Mémoires de Barry Lyndon: du royaume d'Irlande de William Makepeace Thackeray

Mémoires de Barry Lyndon: du royaume d'Irlande de William Makepeace Thackeray
(The Memoirs of Barry Lyndon, Esq)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Romans historiques

Critiqué par Pierrequiroule, le 15 janvier 2014 (Paris, Inscrite le 13 avril 2006, 43 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 668ème position).
Visites : 4 229 

Autobiographie d'un mauvais sujet

Que vous connaissiez ou non le film éponyme de Stanley Kubrick, vous ne serez pas déçu en lisant ce chef d’œuvre absolu! Ici point de héros romantique ou autres fadaises sentimentales. Le narrateur est un homme, un vrai, de ceux qui règlent les questions d’honneur à la pointe de l’épée avant de se rincer le gosier avec du vin de Bourgogne. Ah, les gentilshommes du bon vieux temps !

Après avoir été joué en amour, puis dupé par sa propre famille dont les ruses le contraignent à l’exil, le jeune Redmond Barry vit de nombreuses péripéties qui forgent son caractère et lui permettent d’acquérir gloire et fortune. Tour à tour soldat, joueur professionnel et coureur de dot, Barry traverse l’Europe sans jamais renoncer à son idéal : vivre en parfait gentilhomme. A l’en croire, le plus noble sang de l’Irlande coule dans ses veines. Il décide donc de redorer le blason de la famille et de reconquérir la place qui lui est due. Audacieux, vaillant et sans scrupules, le jeune homme connaît une brillante ascension en épousant une riche héritière - car ce que Barry veut, Barry l’obtient. Mais sa vie dissolue a bientôt raison de sa fortune. Est-ce un châtiment divin ou la conséquence logique de son imprévoyance ? Commence alors la déchéance de Barry Lyndon qui perdra sa réputation et encore davantage.

Ce roman picaresque est riche en duels, batailles et aventures en tout genre. Il révèle la fascination de Thackeray pour la société et la littérature du XVIIIème siècle. Mais la grande force de l’œuvre, c’est bien son héros atypique. En racontant lui-même son parcours, Barry oblige le lecteur à prendre son parti, à rire de ses traits d’esprit, à applaudir sa bravoure. Seulement voilà : au fil des pages, apparaît en creux un portrait de plus en plus noir, car le jeune homme en arrivera aux pires méfaits. Pourtant, même à l’apogée de sa scélératesse, Barry Lyndon ne cesse de fasciner. Certes, il est vantard et franchement immoral, mais son désir de parvenir, son courage et son arrogance même forcent l’admiration. C’est bien cette ambiguïté qui donne au roman tout son piquant. Par ailleurs, grâce à son franc-parler, Barry dénonce plusieurs institutions de son époque, comme l’armée, l’aristocratie ou encore le mariage.

Comparé à d’autres œuvres de Thackeray, « Barry Lyndon » (1844) est un roman sombre, bien que non dénué d’humour. C’est l’histoire d’un aventurier hors-normes au destin tragique, un héros à la fois scandaleux et émouvant, peut-être l’un des personnages les plus puissants de la littérature anglaise.

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Les éditions

  • Mémoires de Barry Lyndon du royaume d'Irlande [Texte imprimé], contenant le récit de ses aventures extraordinaires, de ses infortunes, de ses souffrances au service de feu sa majesté prussienne, de ses visites à plusieurs cours de l'Europe,
    de Thackeray, William Makepeace Soupel, Serge (Editeur scientifique) Wailly, Léon de (Traducteur)
    Flammarion / G.F.
    ISBN : 9782080705594 ; 4,11 € ; 07/01/1993 ; 442 p. ; Poche
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Mémoires d'un hâbleur

6 étoiles

Critique de Kostog (, Inscrit le 31 juillet 2018, 52 ans) - 3 avril 2019

Les Mémoires de Barry Lyndon sont avant tout l'autobiographie d'un incorrigible hâbleur que Thackeray a voulu moquer. Tout l'art de l'auteur consiste à créer un abîme entre la naïve franchise avec laquelle le héros raconte ses aventures et le manque de scrupules, voire la brutalité dont il fait preuve, Cette « bonne foi » du narrateur, qui s'adresse constamment au lecteur, l'interpelle, le prend à témoin est la partie la plus réussie de l'ironie de Thackeray, car il est peu de faits que Barry Lyndon vante, sa noblesse, sa conduite à la guerre, au jeu, sa manière de gérer (en l’occurrence dilapider) les biens de son épouse, dont il n'apporte lui-même, dans sa candeur, une image beaucoup moins reluisante. Ainsi, quand il assure qu'on ne peut l'accuser d'être violent avec sa femme puisqu'il ne la bat que quand il est ivre, quand ce n'est pas Barry lui-même qui nous dévoile l'autre face de ses agissements, Thackeray utilise le biais de discours rapportés par des tiers, d'espionnage sous toutes ses formes : écoute aux portes, surveillance de son épouse par Mrs Barry mère, domestiques soudoyés, lettres détournées qui jettent à nouveau une lumière crue sur notre gaillard. C'est habile.

Le portrait qui en résulte est celui d'un « rogue », c'est-à-dire d'une canaille dénuée de scrupules, vaniteux et vantard, prêt à tout, jusqu'à la pire brutalité, pour parvenir à ses fins. Barry Lyndon est convaincu d'être le meilleur et le plus grand des hommes et quand le malheur arrive, il advient le plus souvent du fait des autres, Cette ambition et cette vanité n'ont d'égales que sa misogynie et sa violence sans parler de menus défauts comme l'ivrognerie et sa capacité à gaspiller l'argent de son épouse.

Thackeray a également voulu dresser une critique du XVIIIème siècle : jeu, alcool, soldatesque, ancienne noblesse qui ne doit son rang qu'au droit du plus fort, ainsi des duels qui ne masquent que la violence la plus crue ( notre héros est un « expert en honneur » et sort l'épée pour dénouer toute situation délicate). Il confère à son nobliau irlandais une verve inépuisable à l'encontre des personnages côtoyés qui ridiculise leurs travers et les tics de leur époque. La gent féminine, à l'exception de la mère du héros, et encore!, n'est pas épargnée dans ce bûcher des vanités ce qui nous vaut une peinture féroce des précieuses ridicules.

Le plaidoyer pro domo de cet arriviste convaincu d'être irréprochable fait plutôt sourire que rire le lecteur français qui peut difficilement apprécier à quel point le verbe de Thackeray peut être cynique et drôle

Le livre, selon mon humble avis, butte sur deux écueils : il est difficile de s'attacher à un personnage aussi fat et qui nous donne aussi peu d'occasions de ressentir la moindre empathie à son égard. A contrario, c'est presque cette naïveté dans la roublardise qui provoque le plus d'indulgence aux yeux du lecteur. A cet égard, les derniers chapitres m'ont semblé les plus réussis, le malheur éveillant davantage l'attention que les « exploits », précédents du héros, la perte de son fils montrant notamment un attachement sans fard.

Enfin, et c'est un paradoxe, ce roman picaresque avec ses multiples rebondissements dans les deux premières parties, et qui offrait tant d'occasions pour l'auteur de créer des moments plus prenants, ne nous propose malheureusement quasiment aucun suspense ce qui nous prive d'un ressort narratif essentiel. Vous l'aurez compris Les Mémoires de Barry Lyndon ne sont pas un récit haletant.

En dépit d'un manque de moments forts, l'ouvrage de Thackeray est un peinture réussie des heurs et malheurs d'un arriviste persuadé de son bon droit et qui, malgré ses défauts, ne manque pas de courage,

Citation: « Il y avait de la galanterie… habitude guère comprise en nos temps si grossiers et si terre-à-terre ».

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