Précisions de Henri Guillemin

Précisions de Henri Guillemin

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire

Critiqué par Radetsky, le 23 septembre 2014 (Inscrit le 13 août 2009, 81 ans)
La note : 10 étoiles
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Henri Guillemin l'éclaireur

Henri Guillemin (1903-1992), historien, critique, polémiste, s'est fait connaître par des ouvrages dont l'ambition principale a été le déboulonnage de réputations trop blanches ou trop noires à son goût, qu'il se soit agi d'écrivains ou d'hommes politiques. Une soif manifeste de justice, dans le sens le plus strict, a toujours animé ce catholique qui n'a jamais craint de piétiner les plates-bandes les mieux cultivées des gens "comme il faut". Pas de quartier donc et tant pis si quelques gloires se retrouvent à l'égout. Son métier d'historien le prédisposait donc à rechercher avec méthode et minutie toutes les sources disponibles, témoin cet ouvrage composite, succession d'essais littéraires ou historiques et qui porte bien son nom. "Une passion de connaissance. Les oeuvres et les êtres. L'oeuvre est issue de l'être" (Préface).

- Guillemin ouvre le feu avec "Bossuet et Fénelon - ou l'alibi théologique"
On sait quel rang a toujours tenu Bossuet dans l'histoire littéraire française. On nous rebat les oreilles du "Madame se meurt, Madame est morte", tandis que le personnage Bossuet n'a jamais craint, pétri d'ambitions de gloire et de pouvoir, de discréditer autant qu'il pouvait tous ceux qui auraient pu lui faire de l'ombre, justement au regard du Pouvoir, à savoir Louis XIV et sa cour.
Qui de nos jours étudie Fénelon ? Les cabales à prétexte religieux ourdies par Bossuet, destinées à l'abattre dans l'authenticité de sa foi et l'intégrité de son ministère en ont fait jusqu'à nos jours une sorte de méconnu (à peine) célèbre. Guillemin passe en revue les comportements, les écrits, les méthodes du macrocosme politique et religieux de la Cour, et ses conclusions sont accablantes pour "l'Aigle de Meaux" qui ne fut en réalité qu'un vilain corbeau.

- "Genève et Voltaire contre J.J. Rousseau"
Comme le remarque Henri Guillemin, si on lit encore les "Confessions" et les "Rêveries", on passe sous silence ou on note en passant "l'Emile", le "Contrat Social" ou les "Lettres de la Montagne", autrement plus compromettants, de plus en plus compromettants, aux yeux de Voltaire et bientôt de toute l'équipe de "L'Encyclopédie". Car, voyez-vous, Rousseau ne veut pas se contenter de bâtir un beau système déiste et technicien sans risques pour les possédants, mais aller au fond des choses et promouvoir un changement radical (pour son temps) des bases de la société. On n'en est plus à des comparaisons entre la monarchie et quelque "république" (Genève la si mal nommée, agrégat de banquiers et de négociants dont la rigueur protestante leur sert surtout à préserver leur domination), mais à se demander à quoi servirait une république où les plus pauvres ne verraient rien changer à leur sort misérable. Fureur et de Voltaire et de Genève ! Ce bonhomme est un traître, un terroriste : il faut lui rogner les ailes, le discréditer, le ruiner. Je n'en dirai pas plus.

- Châteaubriand et sa "Vie de Rancé"
Il semble que ce travail, qui n'eut aucun succès lors de sa parution (1844), ait été plus ou moins suggéré à l'auteur, voire imposé...
Au soir de sa vie (76 ans), l'auteur d'Atala, des Mémoires d'outre-tombe, aurait voulu se rappeler à l'attention du monde par cet ouvrage de composition ? Guillemin fait une analyse littéraire et psychologique de la genèse et du déroulement de ce travail de piété ostentatoire - le Vicomte n'était guère croyant à cette époque - en relevant les maladresses ou les "raccords" historiques, à verser au dossier "Châteaubriand".

- Lamartine, Notes sur les "Recueillements"
Ce chapitre - en deux parties - est l'histoire purement littéraire (disons littéraire et mondaine) d'un recueil de pièces poétiques, parues d'abord en 1839, puis en 1850, enfin en 1860-63 sous forme "définitive". On va de variantes en repentirs, scandés par l'existence du poète. J'avoue n'avoir que survolé ce chapitre, pourtant intéressant aussi quant à la personnalité de Lamartine.

- Lamartine, à propos de "Raphaël"
Lamartine, devenu incroyant, semble pour Henri Guillemin parvenu en 1847 à exprimer dans cet écrit une manière de prière envers un principe supérieur, guide de nos émotions et de nos aspirations, notamment au travers du sentiment amoureux que notre auteur aura intensément éprouvé durant sa vie. Un pari pascalien en quelque sorte, tenu au travers d'oeuvres comme celle qui est analysée ici.

- Lamartine et les Etats-Unis
La désastreuse expédition du Mexique (1866) ? Un contre-feu raté à l'expansion américaine. L'affaire des "dédommagements" (25 millions de l'époque) donnés aux Etats-Unis qui réclamaient une "compensation" de la France pour le blocus continental décrété par Napoléon ? Une Arrogante prétention de la part de gens qui avaient eu la Louisiane pour une bouchée de pain. Etc. etc. peut-on écrire. Lamartine a été ministre des Affaires Etrangères, député, et à ces titres à même de suivre pas à pas les démêlés de la diplomatie française face à cette nation (je cite) de "trafiquants acharnés, fiers de ne connaître que ce qui rapporte"..."qui vivent dans une fièvre de richesse à tout prix"...et pour qui "nous ne faisions qu'accorder une prime à des usuriers". J'abrège. Ce court morceau de bravoure se suit comme une enquête policière et éclaire, si c'était encore nécessaire les ressorts véritables de cette "supériorité du mépris", surtout à l'égard de leurs propres principes, déployée encore de nos jours par les Etatsuniens.

- Balzac, "Le lys dans la vallée"
Examen du style et des sentiments balzaciens pour ses personnages. Comme aux cartes : je passe...

- Les cryptogrammes d'Alfred de Vigny
Cinq pages en tout. Mais apprendre que "Monsieur de" passait sa retraite sous le second Empire dans le département de la Charente à rédiger des notes de dénonciation au Préfet (au besoin écrites pour son propre usage en caractères cryptés), à l'égard de gens dangereux... on en reste pantois ! Des assassins, voleurs, violeurs, faussaires, trafiquants ? Que nenni : des républicains, des opposants pour résumer. Ainsi ce bigot, cette vieille crapule à la carrière militaire plus qu'ordinaire, ajouta la vilenie d'un esprit mesquin et lâche à une gloire esthétique qui ne lui suffisait pas.

- Hugo "traître"
On a assez brocardé le bourgeois "arrivé" Victor Hugo pour le contraste apparent entre ses opinions évolutives, ses actes politiques, et les principes dont il se réclamait. Au fond, le père Hugo n'aurait jamais rien risqué...
Pair de France, député (pourchassé), sénateur, proscrit, exilé, refusant l'amnistie. Je résume la belle plaidoirie argumentée et puisée à de multiples sources d'Henri Guillemin, lui laissant la parole pour les dernières ligne de ce chapitre :
"Un dangereux bonhomme, ce Hugo, vieux lion qui refusait de devenir "toutou" et qui à soixante-quinze ans jetait, pour lui seul, ceci sur le papier - D'ordinaire, vivre et surtout avoir vécu, cela refroidit. Pas moi...je ne suis pas de ces doux vieillards. Je reste exaspéré et violent...

- La prière de Hugo
"Hugo matérialiste, spiritualiste ?" (Renan) La réponse, chacun la connaît, ne serait-ce que par ce testament en forme de manifeste : "Je refuse l'oraison de toutes les églises, je demande une prière à toutes les âmes". Dieu, l'âme, sont partout dans l'oeuvre de ce diable d'homme, qui vécut en sybarite de l'espérance au milieu des tempêtes. Et les exemples abondent que relève Guillemin.

- Sainte-Beuve et ses "Poisons"
L'amant de Mme Victor Hugo n'a guère plus de lecteurs. Il a d'ailleurs été mortifié que ses contemporains Lamartine, Hugo, Musset,... lui aient fait tant d'ombre. D'où l'amertume qui le fait sans doute trébucher dans son style, comme le type qui mâcherait des cailloux pour s'entraîner à discourir. Ses critiques, ses poèmes, portent la trace d'un talent mal développé, tout en manifestant une sincérité certaine.
Sainte-Beuve : à redécouvrir sans doute.

- Vallès et sa trilogie
Voici une longue bio-bibliographie de Jules Vallès et des trois oeuvres par lesquelles il est connu. L'enfant, Le bachelier, L'insurgé.
Deux chapitres passent en revue de détail les péripéties de sa vie familiale, littéraire, politique, et ce travail critique d'Henri Guillemin serait une excellente introduction (ou une postface utile) à la lecture des bouquins en question. Il est inutile de dire qu'Henri Guillemin est un "vallésien" convaincu

- Claudel et Zola
Les points communs entre les deux ? Entre le naturalisme scientiste et la foi intransigeante du converti ? Une osmose subtile sans doute, entre les formes littéraires d'un humanisme cru et athée d'une part, et les aspirations à une grandeur humaine que la divinité inspire et suscite dans le théâtre et la poésie d'autre part... A suivre.

- Péguy et le sixième commandement
- A propos du "Péguy" de Romain Rolland
Je déclare forfait pour les cinquante dernières pages, ne m'y étant guère intéressé... pour l'instant.

Ce livre ne figure plus au catalogue de Gallimard, hélas ! Il faudra avoir recours à l'occasion.

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