Les vieux de la vieille de René Fallet
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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A la bonne franquette
Jean-marie Pejat, Blaise Poulossière surnommé la Mandoline et Baptiste Talon « l'Artichaut » sont trois pépés qui habitent le même bourg dans le Bourbonnais. Leur soixante-dixième année arrivée trop vite ils s'aperçoivent un soir de fête qu'ils s'ennuient ferme et que plus rien ne les retient dans leur village où ils passent pour trois vieux fossiles dont le seul but dans la vie est de vider des chopines. Sur un coup de tête les trois compères décident de prendre leurs cliques et leurs claques et de partir pour la maison de repos départementale de la Gouyette.
Ce roman rabelaisien est le récit de cette épopée pédestre qui ne manquera pas d'aventures.
Les vieux de la vieille est un roman attachant pour son côté franchouillard, un peu vieille France, voir picaresque. On pourrait croire à première vue que cette histoire n'a pas l'air très gaie et pourtant c'est tout le contraire. Ce roman transpire la bonne humeur et une joie de vivre à la bonne franquette à l'image de l’œuvre de René Fallet. Une biographie riche et diverse même si celle-ci est surtout connue pour ses écrits populaires tels que la Soupe aux choux, un idiot à Paris ou encore le Beaujolais nouveau est arrivé.
La principale force de cet écrivain réside dans ses dialogues tellement savoureux, ce qui lui valut d'ailleurs nombre d'adaptations cinématographiques. Voici un extrait qui à mon avis donnera une idée précise au lecteur sur ce à quoi s'en tenir.
« Blaise siffla son verre :
-T 'as point vu Talon ?
-Non. Faut croire que ses gendresses l'auront capté et enfermé dans le poulailler.
-C'est malheureux tout de même de pas être libre de son corps. C'est une chance qu'on soit point affublés d'enfants. Ça vous mangerait le lard qu'on tient à la main, ces outils-là.
-Moi, des enfants je risquais pas d'en avoir. Toi non plus, faut dire, dans un sens.
Blaise, qui attrapait déjà la chopine, fit comme le temps et suspendit son vol :
-Qui que tu chantes ? J'ai été marié quarante ans.
-Justement.
-Qui que tu chantes ?
-Je dis : justement. C'est pas pour dire du mal de ta pauvre femme défunte, mais on peut pas jurer sur un bénitier qu'il y a jamais rien eu de plus vilain sur le pas d'une porte, quand elle prenait l'air.
La chopine, reposée brusquement, fit un bruit de canon de 37. L'auditoire retint son souffle.
-Y a jamais rien eu d'aussi vilain sur le pas d'une porte que la Jeanne ?
-Jamais. Ce qui explique que t'aies point d'enfant. Au lit, t'as dû lui tourner le cul pendant quarante ans, et je te jette pas la pierre, allez. N'empêche qu'on a jamais fait un enfant à une femme en lui tournant le cul, tu peux demander à tout le monde qu'est ici présent.
Blaise en demeurait pétrifié.
-Sacré vieille charogne, finit-il par exploser, comment que t'oses dire qu'elle était vilaine, la Jeanne ?
-Enfin, Blaise, y a jamais eu créature plus affreuse, plus abominable, plus épouvantable à regarder que cette femme-là. A preuve, c'est que dès qu'elles la voyaient, les pies foutaient le camp jusqu'à Moulins sans s'arrêter...»
Un bon moment de lecture, de détente.
Les éditions
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Les Vieux de la vieille [Texte imprimé] René Fallet
de Fallet, René
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070364374 ; 6,90 € ; 06/09/1973 ; 224 p. ; Poche
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Très drôle
Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans) - 3 juillet 2021
Et ce n'est pas un chef d'oeuvre de la littérature non plus, je le reconnais.
Mais c'est un très bon roman, très drôle (je souriais en permanence durant la lecture, j'ai rigolé franchement à plusieurs reprises), doté de dialogues remarquablement bien torchés (on dirait du Audiard... qui signera les dialogues de l'adaptation faite deux ans plus tard par Gilles Grangier), un ton terriblement drôle et décalé, des personnages truculents... Bref, un très bon roman, drôle et touchant, qui permet de passer un très bon moment et me donne envie de lire d'autres romans de Fallet (je ne connaissais de lui, lu dans ma jeunesse et je n'en garde que de rapides souvenirs, que son livre pour la jeunesse "Bulle ou la voix de l'océan"). Beaucoup ont été adaptés au cinéma : "Le Triporteur", "La soupe aux choux", "Un idiot à Paris"...
J'ai vu le film tellement de fois (il est différent en plusieurs points, mais dans l'ensemble, respecte vraiment le livre ; d'ailleurs, le scénario est en partie signé Fallet) que j'avais l'impression d'avoir déjà lu le livre au moment de ma première lecture.
Impossible, aussi (les "méfaits" du cinéma, on va dire), de ne pas mettre les visages de Gabin, Fresnay et Noël-Noël sur les personnages, et ce, même si le personnage qui, dans le roman, vient de perdre sa femme, Blaise Poulossière, n'est pas, dans le film, celui qui est nouvellement veuf (c'est Baptiste Talon, si je ne m'abuse). Dans le film, Talon est joué par Fresnay. Mais comme, dans le roman, c'est le personnage de Talon qui est "martyrisé" par ses enfants, et que, dans le film, c'est Noël-Noël qui est "martyrisé" par ses enfants (mais s'appelle Poulossière), ça complique les choses de mettre les visages des acteurs sur les personnages ; pour moi, je collais le visage de Fresnay sur Poulossière, parce que c'est Fresnay qui est inconsolable de la mort de sa femme.
Seul le personnage joué par Gabin, Jean-Marie Pejat, est similaire entre le roman et l'adaptation. Ouf, mes nerfs n'auraient pas tenu, sinon, et je pense que les vôtres non plus.
En plus (j'en rajoute une couche, c'est samedi), dans le film, Talon revient dans son village et retrouve ses anciens amis, alors que dans le livre, aucun des trois, sauf pour la guerre de 14, n'a jamais quitté le village (situé dans le Bourbonnais, patrie de Fallet, dans le roman... et en Vendée dans le film)...
Prenez un Doliprane, ça va passer.
Un Carpe Diem bourbonnais !
Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 10 novembre 2016
Le constat de l’ingratitude de la vieillesse, et, nourrissant cela, la nostalgie pour le temps passé, est très présente, à travers les souvenirs de jeunesse que se remémore avec regret Baptiste Talon, Jean-Marie Pejat et Blaise Poulossière, tout au long de leur parcours pédestre. Mais leur humour, leurs farces et un art consommé de la pagaille injectent beaucoup d’énergie au récit, donnant l’impression, en lieu et place de trois hommes en fin de vie, de voir plutôt de grands enfants joueurs et coquins !
Ainsi, même si les trois retraités (qui annoncent vingt ans plus tard les deux protagonistes de la Soupe aux Choux) m’ont paru parfois un peu caricaturaux dans leur comportement et pas tout à fait aussi attachants que d’autres personnages de René Fallet, il faut reconnaître que ces trois-là, qui chantent l’amour des belles choses de la vie, comme un Carpe-Diem revigorant et jusqu’au-boutiste, font chaud au cœur !
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