Causes toujours de Philippe Muray

Causes toujours de Philippe Muray

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances , Littérature => Francophone

Critiqué par AmauryWatremez, le 18 juillet 2013 (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 55 ans)
La note : 8 étoiles
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Muray cause toujours mais l'écoute-t-on ?

Curieusement, ami lecteur, je sais ça va te paraître bizarre mais si « la Montagne » décide d'éditer en recueil les chroniques qu'Alexandre Jardin a écrites pour ce journal, je serai beaucoup moins enthousiaste pour les acheter que celles de Philippe Muray déjà parues aux Belles Lettres en 2010, du même niveau de lucidité, d'intelligence, d'humour et de finesse que celles de Vialatte. Muray est de la même trempe, ainsi que de celle de Marcel Aymé qu'il connaissait par cœur. Céline devient trop souvent la « tarte à la crème » des pseudo politiquement incorrects, qui ne l'ont pas lu, ne l'apprécient pas pour son style, mais pour son antisémitisme obsessionnel et compulsif.

Je ne suis pas tout à fait certain que Philippe Muray eût goûté ce genre prétendument politiquement incorrect qui maitrise parfaitement les codes du Barnum spectaculaire (TM°) dans lequel nous vivons, son refus du réel, et ne fait que jouer en somme un contre-emploi dans le système dans lequel il est parfaitement intégré et dont il ne remettra jamais en question les bases libérales libertaires ou sociales libérales (c'est pareil quant aux résultats) par peur de perdre un peu du confort intellectuel diffus qui embaume toute notre société. Je ne suis pas convaincu que l'on puisse être de la « gauche morale » et apprécier Muray, tout comme je sais que l'on ne peut être libéral et le lire sans frémir.

La plupart des individus « politiquement incorrects » que l'on croise sur le Net ou dans la vie ne le sont d'ailleurs pas réellement au fond, ils font comme tous les autres, ainsi que le souligne Muray ils font « comme » si ils l'étaient. Et continuent à se soumettre au reste ensuite, achetant le dernier gadget déréalisant un peu plus leur vie, les faisant remonter un peu plus ainsi qu'ils le souhaitent aussi vers le jardin d'enfants globalisé qui est également leur idéal...

A gauche, la gauche qui pense, la gauche morale, Muray est vu comme un « réac » car apprécié des « réacs », ce qui permet de ne pas dire pourquoi il serait « réac », et surtout pourquoi il ne faudrait pas le lire. Quand un auteur écrit ou prononce des paroles gênantes, il est soit « fââchiissss » soit « réac », d'autant plus si comme Muray il s'attache corps et âme au réel, et à dénoncer tous les ridicules d'une époque s'imaginant au nadir du progrès progressiste.

D'aucuns penseront un peu vite qu'il n'aimait pas son époque, ce qui le range parmi les réactionnaires, et ce qui est un crime impardonnable en nos temps d'autosatisfaction généralisée, mais ainsi que François Taillandier le rappelle, Muray se tenait au courant de tout, lisait tout, s'intéressait à tout ce qui la concernait. La lucidité n'a jamais été du dédain, de la condescendance ou du cynisme envers l'humanité, c'est justement parce qu'on l'aime profondément, et qu'on veut l'aider à se sauver de l'abîme vers laquelle sa part occidentale se précipite avec enthousiasme.

A droite, Muray est également perçu comme un réactionnaire, qui regretterait ce temps béni de la bourgeoisie triomphante quand le peuple savait se tenir, et que l'hypocrisie morale inhérente à cette classe sociale suffisait pour maintenir les apparences. A l'époque où celle-ci se voulait un exemple de moralité, au moins en apparence, on chassait ceux et celles qui gênaient dans le tableau vers les marges.

Depuis 68, et que la bourgeoisie a envoyé au diable les apparences après une révolution de pacotille, celle-ci se veut toujours un exemple de moralité sans reproches, mais à un niveau de prétentions supérieures, prétendant moraliser non seulement la société occidentale mais aussi le monde entier, en étiquetant les problèmes et en les résolvant à coup de lois de plus en plus infantilisantes.

Muray c'est un peu le vieil oncle « intello » qui dit des horreurs qui font rougir les dames entre « la poire et le fromage », des horreurs qu'à droite on n'ose pas trop répéter quand même par peur de se faire mal voir de « l'Empire du Bien ».
C'est une chose de citer Muray sur son mur « fèce-bouc », c'est une chose de « liker » ce qu'on lit et qui venge des humiliations réelles ou non que l'on subit dans la vraie vie. C'est autre chose d'affirmer des convictions fortes, et sans faiblir, de lutter contre « l'onirisme » de cette société qui nie la nature car celle-ci contredit les alibis et prétextes qu'elle se donne afin de ne surtout pas sortir de la « fin de l'histoire », et donc de mûrir, d'entre dans l'âge adulte.

Le plus effrayant dans notre monde, ainsi que le souligne l'auteur de « Causes toujours » c'est le refus en particulier de toute pensée contradictoire face à l'unanimisme, face aux évidences étiquetées, face à l'hyper-festivisme, et le refus en général de toute pensée. On ne peut être que sidéré par l'anti-intellectualisme qui sévit de la gauche à la droite en France, et le rejet de toute culture dont celui de la littérature considérée comme le reflet d'un hédonisme immoral et égoïste, ni
« citoyen », ni « durable », ni « équitable ».

Lire Muray finalement c'est se libérer complètement...

Et c'est ainsi qu'Allah est grand.

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