La voix du maître de Stanislas Lem
(Głos pana)
Catégorie(s) : Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique , Sciences humaines et exactes => Philosophie , Littérature => Européenne non-francophone
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Un roman de SF aux accents philosophiques sur la "condition de l'humanité" dans l'Univers
Ce roman de Stanislas Lem (auteur de SF polonais né en 1921 et décédé en 2006) est souvent considéré comme l’archétype du récit de hard-science, sous-genre de la science-fiction cherchant à développer de manière cohérente et crédible les implications d’une hypothèse pouvant être scientifiquement tenue pour vraie. Pourtant, il n’y a pas ici d’équation ou de développement théorique complexe même si Stanislas Lem s'appuie, parfois fortement, sur les mathématiques et certaines notions de linguistique. Au-delà de ces références (qui n'exigent pas de bagage scientifique), ce sont la densité des réflexions et la gravité de la problématique posée par Stanislas Lem qui, comme dans Solaris, tendent à accentuer l’aspect conceptuel, voire philosophique, du roman. Il n’en demeure pas moins que « La voix du maître » est d’abord un récit romanesque, extrêmement bien construit, non dénué d’une certaine forme d'humour (mais ici beaucoup moins drôle que dans les nouvelles mettant en scène son héros Ijon Tichy), et riche de personnages à la personnalité fouillée et complexe.
Le roman se présente comme l’autobiographie d'un scientifique ayant participé au projet MAVO (MAster VOice), tentative avortée de décrypter un signal reçu d’outre-espace. Tout commence avec le dépôt de plainte d’un laboratoire contre un fournisseur de « bruit blanc » dont les tables de signaux aléatoires sont extraites de l'écoute du bruit de fond cosmique. L’enquête va mettre en évidence l’existence d’un signal récurrent dans le rayonnement cosmique, dont la nature n’est pas déterminée. Très rapidement, il apparaît que ce signal n’est pas un phénomène naturel mais ressemble à un message émis dans le but d’être capté. Le gouvernement américain constitue alors une équipe de recherche et l’installe dans une base nucléaire dans le désert du Nevada. L’organisation des travaux est calquée sur celle du projet Manhattan et Lem évoque à de nombreuses reprises l’ingérence du politique et du militaire qui supervisent de loin les travaux des scientifiques. Lem évoque aussi les relations USA/URSS (qui se suspectent initialement l’un l’autre) et les manoeuvres habiles du gouvernement US pour garantir la fiabilité des résultats, en faisant travailler une deuxième équipe à l’insu de la première pour confronter les expériences et les résultats. Les scientifiques progressent par tâtonnements plus ou moins collaboratifs et Lem se plaît à souligner les batailles d’égo entre scientifiques (constitution de l’équipe, leadership, etc.). Au final, la seule découverte significative (et fortuite) est l’influence du rayonnement sur la matière : il semble orienter l’organisation de la « soupe primitive » vers la constitution d’une sorte d’émulsion (surnommée le frai de grenouille) favorable à l’émergence du vivant. Stanislas Lem se livre alors à de nombreuses réflexions sur la place de l'homme dans l'Univers et sur les limites de son intelligence. Comme dans Solaris, l’humanité semble confrontée à quelque chose qui la dépasse et demeure inaccessible à sa capacité de représentation parce que les clefs de compréhension ne lui ont pas été données…
Le roman se conclut sur l’idée que le rayonnement n'est pas un message destiné à l'humanité, qui n’est sans doute pas en mesure de pouvoir communiquer avec toute autre forme d’intelligence. Le rayonnement, qui diffuse depuis des milliards d’années, est aussi vieux que le big-bang et lui est peut-être antérieur...
Les éditions
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La voix du maître
de Lem, Stanislas
Denoël
ISBN : 9782207302118 ; 83,98 € ; 06/05/1976 ; 256 p. ; Poche
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