Un recueil de textes poétiques aux confins de la littérature

« Mots sans mémoire » est un recueil de textes écrits par Michel Leiris entre 1925 et 1961. L'auteur, proche pendant un temps du mouvement surréaliste, s'est notamment penché sur l'étude du langage comme révélation de soi et des autres. Le recueil contient des poèmes, des nouvelles, des lithographies et le célèbre Glossaire, en voici les différentes parties :

Simulacre, 1925
Il s'agit d'un recueil de 13 poèmes écrits en pleine période surréaliste. Cette poésie moderne est riche par ses sonorités : Leiris multiplie les allitérations et assonances et joue littéralement avec les mots avec pour effet la création d'images inédites (« Les franges du vente lancent leur fronde »). Les vers sont peu intelligibles et demandent sans doute une grande sensibilité poétique pour trouver en soi ce qu'ils expriment. À chacun sa lecture...

Le Point cardinal, 1927
Cette partie regroupe quatre courtes nouvelles. S'inscrivant également dans le mouvement surréaliste, ces textes ressemblent à des récits de rêves, proches de l'écriture automatique et ayant recours aux lithographies. Plus accessibles que les précédents poèmes, on y retrouve la même volonté de donner aux mots plus de sens que leur simple signifié. Leiris travaille ici sur l'expression d'idées ou de sentiments par la description de situations atypiques et encore par l'utilisation de l'oxymore pour créer des images insolites ; ce sont indéniablement de très beaux textes. Ici aussi, chacun trouvera dans son propre imaginaire les clés de lecture qui lui conviennent.

Glossaire j'y serre mes gloses, 1939
Dédié à Robert Desnos, cet excellent dictionnaire d'une quarantaine de pages est la perle du livre. Leiris cherche à expliquer les mots par leurs sonorités, par les lettres qui les constituent. Les définitions sont ainsi toutes des assonances, allitérations ou anagrammes et sont d'une intelligence exquise tout en ayant une forte charge poétique : un vrai régal ! En voici quelques-unes : Aigle — angle d'ailes. Assassin — saint que le sang rassasie. Calembours — langue labourée, par courts lambeaux. Certaines définitions ont une portée plus personnelle et renvoient directement à l'univers de Michel Leiris : Mythes — isthmes. Prismes des miettes intimes. Suicide — idée sûre. S'y décider de suite, et sans sursis. Des lithographies viennent également donner un sens nouveau à certains mots, se mélangeant les uns aux autres.

Bagatelles végétales, 1956
Ces bagatelles végétales sont des petites phrases, des mots, regroupés par thèmes ordonnés à la manière d'un dictionnaire. Leiris joue encore avec les mots, les sens et les sons ; on y picore avec plaisir. Quelques exemples : Personnages perce-neige : Bandit badin. Brute prude. Pistolero épistolaire. Russe racée, rousse et rosse. Etc.

Marrons sculptés pour Miró, 1961
Ce sont dix-huit poèmes très courts; chacun exprime une idée, généralement en une ou deux phrases en vers libres et sans rimes. Une expérience d'écriture difficilement abordable.

Ainsi, ce recueil de textes regorge d'idées, de perles d'écritures, d'originalités. Il faut néanmoins pour l'apprécier ne pas avoir peur de sortir des sentiers battus et de s'affranchir des codes usés de la littérature. Il est très difficile d'évaluer la qualité d'une telle œuvre tant la lecture m'en semble personnelle. Pour ma part, j'ai bien aimé ce que j'ai eu le sentiment de comprendre. À lire par petites touches, seul(e), le soir, avec un bon verre de Bourgogne, ou deux, ou trois...

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  Mots sans mémoire [Texte imprimé] Michel Leiris

  de Leiris, Michel
  Gallimard / Collection L'Imaginaire
  ISBN : 9782070751365 ; 7,50 € ; 23/01/1998 ; 154 p. ; Poche

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