Mamihlapinatapai de Arnaud Viviant

Mamihlapinatapai de Arnaud Viviant

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire

Critiqué par JulesRomans, le 4 juillet 2014 (Nantes, Inscrit le 29 juillet 2012, 66 ans)
La note : 8 étoiles
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Ne pas confondre "sérendipité" et "sers en avec rapidité"

Il s'agit ici d'un recueil d'articles qui avaient paru dans le journal "Libération" en 1995 ou sur des sites internet; seule la postface (ou conclusion) est inédite. C'est d'ailleurs celle-ci qui a donné son nom à l'ouvrage. Le "mamihlapinatapai" est un mot assez intraduisible car il désigne une réalité culturelle propre à une langue parlée sur la Terre de Feu, il existe d'ailleurs d'autres vocables peu facilement exprimables dans d'autres langues comme les différentes qualités de la neige en langue esquimaude ou les différents aspects du riz comme plante en chinois. Selon wikipedia, repris par Arnaud Vivant, ce mot désigne « un regard partagé entre deux personnes dont chacune espère que l'autre va prendre l'initiative de quelque chose que les deux désirent mais qu'aucun ne veut commencer ».

Dans celle même partie finale est évoqué un mot assez à la mode en sciences humaines et en sciences dites "dures", celui de "sérendipité". L'auteur nous dit que « l'origine avérée de la sérendipité est le conte "Zadig" de Voltaire, inspiré d'une histoire persane alors très en vogue, "Les trois princes de Serendip". (…) Horace Walpole (…) la définit alors comme de la "sagacité accidentelle", une capacité presque magique (il parle de talisman) à trouver ce qu'on ne cherche pas » (page 104)

Si cette action intellectuelle c'est parce qu'en tant que critique littéraire, l'auteur agit « en abordant chaque livre à la manière d'une enquête, d'un cas, d'une affaire que j'aurais à résoudre, soit pour incriminer le texte, soit pour l'innocenter. Je dis bien le texte, et non l'écrivain » (page 104)

C'est donc une quinzaine de textes totalement autonomes que nous offre ce livre. Pour éviter la monotonie, on évoque aussi bien "L'arnaque de Tarnac" qui fut, sur le thème du terrorisme potentiel, un des plus grands fiasco politico-policier du XXIe siècle peut-on dire dès aujourd'hui que "Lire Jaurès". Ce dernier texte se révèle d'actualité en ce centième anniversaire de sa mort et on se reportera à deux ouvrages fort bien faits "Venir au socialisme: le cas Jaurès" de Gilles Candar et "Le roman de Jaurès: des idées dans le poing". si on veut mieux saisir la personnalité de celui dont on vante les qualités de journaliste tant politique que littéraire. Arnaud Viviant rappelle que Jaurès dit de Rimbaud (qui décèdera quatre ans plus tard) qu'il « a souvent cette sobre plénitude des sensations jeunes ». (page 96)

On retiendra que d'autres articles traitent de Perec, de Debord, de Carrière, de Michel Houllebecq, du philosophe André Gorz... Par ailleurs au sujet du roman "Baise-moi" sorti en 1995 (et qui deviendra en adaptation un film scandaleux) il écrit:

« on assiste au réveil brusque de Manu et Nadine, elles se rencontrent, se révèlent, s'apprécient et se cumulent. Nadine et Manu, c'est Butane et Propane soudain, du copinage explosif. Leur histoire est en roue libre, c'est parti mon kiki, pour une sorte de Thelma et Louise grunge, une virée meurtrière qui se met à vrombir, cap au pire». ( page 38)

Dans le prolongement de ce texte, on a des remarques cinglantes dans l'article "Soumission volontaire" au sujet des best-sellers autour du BDSM (bondage, discipline, domination, soumission). Si on peut décerner un seul compliment à cet ouvrage, c'est d'avoir été capable de transmettre le goût de la lecture de son auteur.

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