Vers l'âge d'homme de J. M. Coetzee
Vers l'âge d'homme de J. M. Coetzee
(Youth)
(Youth)
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances , Littérature => Africaine
Connectez vous pour ajouter ce livre dans une liste ou dans votre biblio.
Les éditions
-
Vers l'âge d'homme [Texte imprimé] J. M. Coetzee trad. de l'anglais (Afrique du Sud) par Catherine Lauga du Plessis
de Coetzee, J. M. Lauga du Plessis, Catherine (Traducteur)
Points
ISBN : 9782020685344 ; 7,00 € ; 01/10/2004 ; 231 p. Poche
»Enregistrez-vous pour ajouter une édition
Les livres liés
Pas de série ou de livres liés. Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série
Les critiques éclairs (1)
» Enregistrez-vous pour publier une critique éclair!
À propos de "Youth"
Critique de Yen (Toronto, Inscrit le 2 août 2004, 56 ans) - 5 août 2004
Publié chez Vintage en 2003, "Youth" de J.M" Coetzee n'a pas encore été traduit en français, si je ne m'abuse pas. En tout cas, je l'ai lu en anglais. "Youth" est, peut-on dire, la suite de "Scènes de la vie d'un jeune garçon". Il s'agit en effet d'un roman qui sent l'autobiographie. Le personnage principal est John, un tout jeune universitaire sud-africain qui bien qu'inscrit au programme de mathématiques a des ambitions littéraires. Pour trouver la veine artistique qu'il sent vivre à l'intérieur de soi, il décide de partir en Europe. Une fois à Londres, ses économies très vite épuisées, il se trouve dans le besoin de travailler. Il trouve du travail dans le domaine de l'informatique. Plus le temps passe, plus il s'éloigne de son objectif premier. Le résultat, l'agonie et le déchirement intérieurs.
J'ai lu six ou sept livres de Coetzee et "Youth" est d'entre eux celui qui m'a plu le plus. En fait, c'est un des meilleurs livres que j'ai lu cette année. Qu'est-ce qui fait de "Youth" un livre extraordinaire? En général, on peut dire que le style, son élégance. J'y reviendrai.
M. Houellebecq fait dire à Michel dans "Plateforme" quelque chose d'intéressant au sujet d'Henrietta, le sculpteur, dans "Vallon" d'Agatha Christie, que je crois pertinent pour comprendre "Youth":
"...à travers (Henrietta) Agatha Christie a cherché à représenter, non seulement les tourments de la création (...), mais la souffrance spécifique qui s'attache au fait d'être artiste: cette incapacité à être vraiment heureuse ou malheureuse; à ressentir vraiment la haine, le désespoir, l'exultation ou l'amour; cette espèce de filtre esthétique qui s'interposait, sans rémission possible, entre l'artiste et le monde. La romancière avait mis beaucoup d'elle-même dans ce personnage, et sa sincérité était évidente. Malheureusement l'artiste, mis en quelque sorte à part du monde, n'éprouvant les choses que de manière double, ambiguë, et par conséquent moins violente, en devenait par là même un personnage moins intéressant" (pp. 103-104)
Je me souviens que j'avais été frappé par la lucidité de Houellebecq lorsque j'ai lu ce passage pour la première fois. Or, le personnage John de "Youth" est en fait la réfutation de ce que Houellebecq dit. John est un type ambigu, qui éprouve les choses de manière double (avant d'entamer quelque chose, il essaie de visualiser ce que les auteurs qu'il aime auraient fait dans cette situation) et qui est incapable de sentir de la passion pour quoi que ce soit. Cependant, le récit de Coetzee est tout à fait fascinant. La vie émotionnelle d'un artiste est ambiguë et fade et cela rendra le personnage artiste des romans ennuyeux et sans intérêt, dit Houellebecq. Le cas de John est aggravé par sa pédanterie, son académisme et même sa misogynie (il sent peu quand il fait l'amour et traite ses amantes vraiment mal).
À mon avis, ce qui explique pourquoi le récit est tellement riche est le style que Coetzee a choisi pour nous parler de John (lui-même). Plus précisément, le lieu où le narrateur se place. Le narrateur de "Youth" écrit à la troisième personne ("He lives in a one-room flat...") et cela est essentiel pour la réussite du roman. Il ne s'agit pas pourtant d'une description froide de John. Au contraire, le récit est imprégné d'un bout à l'autre d'ironie et de humour.
Il y a un personnage caché dans ce roman. On ne voit jamais son visage. C'est lui et seulement lui qui fait de la vie de John quelque chose de magique. Ce personnage est le narrateur et Coetzee a du y mettre plus de travail pour le construire que sur John. S'il est permis de faire des comparaisons, je dirai que le narrateur de "Youth" ressemble à celui du "Quichotte" (à ne pas confondre avec Cervantes). Pourquoi on ne doit pas confondre le narrateur avec l'auteur? Parce que le narrateur est une créature de l'auteur tout comme ses personnages. Ceci est vrai en particulier pour ces deux romans. Ce qui distingue le narrateur de "Youth" de celui du "Quichotte" est cette discrétion, cette tentation au silence, qui se mêle à l'humour et l'ironie.
La littérature nous branche au mystère, à la profondeur que l'on ne trouve pas dans les autres domaines de la vie. J'ai une intuition: ce mystère et cette profondeur de la littérature émanent du fait que le regard que le narrateur pose sur les personnages ne se déviera jamais de son objectif. Jamais.
J'ai lu six ou sept livres de Coetzee et "Youth" est d'entre eux celui qui m'a plu le plus. En fait, c'est un des meilleurs livres que j'ai lu cette année. Qu'est-ce qui fait de "Youth" un livre extraordinaire? En général, on peut dire que le style, son élégance. J'y reviendrai.
M. Houellebecq fait dire à Michel dans "Plateforme" quelque chose d'intéressant au sujet d'Henrietta, le sculpteur, dans "Vallon" d'Agatha Christie, que je crois pertinent pour comprendre "Youth":
"...à travers (Henrietta) Agatha Christie a cherché à représenter, non seulement les tourments de la création (...), mais la souffrance spécifique qui s'attache au fait d'être artiste: cette incapacité à être vraiment heureuse ou malheureuse; à ressentir vraiment la haine, le désespoir, l'exultation ou l'amour; cette espèce de filtre esthétique qui s'interposait, sans rémission possible, entre l'artiste et le monde. La romancière avait mis beaucoup d'elle-même dans ce personnage, et sa sincérité était évidente. Malheureusement l'artiste, mis en quelque sorte à part du monde, n'éprouvant les choses que de manière double, ambiguë, et par conséquent moins violente, en devenait par là même un personnage moins intéressant" (pp. 103-104)
Je me souviens que j'avais été frappé par la lucidité de Houellebecq lorsque j'ai lu ce passage pour la première fois. Or, le personnage John de "Youth" est en fait la réfutation de ce que Houellebecq dit. John est un type ambigu, qui éprouve les choses de manière double (avant d'entamer quelque chose, il essaie de visualiser ce que les auteurs qu'il aime auraient fait dans cette situation) et qui est incapable de sentir de la passion pour quoi que ce soit. Cependant, le récit de Coetzee est tout à fait fascinant. La vie émotionnelle d'un artiste est ambiguë et fade et cela rendra le personnage artiste des romans ennuyeux et sans intérêt, dit Houellebecq. Le cas de John est aggravé par sa pédanterie, son académisme et même sa misogynie (il sent peu quand il fait l'amour et traite ses amantes vraiment mal).
À mon avis, ce qui explique pourquoi le récit est tellement riche est le style que Coetzee a choisi pour nous parler de John (lui-même). Plus précisément, le lieu où le narrateur se place. Le narrateur de "Youth" écrit à la troisième personne ("He lives in a one-room flat...") et cela est essentiel pour la réussite du roman. Il ne s'agit pas pourtant d'une description froide de John. Au contraire, le récit est imprégné d'un bout à l'autre d'ironie et de humour.
Il y a un personnage caché dans ce roman. On ne voit jamais son visage. C'est lui et seulement lui qui fait de la vie de John quelque chose de magique. Ce personnage est le narrateur et Coetzee a du y mettre plus de travail pour le construire que sur John. S'il est permis de faire des comparaisons, je dirai que le narrateur de "Youth" ressemble à celui du "Quichotte" (à ne pas confondre avec Cervantes). Pourquoi on ne doit pas confondre le narrateur avec l'auteur? Parce que le narrateur est une créature de l'auteur tout comme ses personnages. Ceci est vrai en particulier pour ces deux romans. Ce qui distingue le narrateur de "Youth" de celui du "Quichotte" est cette discrétion, cette tentation au silence, qui se mêle à l'humour et l'ironie.
La littérature nous branche au mystère, à la profondeur que l'on ne trouve pas dans les autres domaines de la vie. J'ai une intuition: ce mystère et cette profondeur de la littérature émanent du fait que le regard que le narrateur pose sur les personnages ne se déviera jamais de son objectif. Jamais.
Forums: Vers l'âge d'homme
Il n'y a pas encore de discussion autour de "Vers l'âge d'homme".


haut de page