Bohemian flats de Mary Relindes Ellis

Bohemian flats de Mary Relindes Ellis
(The bohemian flats)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Sentinelle, le 1 février 2014 (Bruxelles, Inscrite le 6 juillet 2007, 54 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 052ème position).
Visites : 2 890 

Intéressant mais manque de souffle

Le deuxième roman de Mary Relindes Ellis prend son point d’ancrage dans les « Bohemian flats », ces petites baraques en bois construites sur la rive ouest du Mississippi, au pied de Minneapolis. Cette zone est la terre d’accueil et le point de ralliement des migrants venus essentiellement de l’Europe de l’Est (slovaques, suédois, allemands et tchèques), d’où son surnom de "Little Bohémia". Située non loin de la ville et des usines de St. Anthony, ils viennent y chercher du travail tout en partageant leurs coutumes, leurs croyances, leurs histoires. La solidarité, la convivialité, l’entraide et l'amitié y sont de mise, pour que chacun puisse emprunter, le moment venu, le chemin escarpé menant au grand rêve américain.

« Cooper Street est sur la partie la plus élevée des Flats, seule Mill Street se trouve encore plus haut. En bas, il y a Wood Street, où les loyers sont moins chers car les maisons sont construites directement sur la rive. Sa partie inférieure est inondée chaque printemps, quand le fleuve est en crue, si bien qu’on l’appelle la « petite Venise ». Tous les habitants de Wood Street possèdent un bateau et, pendant au moins le mois et demi que dure la crue, ils passent d’une maison à l’autre dans des barques qu’ils dirigent à la perche. Si une maison est entièrement inondée, les habitants du niveau supérieur des Flats hébergent provisoirement la famille concernée. »

Nous y suivrons plus particulièrement une famille allemande originaire de Bavière, les Kaufmann, composée de trois frères, dont Otto l’aîné, un homme rustre, malveillant et fainéant. Malgré tous ses défauts, c’est lui qui va hériter du domaine familial, en vertu des lois de l’époque. Refusant de rejoindre les ordres religieux ou de travailler à la ferme pour le compte d’Otto, Raimund, le plus jeune de la fratrie, décide de fuir cette Allemagne obscurantiste pour rejoindre le pays de toutes les libertés, l’Amérique. Il s’installe dans les Bohemian flats, noue des liens, trouve un travail et demande à son frère, Albert Kaufmann, resté à la ferme en Allemagne aux côtés d’Otto avec femme et enfants, de le rejoindre en Amérique.

Un roman sur le déracinement, l’immigration, le droit à la différence, la transmission familiale et le poids du passé, qui va ressurgir de manière brutale et inattendue. Sur le racisme également :

« Les Anglo-Saxons ont toujours été comme ça depuis que j’habite ici, répond l’homme-ours. Pour eux, ceux qui viennent de pays situés à l’est de Paris sont des Polacks, des Boches, des Bohêmiens ou des sales Russes, assez bons pour travailler dans les manufactures et les usines mais pas assez pour s’asseoir à leur table ou être respectés comme n’importe quel Anglo-Saxon, homme ou femme. »


Un roman sur ces américains de la première génération, ceux issus de parents immigrés confrontés aux discriminations, qui vont prêter serment sous la bannière américaine en s’enrôlant volontairement aux forces armées du pays. Ce sera notamment le cas du fils d’Albert, parti combattre avec d’autres américains d’origines diverses. Et qui sera vite rattrapé par ses racines allemandes lorsque la première guerre mondiale éclatera.

« Ici au moins, il est parmi d’autres soldats américains d’origine allemande, aux noms allemands.[…]

Ce qu’il ne peut pas écrire, c’est cette question : les Américains le considéreront-ils toujours comme allemand une fois qu’il sera rentré et qu’il aura tombé l’uniforme ? »


Bohemian flats manque malheureusement d’un certain souffle, l’écriture n’est pas suffisamment travaillée, rendant parfois la lecture monotone. Certains portraits auraient également mérité un peu plus de profondeurs psychologiques.

Mais Mary Relindes Ellis s’est visiblement bien documentée sur le sujet et arrive à donner vie aux habitants des « Bohemian flats », rendant un vibrant hommage à ces familles courageuses qui ont quitté leur pays d’origine pour construire ailleurs une vie meilleure.

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Second (et dernier) roman de Mary Relindes Ellis

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 10 janvier 2022

Second roman après le remarquable Wisconsin. Je dirais que ce Bohemian Flats est dans la même veine humaniste, immergé dans le même Etat du Wisconsin, mais effectivement comme le souligne Marvic, avec moins de « souffle ».
Le thème pourtant n’en manque pas de souffle, de souffles même. La dédicace, en tête de l’ouvrage, décrit bien les intentions de ce roman :

»A ma mère Relindes Catherine Alexander Berg qui s’intéressait aux gens de tous les milieux et de toutes les ethnies, qui croyait à la justice sociale, qui chérissait les histoires secrètes, qui adorait la vie au grand air et qui célébrait la différence.
A ces gens extraordinaires, édifiants et indomptables du village bordant le fleuve, à Minneapolis, jadis connu sous le nom de « Bohemian Flats ».
Aux Anisinaabeg/Chippewa du Wisconsin dont la résistance civile continuelle représente l’un des grands exemples de survie à un génocide physique et culturel. »


Différences, justice sociale, résistance civile, oui et beaucoup d’autres thèmes encore tels l’immigration, le racisme …
Notre histoire commence à Augsbourg, Bavière allemande, à la toute fin du XIXème siècle dans une société patriarcale engoncée dans ses principes et ses certitudes. Les familles Kaufmann et Richter se rapprochent via leurs enfants même si tout les sépare. Heinrich Kaufmann, le patriarche règne en despote sur sa famille et dirige une entreprise florissante de brassage de bière. De ses trois fils ; Otto, Albert et Raimund, seul l’aîné, Otto, héritera de la suite de l’entreprise. Il est hélas le moins intelligent, le plus borné et le moins courageux des trois. A l’exact opposé, Raimund est plutôt intellectuel, idéaliste et a beaucoup de mal à supporter la tyrannie du père.
Albert, puis Raimund, sont tous deux envoyés en cours particuliers chez la référence intellectuelle locale ; Herr Professor-Doktor Richter. Ils font là connaissance de Magdalena, leur fille, digne fille de Frau Richter, admirée pour sa beauté et sa gentillesse mais vilipendée par les locaux pour son allure évoquant … une bohémienne.
Raimund va s’enfuir et gagner les Etats-Unis, Albert épouser Magdalena et à l’invitation de Raimund le rejoindre là-bas, à Minneapolis, sur les bords du Mississippi, là où logent les migrants dans de petites cabanes en bois … les « Bohemian Flats ».
Bien sûr rien à voir avec le luxe de vie des Kaufmann et surtout des Richter. Là s’entassent Suédois, Finlandais, Allemands, Tchèques, Irlandais … chacun fait ce qu’il faut pour survivre mais en même temps se forge une identité ; celle des « Bohemian Flats ».
Mary Relindes Ellis va dérouler l’histoire au fil des années qui s’écoulent passé le tournant du siècle, et notamment les années terribles entre 1914 et 1918, qui ne sont pas simples pour ceux qui sont allemands.
Le beau roman d’une vie d’immigré, avec tous ses aléas, ses indignités et ses petits bonheurs …

De retour dans le Wisconsin

8 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 65 ans) - 16 avril 2014

Mary Relindes Ellis nous emmène à nouveau dans l'état du Wisconsin.
Par l'intermédiaire de l'histoire de deux familles allemandes, nous retrouvons les forêts, la vie rurale mais aussi la population de l'un des quartiers les plus cosmopolites de la ville de Minneapolis, les Flats. Ce quartier, cette ville à la lisière de la ville est composée de tous les émigrés d'origine européenne ayant fui leur continent avec le désir de vivre le "rêve américain".
"… idéaliser un peuple ou sa culture est une forme de condescendance : cela crée des illusions et pour finir engendre le mépris, car ceux que l'on idéalise ne peuvent jamais être à la hauteur des illusions qu'ils n'ont jamais prétendu inspirer."

Un rêve qu'Albert Kaufman, et sa femme Magdalena Richter, vont tenter pour fuir l'Allemagne et son intolérance, l'Allemagne et les rêves de grandeur de Bismarck, les querelles dangereuses des familles royales.
Pour fuir aussi la domination archaïque de son frère ainé Otto, devenu propriétaire de la ferme familiale après la mort du patriarche.
Pour fuir la suspicion dont est victime sa femme, dont la mère d'origine roumaine est accusée de posséder des dons de "sorcière".
Raymund, le plus jeune frère partira le premier et se retrouvera par hasard dans les Flats. Mais il n'aura de cesse de faire venir son frère, sa belle-soeur et leurs deux garçons.

L'arrivée sur le sol américain sera rude. La famille étant habituée à une certaine aisance, les conditions matérielles seront un choc. Mais très vite, l'ambiance de ce quartier, l'importance des relations humaines, l'amitié, la solidarité, combleront l'absence des êtres chers et permettront de surmonter les épreuves.

Une belle histoire dans l'Histoire, pleine de bons sentiments, avec des gentils très gentils et des méchants très méchants; avec des rires et des larmes, mais aussi avec une galerie impressionnante de personnages de tous horizons, de toutes origines, rendant la lecture de ce roman très agréable, même si, à mon avis, ce roman manque un peu de la "force" , de la vitalité de son prédécesseur.

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