Aurélien de Louis Aragon

Aurélien de Louis Aragon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Bluewitch, le 9 juin 2003 (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 44 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 11 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (575ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
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Il n’y a pas d’amour heureux...

Après Les Cloches de Bâle, Les Beaux Quartiers et Les Voyageurs de l’Impériale, Aurélien est la quatrième et dernière étape du cycle du « Monde Réel », qu’Aragon débuta en 1934.
Aurélien… Jeune rentier, oisif, qui collectionne les aventures avec simplicité. Hanté par la Grande Guerre et les images du front, solitaire, égaré, il ne sait que faire de cette énergie sans but dans laquelle le plonge le retour à la vie civile. Il attend, il vit dans l'absence de perspectives.
Et puis, son compagnon de guerre Barbentane lui présente sa cousine, Bérénice, jeune provinciale mariée à un pharmacien venue passer quelques jours dans la capitale. De premier abord, elle lui semble banale, fade et sans attrait. Et pourtant il y a cette étrangeté dans le regard qui va peu à peu faire sa place dans son cœur et laisser naître un amour bien évidemment partagé. Sentiment inconnu qui va planter Aurélien dans une profonde déroute. Lui qui ne savait ce qu’était aimer se retrouve avec un terrible sentiment d'absence qu’il ne sait comment gérer.
Bérénice non plus n'en mène pas large. Elle qui se désespérait dans sa campagne, elle qui rêve tant d'absolu… La voilà qui ne peut se résoudre à autre chose qu'un amour pur et sans tâche, car la moindre imperfection lui ôterait tout son sens et gâcherait l’existence qu'elle lui dédie. « Il y a une passion si dévorante qu’elle ne peut se décrire. Elle mange qui la contemple. Tous ceux qui s’en sont pris à elle s’y sont pris. On ne peut l’essayer et se reprendre. On frémit de la nommer : c’est le goût de l'absolu. (.) Bérénice avait le goût de l'absolu. »
Mais pour Aragon, on sait qu'il n’y a pas d’amour heureux… Et les deux jeunes gens se chercheront sans cesse sans vraiment jamais s’atteindre. Ils errent péniblement dans une société d'excentriques, d'artistes illuminés, de noceurs, de vétérans nostalgiques du front,… Et si se nouent autour d’eux intrigues, malhonnêtetés dont ils se trouveront victimes, ils seront parfois eux-mêmes instigateurs des circonstances toutes prêtes à les éloigner.
Analyse sociale, tragédie. Aragon mêle cet amour romanesque, obsédant, à la vie parisienne, à ses rituels, à ses folies, à ses débauches, à ses modes,. De nombreux personnages (inspirés de la réalité d’Aragon tout comme Aurélien et Bérénice) croisent le chemin des deux jeunes gens et l'auteur prendra soin de dépeindre ces êtres imparfaits, leurs adultères, leurs superficialités, opposant l'humour, l'ironie à leur deux pitoyables destins. Un drame déchirant, une guerre entre les deux guerres, un filet passé sur une société bancale, qui en attrape les âmes perdues et les offre nues à notre regard. C'est l'intelligence d’une vision aiguë, c’est la poésie tragique. Un grand roman.

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Une histoire d'amour impossible dans le Paris des années folles

8 étoiles

Critique de Psychééé (, Inscrite le 16 avril 2012, 36 ans) - 11 décembre 2021

Aurélien, c’est avant tout une histoire d’amour. Un amour obsessionnel pour Bérénice, même si la première phrase du roman laisse présager le contraire : « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. » C’est l’histoire d’un amour improbable et impossible dans le Paris des années folles.

Au milieu des paillettes et des illusions, Aurélien, dandy de retour de la première guerre mondiale, vit une vie de fêtard noctambule avec les femmes qu’il collectionne. Il rencontre Bérénice, à l’opposé de ses conquêtes habituelles : provinciale mariée, émerveillée par la ville de Paris, même pas jolie mais pleine de charme. Il en tombe amoureux et cela le bouleverse. Cela lui fait surtout prendre conscience de la vacuité de son existence de rentier, profondément marquée par la guerre de 1914. Désormais, son amour pour Bérénice deviendra son but quotidien, son obsession.

« Il pensa qu’elle avait déjà envahi son chez lui à la manière d’un parfum. Il essaya de se traduire ce qui se passait d’une façon plus simple. Et plus grossière. Il ne le pouvait pas. Il avait besoin de travestir les choses,de les parer avec des mots, des comparaisons. C’était sa façon de respecter Bérénice. La respecter ? Il haussa les épaules. Qu’elle le voulut ou non, elle était à lui. »

On retrouve forcément dans le roman d’Aragon des airs de Minuit à Paris puisqu’on se situe dans le Paris artistique des années 1920. C’est-à-dire au milieu de la fête, la légèreté et l’oisiveté de l’époque. Rien que la description des décors et le sublime portrait de Paris nous émeuvent. Les personnages grandioses et originaux vivent pour la plupart des amours impossibles et refusent la solitude : entre la prostituée chic, la diva qui refuse de vieillir, l’épouse trompée qui veut continuer à plaire … Finalement on découvre, derrière la légèreté et la beauté du récit, une grande souffrance. Aussi bien la souffrance de l’amour, que celle de la guerre ou de la trahison dont sont victimes de nombreux personnages.

Avant la lecture de ce chef-d’œuvre classique, je pensais que l’histoire d’amour entre Aurélien et Bérénice serait heureuse, puisqu’ils sont attirés l’un par l’autre. Au final, leur histoire est beaucoup plus complexe qu’elle n’y paraît. Et c’est sans doute le fait que cet amour soit impossible qui le rend finalement si beau, si désirable et à la fois si réaliste. Le rêve ne reste-t-il pas finalement qu’une illusion tant qu’il ne se réalise pas et demeure un idéal à atteindre ?

De défaite en défaite...

8 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 58 ans) - 10 juin 2018

"La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide".
Ainsi s'ouvre le roman d'une histoire d'Amour idéalisée.
1920 à Paris, les "Années folles"; Aurélien est un jeune soldat tout juste revenu du front. Il retrouve une vie parisienne futile entre réunions de famille et soirées arrosées dans les cabarets.
Aurélien au physique agréable croque les femmes sans se soucier des convenances.
Bérénice, jeune mariée provinciale, visite son oncle à Paris et découvre une vie artistique bouillonnante qu'elle adopte rapidement.
Au détour d'une réunion familiale, ces deux-là vont se rencontrer pour ne plus cesser de penser l'un à l'autre.
Naît alors une grande histoire d'amour, où le poids des conventions sociales et la réputation d'Aurélien vont compliquer les choses.

Un roman "d'atmosphère" où il ne se passe pas grand chose mais où la magie opère quand même.
Une histoire d'amour contrarié où la réalité rattrape et finit par anéantir les idéaux.
700 pages incroyablement bien écrites qui parviennent à happer le lecteur du XXI ième siècle.
Chapeau bas Monsieur Aragon !

Attendre est diffile...

9 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 11 février 2018

Attendre est difficile, ne plus attendre est pire.

Aurélien et Bérénice se seront attendus entre les deux guerres, l’espace de 800 pages selon l’espace temps de Louis Aragon.
Roman culte publié en 1944 il n’a vraiment pas pris une ride et se lit avec bonheur et un intérêt renouvelé à chaque page.
Mais qui étaient vraiment ces deux jeunes gens ? Des nantis, des argentés, libertins, certes. Le reste on ne peut que le deviner. Que désire réellement Aurélien ? N’est-ce pas l’aspect de l’impossible amour qui lui donne une telle saveur ? Et vous, Dame Bérénice… vous qui disiez « laissez moi emporter la richesse de nos souvenirs car rien ne me distrait de vous », vous qui quelques mois plus tard évoquiez le fait qu’il est plus facile de faire l’amour avec un homme que l’on aime pas, que cherchiez vous ?
Est-ce cette phrase qu’Aurélien murmura un soir « je vous aime » qui vous bouleversa à ce point ? Votre premier mot d’amour ?
Je le pense.

amour, toujours…

10 étoiles

Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 75 ans) - 17 avril 2016

Aurélien est un jeune rentier, tout juste rentré, entier, de la Grande Guerre. Il vit une vie de plaisirs, grand amoureux des femmes, des flâneries nocturnes dans ce Paris des "beaux quartiers" encore nostalgique des splendeurs de la Belle Époque. Mais sa rencontre avec Bérénice, une jeune femme, mariée, pas si belle que ça mais aux antipodes de ses fréquentations habituelles, va bouleverser sa vie. Lorsque j'ai lu ce livre pour la première fois, il y a une cinquantaine d'années environ, j'en avais retenu la peinture d'une moyenne bourgeoisie avide d'argent, par la spéculation, et de pouvoir, par la politique. Je n'avais pas senti, ne les ayant pas encore vécues, la puissance de cette description des rapports amoureux. Avant "Aurélien", jamais l'amour n'avait été analysé dans ses intimes replis, ses déclinaisons tant physiques que psychologiques. "Aurélien", c'est aussi un formidable exercice de style, mêlant une expression très moderne du "parler vrai" à une langue alambiquée fleurant bon son dix-neuvième siècle. Roman féministe aussi, avec cette figure d'une femme qui décide de sa vie et se joue des conventions de son temps, assortie de quelques autres très beaux portraits féminins. On peut donc faire son marché dans ce récit aux multiples facettes, un des chefs-d'œuvre de la littérature en prose de Louis Aragon.

Doutes et émois d'un anti-héros

8 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 5 octobre 2009

Le Paris de l'entre-deux-guerres sert de décor gouailleur à cette bluette liant deux personnages n'osant pas s'aimer, et y arrivant réellement trop tard, et bien brièvement pour en profiter. L'intrigue, assez éculée à la base, sert de socle à ce que j'ai pu dénoter comme un message anti-militariste. Le ton oral, gouailleur, presque familier, et le mélange de classes sociales permettent de dresser un tableau réaliste, presque choral, en tout cas très vivant, bien qu'un peu fatigant et un peu tiré à la ligne. L'auteur aime bien s'étendre à la manière d'un feuilleton, tous les dialogues et scènes n'étant pas fatalement utiles.

En bref, l'ensemble est enjoué, bien que la tonalité s'avère finalement assez languide et triste. L'intrigue est ma foi bien tenue.

J'ai lu ce livre en août 1995, et il ne m'avait pas emballé : j'ai même failli jeter l'éponge, du fait de la longueur et d'un sujet déjà vu mille fois, mais il mêle des éléments peu souvent joints. Je l'ai bien apprécié à la relecture, qui a donc valu la peine.

anti héros

8 étoiles

Critique de Vda (, Inscrite le 11 janvier 2006, 48 ans) - 11 janvier 2006

Aurélien, c'est le anti héros par excellence.
Comment apprécier ce rentier pas si intelligent, pas franchement moral et un peu apathique ?
Comment ne pas adorer cet homme perdu dans la Grande Guerre, dans un univers bourgeois mouvant et dans ses hésitations ?
D'Aurélien, on aime le personnage avec ses faiblesses, on aime par dessus tout l'écriture d'Aragon, limpide à l'image de ce passage où Aurélien, toujours désoeuvré nage entre ombre et lumière dans une piscine parisienne aujourd'hui disparue.

Un très grand roman

9 étoiles

Critique de Sallygap (, Inscrite le 18 mai 2004, 46 ans) - 14 octobre 2004

C'est la peinture d’une époque (le début des années 20, pour l’essentiel du roman) et d’un milieu artistico-bourgeois un peu snob, avec adultères et liaisons… mais aussi d’une agitation culturelle importante, peintres, poètes, actrices (fictifs ou pas, d’ailleurs). Le contexte historique et politique est particulier, l’armistice de 1918 n’est pas loin. C’est aussi ces anciens combattants dont Aurélien fait partie que nous croisons, des hommes marqués par les combats et les tranchées. On entre vraiment dans un monde parisien qui cherche à oublier la guerre en s’étourdissant d’art, de sorties, de festivités…
Et « Aurélien » est avant tout un vrai roman d’amour, amour impossible et passionné. Aurélien et Bérénice s’avoueront leur amour mais ne cesseront de se « manquer », jamais au même endroit au bon moment, empêtrés dans des histoires respectives et impliqués dans celles des autres…
Et puis c’est tout simplement bien écrit, parfois poétique, parfois très réaliste…riche…et surtout beau. Une superbe découverte.

Bérénice avait le goût de l'absolu

10 étoiles

Critique de Bérénice (Paris, Inscrite le 18 mai 2004, 37 ans) - 26 mai 2004

Je l'ai lu en une semaine et un an après j'y pense encore. C'est MAGNIFIQUE. C'est GENIAL. C'est UNIQUE. C'est...
Il n'y a pas de mots pour exprimer la passion que j'ai pour ce roman. Pour Aurélien malgré le grand ratage que fut son amour. Pour Bérénice qui fut jusqu'au bout sublime. Pour Mme Barbentane qui se sent si seule, pour cet arriviste d'Adrien....
Il n'y a pas d'hésitation valable. Il faut le lire. Il faut l'adorer. Et le relire. Et pleurer devant ce chef-d'oeuvre.

Réponse à Féline

9 étoiles

Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 44 ans) - 10 juin 2003

Je comprends bien tes hésitations. Je n'ai pas beaucoup d'arguments à contrebalancer face à ton souvenir d'Aragon car Aurélien est le seul roman de lui que j'aie lu jusque maintenant. Je n'ai pas vu non plus l'adaptation cinéma qui en a peut-être tiré le plus "romanesque" mais ce qui est sûr, c'est que malgré certaines longueurs, ce livre fait partie de ceux où l'on sent vraiment que l'auteur y a versé l'essence même de ce qu'il est capable d'écrire. "L'art du roman, c'est de savoir mentir", c'est ce qu'en dit Aragon et il ment vraiment très bien... Mais il suscite tout, l'attendrissement, la pitié, la colère, l'envie, la curiosité, la tristesse, l'agacement, la frustration, la joie, le rire,... bref, tout ce qui fait le bonheur de lire. Peut-être pas à chaque page, on peut lui pardonner ça pour un roman qui en fait 697, mais là aussi, le Lucien's Test marche très bien...

Hésitation

8 étoiles

Critique de Féline (Binche, Inscrite le 27 juin 2002, 45 ans) - 9 juin 2003

Après avoir vu l'adaptation télévisuelle diffusée récemment sur France 3, avec Romane Bohringer, actrice que j'apprécie énormément, j'ai été tentée de lire le livre. Malheureusement, un souvenir de la lecture de "Le paysan de Paris", il y a quelques années, m'en dissuade un peu. En effet, ce roman m'avait déroutée à l'époque. Mais tu me tentes Bluewitch, je m'y essaierais peut-être finalement. En tout cas, je mets 4 étoiles pour le téléfilm que j'ai beaucoup apprécié.

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  Aurélien ou la tristesse d\'être amoureux 14 Critique de la raison pure 14 mai 2006 @ 10:09

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