Le Jour le plus meurtrier de l'histoire de France: 22 août 1914 de Jean-Michel Steg
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Joffre offre un évènement au livre des records avant que Foch envoie les troupes se faire faucher
Cet ouvrage se centre sur le 22 août 1914 où 27 000 soldats français périssent, en grande partie dans la province belge du Luxembourg autour de Rossignol. Il faut d’ailleurs dire qu’août et septembre 1914 sont les deux mois les plus meurtriers de la Grande Guerre avec respectivement 84 500 et 99 000 morts. Durant l’année 1916 où l’état-major allemand tente d’user l’infanterie française, on ne comptera jamais plus de 35 100 morts par mois, soit l’équivalent des pertes des 22 et 23 août 1914. Alors que 20 000 morts le 1er juillet 1916 sur la Somme des troupes de l’empire britannique sont un élément de la mémoire de la Grande Guerre outre-manche, en France les 27 000 morts du 22 août 1914 ne sont jamais mis en exergue dans les histoires globales du conflit.
Pourquoi tant de morts ? Mal équipées et mal commandées les troupes françaises doivent faire face à une armée allemande sachant faire un usage pertinent de son artillerie et où colonels et généraux se sentent autorisés à faire preuve d’initiatives alors qu’ils connaissent le haut moral de leurs soldats. L’ouvrage montre comment au fur et à mesure que les mois passent, généraux de division et ministres sont de plus en plus sensibles au niveau des pertes.
Plusieurs pages expliquent pourquoi les armées allemandes considérèrent que les Belges n’avaient pas à se battre contre eux et elles commirent des atrocités envers des civils.
Les éditions
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Le Jour le plus meurtrier de l'histoire de France:22 août 1914
de Steg, Jean-Michel
Fayard
ISBN : 9782213677804 ; 18,00 € ; 09/10/2013 ; 250 p. ; Broché
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L’étrange victoire
Critique de Chene (Tours, Inscrit le 8 juillet 2009, 54 ans) - 19 mai 2015
Le 22 août 1914, la France est entrée de plein fouet dans le XXe siècle.
En effet, les stratèges français avaient une conception de la guerre qui datait, encore, du XIXe siècle, l’armée était mal équipée (les fameux pantalons rouges), en face les allemands étaient dotés d’un commandement efficace, d’une redoutable artillerie et de troupes plus nombreuses et mieux organisées. Il s’en est fallu de peu pour que Paris ne capitule en quelques semaines dès le début de la guerre en 1914 (ce qui fut le cas en 1870 et en 1940).
La débâcle fut évitée de justesse, en particulier, grâce au bon sens du général Lanrezac qui fit replier son armée et permis à celle-ci de ne pas se faire encercler et de se réorganiser derrière la Marne, mais aussi grâce à l’intelligence de Gallieni qui compris le premier que les armées allemandes étaient en train de commettre une erreur en contournant Paris et que cette manœuvre permettait aux armées françaises de contre-attaquer sur le flanc allemand. Ce fut la bataille victorieuse de la Marne.
Ces deux généraux sont oubliés aujourd’hui de la mémoire collective, tout comme la journée du 22 août 1914. Lanrezac fut même limogé en 1914 car il ne partageait pas la conception de « l’offensive à outrance » défendue par le général Joffre et l’État-major, politique follement meurtrière et inutile.
Cet ouvrage a pour moi un double intérêt. D’abord parce que je suis un passionné de l’histoire du XXe siècle, mais aussi parce qu’un de mes ancêtres a été tué à la bataille de Rossignol le 22 août 1914. C’était le frère de mon arrière-grand-père. Il était sous-lieutenant au 1er régiment d’infanterie coloniale (je conserve de lui une photo d’époque en uniforme de la division coloniale).
Après de multiple campagnes, Afrique Tonkin… Il venait de prendre sa retraite. Il a été rappelé à la tête de sa section lors de la déclaration de guerre. Il venait d’avoir une petite fille, à l’âge avancé de 41 ans, Hélène, son seul enfant qu’il n’a pas eu le temps de voir grandir.
Le corps d’armée colonial était un des plus beau de l’armée française. Les soldats étaient des vétérans des guerres coloniales, très aguerris, volontaires de longue durée, c’était des troupes instruites et ardentes au moral élevé. C’était un corps d’élite entre tous.
Ce corps d’armée coloniale sera détruit à Rossignol en Belgique le 22 août 1914.
Comment cela a-t-il pu se produire ?
Le commandement général français voulait couper en deux les armées allemandes qui déferlaient sur la Belgique. Pour cela la division coloniale a eu pour ordre de se rendre à Neufchâteau par Rossignol en Belgique.
Le haut commandement français était mal renseigné : il ignorait l’existence des corps de réserves allemands et était persuadé du vide qu’il allait trouver devant lui. Le commandement était formel, « l’ennemi n’a que des patrouilles de cavalerie ».
A la vérité le XVIIIe corps d’armée de réserve allemand venait d’arriver dans la région.
A la pointe du jour du 22 août, ordre est donné au 1er régiment d’infanterie, avant-garde, des troupes coloniales, de se mettre en marche.
Les hommes n’ont pas mangé depuis 24 heures à cause des déplacements continuels et le départ est si brusque qu’ils n’ont pas le temps d’avaler leur café. Ils n’en conservent pas moins leur bel entrain. Ils doivent atteindre Neufchâteau à 40 kilomètres pour 11 heures.
Le corps est commandé par le général Montignault sous ses ordres ont trouvé le colonel Guérin puis le capitaine Fouques, puis enfin les lieutenants dont fait partie mon arrière grand-oncle.
Alors que l’on croit la région vide, la VIe corps Silésien d’infanterie allemande, soit 28000 hommes et 72 pièces d’artillerie se portent en avant des premiers éléments du corps coloniale, (6000 hommes et 12 pièces de 75). Ces troupes marchent donc à la rencontre l’une de l’autre sur la route de Rossignol à Neufchâteau. Chacune d’elles ignore le mouvement de son adversaire. Compte tenu de leurs heures respectives de départ, les têtes des colonnes doivent venir butter l’une contre l’autre, dans la partie sud des forets de Chiny et de Neufchâteau entre sept et huit heures.
La division coloniale est en marche. La colonne s’étend sur la route. Les informations de l’État-major sont claires ; l’ennemi n’est pas à proximité.
Sitôt passé le pont de Mesnil-Beuvannes, les uhlans se montrent de tous côtés par petits groupes, disparaître, revenir...
Le gros de l’avant-garde soit les deux bataillons du 1er R.I.C. et 4 canons de 75 pénètrent à 7h00 du matin dans la forêt qu’on croit libre. Elle a huit kilomètres à faire pour en déboucher. Le lieutenant-colonel Vitart a reçu ordre de prendre position à la sortie des bois, face à Neufchâteau et d’attendre les unités qui suivent.
La compagnie n’a pas fait 1500 mètres dans le bois qu’un feu violent l’arrête. L’ennemi est dissimulé dans les hautes futaies et les mitrailleuses allemandes tirent à coup sûr.
Les marsouins sont lancés en avant (apparemment des charges à la baïonnette ont été commandées).
C’est le drame.
Les hommes sont fauchés net en plein élan. Le 1er R.I.C. subit d’effroyable perte.
La lutte va durer toute la journée.
Le 1er R.I.C. sera entièrement décimé avec plus de 2500 tués et blessés dont de nombreux officiers (les trois chefs de bataillons, ses six capitaines et ses onze lieutenants dont mon ancêtre, seront tués, le lieutenant-colonel Vitard aura un bras arraché). Le 2e R.I.C. accusera 2850 tués et blessés, le 3e R.I.C. 2085 et le 7e R.I.C. 1500, le 2eme d’artillerie coloniale sera entièrement détruit.
Les allemands subiront aussi d’importantes pertes pendant cette journée avec 110 officiers tués.
Résultat : l’armée française perdait 27 000 hommes (mal prépares, mal renseignés, mal équipés) sur une seule journée.
L’ouvrage de Jean-Michel Steg est admirablement bien documenté, cependant il ne mentionne pas dans les multiples causes du désastre, les carences de l’équipement, en particulier celui de la casquette que portait les militaires français (alors que les allemands avaient déjà une sorte de casque). Or les blessures les plus graves en ce début de guerre moderne furent celles causées à la tête.
Hormis ce détail, nous ne pouvons que remercier cet auteur de mettre en lumière ce jour tragique et de tenter d’en tirer toutes les causes et les conséquences, ce que peu d’historiens n’avaient réalisé jusqu’ici.
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Une histoire trop méconnu | 20 | Chene | 28 octobre 2013 @ 20:50 |
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