Dans ses yeux de Eduardo Sacheri

Dans ses yeux de Eduardo Sacheri
(La pregunta de su ojos)

Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers , Littérature => Sud-américaine

Critiqué par Marvic, le 30 mars 2014 (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 65 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 888ème position).
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Un homme intègre

Benjamin Chaparro, sexagénaire célibataire, quitte pour la dernière fois le Tribunal national de première instance de Buenos Aires, où il a travaillé comme secrétaire pendant presque toute sa carrière.
Puis, soudainement il n'a plus envie d'aller à la fête organisée pour son départ en retraite. Même si certains "ont confirmé qu'ils se déplaceraient du bout du monde pour fêter la retraite du dinosaure."
Il préfère se rendre au bureau de la juge d'instruction, Irène Hornos.
Irène, qu' il a aimée secrètement depuis le jour où elle est entrée, jeune stagiaire, dans son bureau.

Et c'est pour trouver une occasion de la revoir qu'il lui demande l'autorisation d'emprunter une antique Remington pour son projet d'écriture.
Quel projet ? Il lui faudra jeter des dizaines de pages avant de commencer la narration d'une des premières enquêtes de sa vie.

A quelques minutes près, il s'est retrouvé chargé du dossier de Liliana Colotto, institutrice, jeune mariée, violée et étranglée, après que son mari Ricardo Morales soit parti travailler à la banque.
Est-ce de voir la douleur, l'effondrement du jeune homme, est-ce de constater la bêtise de certains de ses collègues, Chaparro se sent concerné par le sort de ce jeune veuf et va refuser de classer le dossier.
"Tout ce qui peut foirer foirera, et son corollaire : tout ce qui semble bien marcher finira par merder tôt ou tard."

Son entêtement sera payant mais, dans l'Argentine des années 70, être intègre peut engendrer des risques.
Jusqu'à sa retraite, il sera lié à cette affaire.

Un roman policier en trois parties; la première, la vie de retraité-écrivain de Chaparro semble longue. Ses atermoiements, ses doutes semblent bien loin de ce que l'on attend d'un roman policier.
Mais l'affaire Colotto / Morales donne le ton.
Quant à la troisième partie, il n'est pas possible d'en parler sans "spoiler".

Un roman agréable, qui démarre en douceur, loin de la violence verbale et physique des thrillers à la mode, dont le héros est un homme simple et attachant. Le plus gros reproche que je ferai sur ce roman, concerne sa couverture !

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Les éditions

  • Dans ses yeux [Texte imprimé] Eduardo Sacheri traduit de l'espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon
    de Sacheri, Eduardo Gugnon, Isabelle (Traducteur)
    Denoël / Et d'ailleurs
    ISBN : 9782207261729 ; 3,26 € ; 05/01/2011 ; 352 p. ; Broché
  • Dans ses yeux [Texte imprimé] Eduardo Sacheri traduit de l'espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon
    de Sacheri, Eduardo Gugnon, Isabelle (Traducteur)
    10-18 / 10-18
    ISBN : 9782264055767 ; 6,86 € ; 03/05/2012 ; 333 p. ; Poche
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Années sombres de l’Argentine

7 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 23 octobre 2014

Plus qu’un polar, « Dans ses yeux » est une étude de cas dans le cadre des années sombres, des années de dictature militaire, de non-droit, de l’Argentine. Eduardo Sacheri ne fait qu’effleurer le « noyau dur » de la chose mais quelquefois l’absence de démonstration en dit plus que des discours didactiques (je sens que les lectures de Dos Passos que je viens d’entamer portent leurs fruits !).
C’est à travers le cas de Benjamin Chaparro, secrétaire au Palais de Justice, à Buenos Aires, que nous allons toucher du doigt ces années sombres.
Benjamin Chaparro se repend de n’avoir pas validé ses années de droit. Faute du diplôme sanctionnant les études, il sait qu’il restera cantonné à un rôle subalterne, voyant au fil de sa carrière des stagiaires sous ses ordres prendre progressivement du galon et s’élever régulièrement jusqu’à devenir ses supérieurs. Ainsi d’Irene Hornos, ayant commencé sous ses ordres et maintenant juge alors qu’il a culminé à un poste de Chef administratif … La juge Irene Hornos dont il est secrètement et honteusement amoureux depuis toujours. Il faut dire que Benjamin Chaparro n’a pas le profil du héros de polar : il est velléitaire, timide et absolument pas sûr de lui.
Mais cette « affaire » avec la juge Hornos n’est qu’un fil rouge dans le récit. Le véritable sujet est au départ un sordide crime : viol suivi d’assassinat de Liliana Emma Colotto, jeune institutrice d’une grande beauté dont le meurtre plonge le mari, Ricardo Morales, dans un abîme sans fond dont il ne sortira pas indemne. Dont il ne sortira pas, à vrai dire.
Mais quel rapport me direz-vous avec notre Benjamin Chaparro ? C’est que, dirigé à l’époque par un chef incompétent mais (le « mais » est-il de rigueur ?!) ambitieux, il lui est demandé de venir assister la police dans les premières constatations. Benjamin Chaparro rentre donc de plain-pied dans cette affaire, confronté qu’il est au théâtre du crime, à la vision de la vie saccagée d’une jeune femme et surtout confronté au désespoir insondable du mari, Ricardo Morales. Il ne va se sentir la force de le laisser tomber et d’appliquer les consignes venues d’en haut de classer l’affaire.
Mais quel rapport me direz-vous avec les années sombres de l’Argentine ? Eh bien c’est que nous allons suivre les suites de cette affaire, de 1968, année du crime, à 1996. Et entre les deux ? Entre les deux les années sombres ! Et les ennuis que vont valoir à Benjamin Chaparro son obstination à rester dans le cadre de la loi et à rendre le service public qu’on est en droit d’attendre de la Justice. Contre l’avis d’un collègue, qu’il va contribuer à faire condamner, contre l’avis de ses supérieurs qui veulent passer à autre chose. Or il se trouve que ce collègue, condamné, a un beau-père colonel. Il se trouve que la dictature se met en place, avec son cortège d’exactions. Il va monter en grade et chercher à se venger. Avec conséquemment des moyens puissants puisque l’Argentine est alors dans une zone de non-droit pour certains aspects.
C’est ceci le véritable sujet du roman. Pas vraiment l’enquête qui permettra d’identifier le meurtrier de Liliana, identification qui vaudra au passage encore plus d’ennuis à Benjamin … Ce n’est pas non plus l’amour « courtois » de Benjamin pour Irene.
Mais c’est l’ensemble qui en fait un roman appréciable, consistant et instructif que ce qu’a pu être l’Argentine en ces années sombres.

tout ce qui peut foirer foirera...

8 étoiles

Critique de Ellane92 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 48 ans) - 30 juillet 2014

Benjamin Chaparro a décidé, finalement, de ne pas se rendre à la petite fête organisée par ses amis et collègues du Tribunal de première instance de Buenos Aires pour son départ à la retraite. A la place, il rend visite à la juge d'instruction, Irène, dont il est secrètement amoureux depuis des années, depuis la première fois où il l'a vue, lorsqu'elle est entrée au tribunal en tant que stagiaire. Pour avoir encore l'occasion d'échanger avec elle pendant quelque temps, il lui emprunte une vieille machine à écrire qui traine en haut d'une étagère, et avec lequel il va écrire "un roman".
De retour chez lui, il s'attelle à raconter l'histoire qui a marqué sa vie. En ce temps-là, déjà secrétaire au Tribunal, il est appelé pour se rendre sur les lieux d'un crime. La victime s'appelait Liliana Morales, et bien que le tueur l'ait violée et étranglée, elle n'en reste pas moins d'une beauté à couper le souffle. Le veuf, Ricardo Morales, un petit homme effacé, est effondré, à la fois conscient de sa chance d'avoir eu Liliana pour épouse, et conscient également de sa perte éternelle. Chaparro se prend d'amitié et de pitié pour lui, et décide de découvrir qui a tué Liliana et pourquoi elle est morte. Mais dans l'Argentine des années 70, Chaparro va apprendre à ses dépens il n'est pas toujours de bon ton de rechercher la vérité.

J'ai beaucoup aimé cette histoire mélancolique, avec un brin de cynisme et une jolie écriture, très "humaine" vis-à-vis des personnages principaux.
Ce livre, qui est à ranger dans la catégorie "roman policier" et non thriller, a à mon sens plusieurs atouts, qui compense la faiblesse de l'intrigue et la lenteur du déroulement de l'histoire. Parmi ses points forts, j'ai beaucoup aimé l'écriture d'Eduardo Sacheri, sa façon de nous raconter l'enquête de Chaparro, la détresse de Morales, la corruption d'un système judiciaire, en faisant des détours par la vie sentimentale ratée de son héros. J'ai apprécié l'honnêteté du secrétaire du tribunal, sa ténacité pour résoudre une enquête dans laquelle il n'a aucun intérêt personnel, au contraire. Sacheri raconte son histoire avec beaucoup d'humour, souvent un brin cynique, beaucoup de franchise et de pudeur également. Son regard bienveillant nous amène à nous attacher à ses personnages (j'ai eu un petit faible pour Sandoval, l'adjoint de Chaparro…), qui sont très humains. Si je n'ai pas eu le sentiment d'être dépaysée malgré le cadre argentin dans lequel évolue ce livre, j'ai eu le plaisir de découvrir le fonctionnement, forcément perfectible (et pas qu'un peu !) du Tribunal de première instance de Buenos Aires.
Dans ses yeux est un roman policier qui fait la part belle à l'humain, à ses beaux côtés comme aux plus laids, et qui a le mérite de poser une question plutôt délicate : quand le système judiciaire faillit, est-ce aux hommes de prendre la relève ?
Une lecture agréable, même si elle ne révolutionne pas le genre !


"Je t'aime, mais…" ; "J'ai essayé, mais…" … Vous voyez ? C'est un mot merdique qui ne sert qu'à dynamiter ce qu'il y avait, qui aurait pu être possible mais qui n'est pas.

Chaque fois que j'apprends la mort de quelqu'un ou qu'on m'annonce qu'il est condamné, je calcule rapidement son âge, comme si la jeunesse et l'injustice de cette mort étaient proportionnelles. C'est une façon d'exprimer mon indignation face à ces décès prématurés.

Je crois que c'est à force de l'observer que j'ai développé ma théorie sur les idiots : ils se conservent mieux que les autres car ils échappent à l'angoisse existentielle qui mine ceux qui ont un semblant de lucidité.

Morne

5 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 15 juillet 2014

Je n’irai pas par quatre chemins : ce roman m’a ennuyé de bout en bout. Tout d’abord, je n’ai pas trop compris pourquoi il avait été sélectionné pour concourir dans la catégorie policier/thriller pour le prix CL. Cela ressemble plus à un roman intimiste sur les tourments d’un homme vieillissant qui n’a jamais osé déclarer sa flamme à une collègue dont il est tombé amoureux. En parallèle, il s’est mis en tête de retrouver les coupables d’un meurtre odieux commis sur une jeune femme, se prenant soudainement d’empathie pour son veuf de mari. Rien qui n’ait capté mon attention dans cette histoire lente et déprimante, centrée sur les états d’âme d’un personnage principal un peu indécis, également narrateur, qui n’utilise que la première personne pour vider son stylo-plume. La partie « policière » n’est même pas intéressante, avec un dénouement qui vient beaucoup trop tôt.

On pourra toujours objecter que l’histoire se veut hyperréaliste. Mais dans ce cas, j’ai trouvé l’ensemble un peu fouillis, avec moult flashbacks qui m’ont quelque peu égaré, et un peu trop de personnages à mon goût. Bien sûr, c’est un un roman où est évoquée en filigrane la dictature argentine. Le fait que ce livre parle d’une dictature peu regrettée ne constitue pas pour moi un gage de crédibilité, même si la fin est troublante, nous faisant dire que ce pays n’en a pas tout à fait fini avec ses vieux démons.

Thriller politique ou histoire d’amour ? Dans les deux cas, ce n’est pas pour moi une réussite, loin de là. Le style d’écriture est certes nuancé et reflète l’intelligence de son auteur, mais le mélange des genres se solde malheureusement par un flop selon moi.

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