignorance ou la faiblesse. Son amour est plus fort que tout. Comme celui du Christ. Et on sent pointer ici Dostoïevski, qui estime que seule la foi en l’amour du Christ peut sauver le monde contre les dangers modernes : l’athéisme, le libéralisme, le socialisme, l’occidentalisme et le catholicisme (principalement en réaction contre le pouvoir de Rome).
Ce roman intense, taillé à la serpe, coule à jet continu, part dans tous les sens, les épisodes s'enchaînent avec force. Dostoïevski sonde les cœurs et les âmes avec une puissance et une profondeur inégalées. "En effet, rien n’est plus contrariant que d’être par exemple riche, d’une famille honorable, bien de sa personne, convenablement instruit, point sot et, cependant, dépourvu de tout talent, de toute particularité, même de toute excentricité, sans aucune idée personnelle, en un mot d’être « comme tout le monde »." Ce que précisément n’est pas le héros !
Les dialogues pétillent d’intelligence, usant de tous les registres, passant du comique au tragique, du bouffon au grotesque, du philosophique à la gaieté, d’une hésitation à un coq-à-l’âne… Il y a un modernisme étonnant dans ce livre qui déploie toutes les grandes questions. Ainsi, par la bouche d’Hyppolite, le tuberculeux, le roman défend le choix pour chaque individu de sa propre mort, dernière liberté qui nous reste : "... en me condamnant à ne vivre que trois semaines, la nature a si rigoureusement limité mon champ d'action que le suicide est peut-être le seul acte que je puisse entreprendre et achever par ma propre volonté. Eh bien ! pourquoi ne voudrais-je pas profiter de la dernière possibilité d'agir qui s'offre à moi ?"
On en ressort comme d’un rêve puissant et long, imprégné de spasmes, secoué de rires ou d’indignations, admiratif : quel roman contemporain tient le coup face à un tel monument ?
déçu
Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 52 ans) - 7 janvier 2015
10 ans plus tard, j'ai beaucoup oublié du contenu de ce livre, preuve que ma mémoire ne l'a pas retenu parmi mes lectures les plus marquantes, et donc qu'elle n'a pas été intéressée à en garder souvenir, pour la plus grande part. Ce qui m'en reste maintenant, c'est le sentiment de longueur, et de perplexité face à des dialogues excessifs et interminables.
Après "Le double" qui m'a laissé dubitatif, "L'idiot" ne m'a pas donné envie, tout de suite, de poursuivre la lecture de cet auteur dont on m'a dit qu'il est génial. Peut-être qu'il me faudra lire "Crime et châtiment" ou "Les frères Karamazov", ses dits chef-d'oeuvres, pour que je lui trouve du génie.
Un jour, un jour...
Du bon Dosto
Critique de FrèreGallagher (, Inscrit le 7 janvier 2013, 36 ans) - 6 octobre 2013
L'Idiot bouleverse ...
Critique de Bebmadrid (Palma de Mallorca, Inscrit le 29 novembre 2007, 45 ans) - 5 octobre 2013
Ça part dans tous les sens. Situations rocambolesques, dialogues tranchants, personnage principal attachant et tellement idiot à la fois. Plus d'une fois, on se demande quand même où l'on va (si l'on va quelque part) puis on se laisse aller ... On rit, on pense, on se laisse volontairement embrouiller mais on ne s'ennuie jamais !
Et bien entendu, on meurt d'envie de se replonger dans du Dostoïevski une fois le livre refermé.
Un seul conseil : lisez-le !! Encore un chef d'oeuvre de Dostoeïvski
Critique de Salocin (, Inscrit le 12 décembre 2012, 43 ans) - 13 février 2013
Non vraiment, je dirai les choses comment elles me viennent et tant pis pour les faiblesses de ma parole.
Déjà la critique n’a pas énormément de sens lorsqu’il s’agit d’écrire sur Dostoïevski. Le seul conseil qui vaille pour cet auteur est assez simple : lisez le ! Et méditez. On y apprend tellement sur l’être humain, ses passions, ses faiblesses.
C’est assez incroyable que cette entrée en matière de l’Idiot, un livre 1 d’une rare intensité qu’on lit à un rythme effréné, le souffle coupé, la respiration haletante. Dostoïevski impose son style à travers une écriture convulsive, des personnages hauts en couleur, des situations rocambolesques, des dialogues savoureux.
Cette première partie est ponctuée de passages fascinants. Je pense notamment à la tirade du Prince Mychkine contre la peine de mort, qui en dit long sur la modernité, l’humanisme, l’avant-gardisme intellectuel de Dostoïevski. Je vous cite un court extrait de cette tirade du prince d’une rare puissance:
« Mais la douleur la plus forte, la plus grave, peut-être, elle n'est pas dans les plaies, elle est dans ce qu'on sait à coup sûr que, là, dans une heure, et puis dans dix minutes, et puis dans une demi-minute, et puis maintenant, là, à l'instant, l'âme va jaillir du corps, et qu'on ne sera plus jamais un homme – et que tout ça c'est à coup sûr ; le pire, c'est ça – à coup sûr. Et quand on met la tête sous cette lame, et qu'on l'entend qui glisse au-dessus de la tête, c'est ce quart de seconde là qui est le plus terrifiant »
Certaines situations sont hilarantes, notamment celles mettant en scène le général Ivolguine, complètement à côté de ses pompes, mythomane, et pris en flagrant délit de mensonge lorsque Nastassia se rend compte qu’une de ses prétendues anecdotes personnelle à dormir debout a été inventée de toute pièce (elle est tirée d’un fait divers qu’elle vient de lire dans le journal le matin même !). Plus tard, il y aura aussi l’aveu grossier fait au prince comme quoi il a été dans sa jeunesse et pour quelques jours le page de Napoléon lorsque ce dernier est arrivé conquérant dans la ville de Moscou et qu’il a à cette occasion influé sur les décisions militaires qu’il a pu prendre !
Tout cette première partie est tellement riche que le souffle retombe sans prévenir dès le début du livre 2 et l’histoire s’embourbe un peu, le nombre de personnages qui gravitent autour du prince rend aussi la lecture plus difficile. Mais c’est à ce moment que la figure christique du prince s’impose, et si la qualificatif d’idiot peut être retenu c’est pour caractériser sa naïveté apparente (et non son haut degré d’intelligence qui s’affirme dans ses prises de position successives et qui est reconnu par tous les protagonistes). Doit-on en effet parler de naïveté alors que j’y vois de mon côté de l’empathie, de la compréhension, de l’écoute, de l’humanité, du pardon et de la bienveillance. L’idiot n’est vraiment pas celui qu’on croit bien au contraire.
Le livre 3 est marqué par la confession d’Hippolyte, dont on ne sait pas trop si elle est feinte, sincère ou pathétique, en tous cas, elle repose sur quelques idées fulgurantes mais aussi sur des longueurs peu compréhensibles. Le lecteur est assommé par certains développements qui témoignent de l’esprit embrouillé de ses protagonistes, et justement quoi de mieux que de restituer cette confusion d’esprit en embrouillant directement le lecteur. Il y a aussi les autres personnages qui, et comme le constate le lecteur, témoignent explicitement de l’incohérence, de l’absurdité du discours d’Hippolyte ou se plaignent de ses digressions. Plusieurs fois, ce procédé est utilisé et il contribue à donner davantage de vérité au roman et de sincérité aux personnages.
Il y a également l’indécision amoureuse d’Aglaïa (elle décide de s’engager avec le prince et la minute d’après a déjà tout rompu et préfère Gania, puis retourne vers le prince…) ou les revirements de position incessants de Lizaveta Prokofievna , tout ceci est presque énigmatique pour le lecteur qui peine à comprendre ces états d'âme : mais c’est là toute la grandeur de ces personnages, gagnés par la passion, la folie de l’amour, la vie trépidante, et dont la stabilité d’esprit n’est pas une caractéristique. Et c’est cela qui les rend attachants et qui je crois fait la force d’un être humain pour Dostoïevski par exemple quand il distingue les hommes ordinaires de ceux dotés d’une intelligence ou d’une énergie supérieure. Il rabaisse très largement les premiers qui n’ont jamais d’idées brillantes et sont tellement banals qu’ils ne sont pas dignes d’intérêt.
Le roman glisse alors doucement vers le livre 4 dans un mouvement de tumulte, les relations entre les différents protagonistes, se font, se défont, s'entremêlent et il n'est plus possible de démêler le vrai du faux et de comprendre presque les attitudes de chacun. Dostoïevski va même jusqu'à dire :
« Et néanmoins, nous sentons que nous devons nous limiter à une simple exposition des faits, sans, autant que faire se peut, aucune explication particulière : parce que nous-même dans de nombreux cas, nous avons du mal à expliquer ce qui s'est passé »
Je crois que c'est dans ces cents dernières pages que l'on comprend le plus la raison pour laquelle Dostoïevski qualifie le prince d'idiot. Et l'explication me semble pessimiste. Le prince est trop bon, trop simple, trop humble face à ces deux furies, ces beautés folles que sont Nastassia et Aglaïa. Il ne sait pas choisir et se fait dévorer par le caractère contradictoire et la passion de ces deux femmes, par sa sincérité et ses sentiments qu'il ne maîtrise pas, par son indécision constante. C'est un drame personnel, bouleversant, car le prince vit dans la désillusion et ne fait que subir les événements ; il est victime de sa bonté, du monde extérieur, des sentiments humains trop cruels et trop complexes pour lui. Il est condamné, par sa naïveté qui n'est que bonté, au malheur.
Tout simplement incontournable et exceptionnel!
Critique de Kian996 (, Inscrit le 30 juin 2012, 28 ans) - 18 septembre 2012
Danse macabre
Critique de Perlimplim (Paris, Inscrit le 20 mars 2011, 48 ans) - 15 décembre 2011
Le coup de génie de Dostoïevski tient dans le rapport ambigu de Mychkine avec Rogojine, comme s'ils étaient les deux facettes d'un même personnage. Le premier est aussi blond que le second est brun, l'un est aussi bon et doux que l'autre est emporté et violent. Autour de ce "couple" étonnant, gravite une foule de personnages, parfois extrêmement attachants jusque dans leur bassesse (Lebedev, Ivolguine).
Un beau roman, qui n'est peut-être pas exempt de certaines longueurs, mais que la scène finale éclaire, d'une lumière noire, sous un angle inattendu et puissant.
Dommage que la nature ne m'ait pas doté du don de trouver des bons titres...
Critique de Zola adrien (, Inscrit le 29 juin 2011, 27 ans) - 20 septembre 2011
A conseiller à tous les adeptes de littérature; bien que la littérature russe soit moins compréhensible que les autres, dans le fait où Dostoievski utilise environ 4 noms par personnage ( nom, prénom surnom, nom péjoratif, nom mélioratif,... ).
l'idiot
Critique de Exarkun1979 (Montréal, Inscrit le 8 septembre 2008, 45 ans) - 3 juin 2011
Le revers de bonté
Critique de Cccp (, Inscrit le 31 mai 2011, 41 ans) - 31 mai 2011
Je dirais juste que de dépeindre l'homme bon, et en plus d'y arriver sans tomber dans le manichéisme (même si certain peuvent être tentés de voir les "gentils" et les "méchants", ils les auront reconnus) est une prouesse qui donne toute sa force à ce roman.
Gentillesse? Naïveté?
Critique de OC- (, Inscrit le 4 mars 2011, 27 ans) - 22 avril 2011
Mais au delà de la moralité de l'histoire elle-même, ou plutôt des histoires qui constituent l'Idiot, c'est dans les dialogues, dans les idées des personnages que l'on trouve certainement le plus matière à réflexion.
On a d'abord la diatribe de la peine de mort, faite par le prince, Dostoïevski y insérant par là un fragment autobiographique ( il a été condamné à mort et gracié au dernier moment ). L'idiot explique que la peine de mort est un crime bien plus terrible que le crime pour lequel le condamné est condamné!
Le prince critique aussi le pouvoir de Rome, le jugeant comme tout ce qu'il y a de plus anti-chrétien.
Et puis il y a, sûrement un de mes passages voire mon passage favori de ce roman, la Confession d'Hippolyte, un phtisique qui est sûr de mourir deux ou trois semaines plus tard. Cette confession nous bouscule, et quand il nous dit qu'il ne voulait plus sortir de la rue car il ne supportait plus de voir ces gens - avec toute leur vie devant eux - se plaindre et gémir de futilités, on se sent comme coupable, car on se reconnaît là dedans. Puis on est heureux, par respect à Hippolyte ou tous ces gens qui crèvent de faim.
Dostoïevski nous pousse à réfléchir sur notre vie, sur le sens de notre vie et comment mieux l'appréhender, comment connaître le bonheur; et c'est là le plus grand intérêt de la littérature à mon avis.
Encore un incontournable !
Critique de Ngc111 (, Inscrit le 9 mai 2008, 38 ans) - 19 décembre 2010
Si l'on prend l'exemple de Rogojine, son cas est assez symbolique de l'ensemble du récit et de son manque d'homogénéité. Ainsi ce personnage attise la curiosité notamment dans sa relation avec Nastassia Filippovna mais plus particulièrement lorsque le prince vient lui rendre visite ; puis plus rien pendant de nombreuses pages, même lorsque Nastassia le repousse au profit du prince où il se contente d'esquisser un sourire. Et puis vient l'acte final où il passe au premier plan, acte mémorable pour le lecteur dans la façon dont il est traité.
Cette scène à elle seule vaut à ce roman un statut de chef d'œuvre (encore un !). L'esthétique qui se dégage du passage où Nastassia est allongée morte sur le lit, son "pied de porcelaine" dépassant du drap, la luminosité quasi absente... tout cela renvoie à une forme d'art presque visuelle. Et l'auteur de jouer pendant quelque secondes avec son lectorat quant à savoir si Rogojine a vraiment tué sa bien aimée.
D'autres moments restent gravés dans la mémoire du lecteur pourtant abasourdi après telle fin ; on pense au discours rédigé d'Hippolyte ou aux questions réponses entre le prince et les dames de la famille Epantchine lors de leur première rencontre.
Pourtant Dostoïevski lui-même n'était pas content du résultat de son œuvre ; il jugeait n'avoir traduit qu'un dixième de ce qu'il voulait mettre en place dans son récit. Le prince quant à lui devait être un personnage hors norme, parfait même selon les dires de son auteur, ce dernier considérant que ce "genre" de personnages n'existaient plus à cette époque (milieu du 19e siècle) en Russie.
Que constate-t-on aujourd'hui ? Que le prince apparaît comme un être quelque peu ingénu (dans sa relation avec Aglaia par exemple), bizarre pour les autres, malade même ; et pourtant on le voit aussi "christique" lorsqu'il pardonne même à Rogojine, lorsqu'il fait une montagne d'un vase brisé, lorsqu'il se montre gentil et compréhensif tout simplement... n'osant refuser la demande de Nastassia Filipovna.
Au final L'idiot peut apparaître comme incohérent, manquant d'un fil directeur (bien que l'on retrouve la plupart des thèmes chers à Dostoïevski comme la foi, le socialisme, le crime...) mais il reste un incontournable de la littérature russe et de la littérature en général. Son nombre hallucinant de personnages n'empêche pas que l'on s'intéresse à tous, renforçant ainsi notre sentiment de frustration.
Le roman se place peut-être derrière Les Frères Karamazov et Crimes Et Châtiments mais ce n'est pas un déshonneur, non ?
Eloge de la folie et de la liberté
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 29 novembre 2009
Le tout est dense, brillant et complexe
Il s'agit indéniablement d'un grand livre, mais à lire avec patience, sans autre lecture parallèle.
Vraiment apprécié
Critique de Zew (, Inscrit le 1 mai 2009, 40 ans) - 1 mai 2009
Un livre rare et sacré, qui contient une grande finesse dans les portraits psychologiques de chaque personnage et les relations sociales qu'il entretiennent dans une société russe que l'auteur critique à travers cette oeuvre.
Il faut lire les critiques
Critique de Arval (Papeete, Inscrite le 8 mars 2008, 56 ans) - 24 septembre 2008
Sinon, j'ai quand même mis du temps à le finir, c'est un style littéraire que je ne connaissais pas, j'ai trouvé qu'il y avait quelques longueurs. Mais c'est un livre superbe, cependant il faut absolument lire les critiques après, pour les novices comme moi.
L’idiostoïevski
Critique de Jean Meurtrier (Tilff, Inscrit le 19 janvier 2005, 49 ans) - 15 février 2008
Dostoïevski appartient à une autre époque et à une autre culture, malgré une forte influence occidentale et française en particulier, ce qui le rend parfois déroutant. Il écarte temporairement des affaires essentielles pour y revenir par après, quitte à laisser le lecteur perplexe. La complexité des patronymes et grades russes dispersés dans un texte servi par une traduction moyenne m’a contraint à redoubler d’attention. Au bout du compte les efforts sont largement récompensés, ne fut-ce que par les nombreuses digressions. J’ai particulièrement aimé l’épisode de la pauvre Marie en montagne, le plaidoyer contre la peine mort, le rêve d’Hippolyte ou les récits napoléoniens du général Ivolguine, mythomane invétéré.
La palette des personnages dostoïevskiens constitue manifestement le grand attrait de ce qui pourrait être une gigantesque pièce de théâtre. Si l’on peut facilement deviner le Christ au travers du prince, il est envisageable d’étendre l’analogie jusqu’à distinguer d’autres figures du nouveau testament dans son entourage, comme Marie-Madeleine ou Judas.
La psychologie de certains intervenants est passablement tortueuse, mais toujours concevable. Seuls le Prince et Lisaveta Yepantchine s’expriment sans détours. Parmi les autres, nombreux sont ceux que l’auteur s’amuse à placer face à leurs propres faiblesses, excès et contradictions au point de le rendre pathétiques. Grâce à la maestria de l’écrivain russe, mais aussi à la longueur du roman, on s’attache à tout ce petit monde qu’on aurait bien imaginé continuer son petit train-train, si le roman n’avait pas tourné au drame.
La mariée est en fuite !
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 8 février 2008
Pour résumer un peu l'histoire, Dosto met en scène un personnage insolite en la personne du prince Mychkine qui passe pour complètement idiot au yeux du monde. Pauvre Mychkine, il aurait mieux vallu pour lui qu'il reste en Suisse bien sagement plutôt que de venir faire ses bourdes dans la mère patrie.
Il a le malheur de s'éprendre d'une jeune femme plutôt volage en la personne de Nastassia Philippovna dont au début il ne voit que le portrait. Mais le prince est séduit par sa beauté et dès lors, il est perdu. Éprouve-t-il un véritable amour pour elle ? Il avoue lui-même l'aimer par pitié et pure compassion. Mais un autre personnage aime Nastassia et est prêt à tout pour l'épouser quitte à devoir payer de grosses sommes pour acheter la femme de sa vie. Rogojine éprouve une passion dévorante pour Nastassia et devient donc le rival acharné du pauvre prince, allant jusqu'à attenter à ses jours afin de garder la femme qu'il aime.
Mais que dit Nastassia de tout ça ? Elle est peu fiable, a des caprices, des sautes d'humeur, change d'avis comme de chemise et le jour même de son mariage avec le prince, elle prend la fuite avec Rogojine. Cette histoire finit mal, très mal et la scène de la fin dans l'appartement de Rogojine est grandiose de sordidité et de pure folie.
Curieusement, il faut avoir lu le livre en entier pour bien l'apprécier car le rythme est très lent et Dostoïevski prend tout son temps pour nous raconter cette triste histoire. Il met en scène beaucoup de personnages qui occupent tour à tour le devant de la scène alors, cela allonge le récit démesurément. Mais comment résister à l'écriture de Dostoïevski malgré ce morne ennui que j'ai parfois éprouvé à sa lecture. Lire Dostoïevski, c'est comme une drogue. On avale les pages et on en redemande.
N'est-ce pas la marque d'un grand écrivain de pouvoir raconter une histoire somme toute sans grande originalité mais avec une verve ma foi très agréable et un style inoubliable. Et puis, certains personnages dont Lisavèta et le général mythomane sont très drôles et pittoresques alors que d'autres sont carrément pathétiques dont celui d'Hyppolyte.
Bref, un triangle amoureux des plus mouvementé qui se disloque, entraînant ses trois protagonistes dans un terrible malheur dont ils ne se relèveront pas.
Pas aimé
Critique de MOPP (, Inscrit le 20 mars 2005, 87 ans) - 6 décembre 2007
Trop compliqué pour moi...
le plus grand
Critique de Le chasseur (, Inscrit le 21 janvier 2007, 48 ans) - 21 janvier 2007
Palpitant.
Critique de Soili (, Inscrit le 28 mars 2005, 51 ans) - 9 novembre 2006
S'ensuivent les aventures du prince en Russie qui nous dévoilera à moult reprises sa candeur, son humilité, son "idiotie" ? Dans ce roman qui tout du long est empli de digressions diverses et variées sur de nombreux sujets, Dostoïevski nous dévoile le plus souvent sous forme d'apologue les nombreux sujets qui lui tiennent à coeur avec entre autres la religion , la peine de mort ....
Ce roman nous livre une sorte de ballet où chaque réunion finit régulièrement en grands discours enflammés, de nombreux personnages avec souvent de forts caractères où le prince apparait différent des autres par son caractère totalement pur et dénué d'arrières pensées. Cette différence mettra le feu aux poudres régulièrement et engendre tout simplement la destinée du prince.
Un livre palpitant et abordable qui ne peut qu'encourager à persévérer à la lecture de Dostoïevski.
Merci
Critique de Spleenofrock (, Inscrit le 27 janvier 2005, 44 ans) - 27 janvier 2005
Mais surtout merci à Dostoïevski d'avoir écrit ce livre qui a pour toujours relancé ma passion pour la littérature, un peu éteinte par ma scolarité (trop) scientifique et le traitement scolaire de tous les livres.
Après un certain épisode (chez Nastassia Philipovna), ma lecture est devenue passionnelle. Chaque page, relue indépendamment peut nous apporter quelque chose.
Chaque scène et grand mouvement du roman est gravé dans ma mémoire, parfois même avec des images des personnages et de l'action, c'est dire si ce roman est "vivant".
Il garde une place à part dans ma bibliothèque: "A lire, relire encore et encore".
Un must...
Critique de Don_Quichotte (Metz, Inscrit le 31 mai 2004, 37 ans) - 10 octobre 2004
je le conseille à absolument tout le monde!
Mon préféré...
Critique de Duncan (Liège, Inscrit le 21 février 2004, 43 ans) - 21 février 2004
Devant les frères Karamazov, devant crimes et châtiments... Seul "Souvenirs de la maison des morts" souffre la comparaison...
Pourquoi ? Je ne sais pas ( et le premier qui répond : " par identification au titre" se prend une raclée virtuelle dont il se souviendra longtemps ! ;-) )... Je l'ai dévoré !
Une critique bien pauvre à côté des deux autres ci-présentées... Mais je n'arrive jamais à "rationnaliser" les raisons de mes coups de coeur... c'est ainsi...
Puis j'en suis encore à un stade "goulu"... Un jour viendra le temps de la relecture... et là je pourrai sans doute mieux dire...
D'ici là... j'en resterai aux sentiments diffus ;-)
Enfin !...
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 2 janvier 2004
Dostoïevski a toujours maintenu que l'homme était libre et donc responsable. C'est à cause de cette volonté de liberté de l'homme qu'il défendait que les grandes tyrannies ont interdit ses écrits.
Cette liberté l'amène à défendre le suicide et ce que nous appelons aujourd'hui l'euthanasie quand il fait dire à un de ses personnages: "... en me condamnant à ne vivre que trois semaines, la nature a si rigoureusement limité mon champ d'action que le suicide est peut-être le seul acte que je puisse entreprendre et achever par ma propre volonté. Eh bien ! pourquoi ne voudrais-je pas profiter de la dernière possibilité d'agir qui s'offre à moi ?
Une protestation peut parfois avoir sa valeur..."
Mais c'est aussi cette libérté et cette responsabilité qui lui font accepter la notion de punition, comme il le fait dans "Crime et châtiment"
Comment un Staline aurait pu accepter les phrases suivantes extraites de "L'Idiot": " N'oubliez pas que le socialisme est, lui aussi, un produit du catholicisme et de son essence. (catholicisme que Dostoïevki hait autant que le socialisme). Comme son frère, l'athéisme, il est né du désespoir; il représente une réaction morale contre le catholicisme, il vise à s'approprier l'autorité spirituelle que la religion a perdue, à étancher la soif ardente de l'âme humaine et à chercher le salut, non pas dans le Christ, mais dans la violence. Ici, comme dans le catholicisme, nous voyons des gens qui veulent assurer la liberté par la violence, l'union par le glaive et par le sang ! "Défense de croire en Dieu, défense de posséder, défense d'avoir une personnalité, fraternité ou la mort au prix de deux millions de têtes"
Il n'a pas eu tort dans sa vision, sauf qu'il s'est largement trompé quant aux nombres de têtes éliminées par le communisme, dérivé du socialisme qu'il a supplanté.
A-t-il lu le livre "De la démocratie aux Etats-Unis" d'Alexis de Tocqueville, paru en 1848, quand il écrit que l'Occident ne voit dans le peuple russe que le glaive et qu'il ajoute: "Il en a toujours été ainsi jusqu'à présent et ce préjugé ne fera que croître" ?
Mais ce li!vre est rempli d'idées, plus riches les unes que les autres, et il convient de se souvenir que Dostoïeski construisait ses romans autour des idées qu'il entendait exprimer.
Saule a tout à fait raison quand il dit que nous ne sortons pas indemnes d'une telle lecture, tant le génie de cet auteur nous bouscule, nous apostrophe.
Deux petites choses cependant:
- S'il est vrai que nous sommes en présence d'un des plus grands génies de la littérature, heureusement je ne crois pas qu'après lui il n'y a plus rien d'autre à lire ! Ce serait affreux !
- Je reste toujours convaincu que son chef-d'oeuvre ce sont "Les frères Karamazov" dans lequel il va encore plus loin.
Encore merci pour cette superbe critique, Saule ! Te voilà devenu notre spécialiste des auteurs Russes autant que des asiatiques et des japonais en particulier.
Forums: L'Idiot
Sujets | Messages | Utilisateur | Dernier message | |
---|---|---|---|---|
Même pas le journal ? | 8 | Bolcho | 7 février 2018 @ 16:35 | |
Le Christ de Holbein | 8 | Saule | 18 janvier 2004 @ 00:41 |