Quand les colombes disparurent de Sofi Oksanen

Quand les colombes disparurent de Sofi Oksanen
(Kun kyyhkyset katosivat)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Yotoga, le 3 juin 2013 (Inscrite le 14 mai 2012, - ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 286ème position).
Visites : 5 705 

Guerre et Paix ou Pas

Sofi Oksanen confronte le lecteur de nouveau à l’histoire de l’Estonie, entre 1941 et 1966. Après l’invasion russe, l’arrivée des allemands en 1941 est vue par certains estoniens comme une délivrance. Le roman présente quatre personnages principaux, avec chacun différentes visions de leur vie personnelle et de la politique du pays.


Roland, paysan et producteur, se bat contre les russes puis contre les allemands. De la résistance, il aide des juifs à fuir le pays et vit caché dans le maquis. Il aime sa terre et les valeurs simples. Il tient un journal, genre de carnet de bord des crimes soviétiques. Il représente l’Estonie libre, repose ses besoins personnels en deuxième plan.

Sa petite amie, Rosalie meurt subitement et dans des conditions louches, un mystère qui sera suivi tout le long du livre : est-ce qu’elle a été tuée par un allemand ? Est-ce qu’elle s’est donnée la mort seule ? Est-ce que sa mère et sa tante savent les raisons de sa mort ? Avec Roland, elle représentait l’amour pur, une raison de vivre. Le mystère sera élucidé à la dernière page.

Puis, Edgar, le cousin de Roland, adopté enfant dans la même ferme, représente le collaborateur parfait, qui retourne sa veste par rapport au pouvoir en place. D’abord il travaille pour les russes en repoussant les allemands, ensuite il se mue en parfait nazi et liste efficacement les méthodes pour se séparer des juifs effectivement, pour ensuite travailler pour le KGB en écrivant un livre sur les collaborateurs des nazis et en retouchant l’Histoire pour correspondre à l’idéologie russe. Il représente une espèce de fouine qui ne pense qu’à sa carrière et tuerait pour atteindre ses buts personnels. En changeant de rôle, il change de nom (on le retrouve comme Fürst, Parts) et s’adapte comme une anguille fourbe.

Sa femme, Juudit, représente le point de rupture et reste la personnalité la plus difficile à cerner. Elle vient de la ville et s’est mariée avec Edgar, qui à l’époque travaillait à la ferme. Elle n’a jamais réussi à s’intégrer dans la famille de son homme, et leur mariage n’est pas un mariage d’amour. Les raisons ne sont pas explicites au début du roman, mais le mariage n’a été consommé qu’une fois et les deux personnages ne s’entendent pas. Quand Edgar part au front, elle rencontre en ville un Allemand, Hellmuth, et connait pour la première fois de sa vie l’Amour. Elle sera utilisée par tous les partis résistant et collaborateur, menacée et provoquée mais elle continuera à croire que cette relation survivra à la guerre. Après la guerre et la mort de son amant, de retour chez son mari menaçant, elle devient alcoolique.

Le style de Sofi Oksanen est très intense. Chaque chapitre est raconté par un autre personnage et le lecteur doit se forcer une mathématique de réflexion pour savoir qui parle et qui raconte, de quel point de vue l’histoire se suit…

Le lecteur découvre l’histoire de ce pays inconnu, et de cette continuelle occupation de ce peuple qui ne se libèrera que 1990. Le titre fait référence aussi aux pigeons qui seront dégustés pendant la guerre et décrits comme un mets exceptionnel tout le long du roman, et bien sûr, aux colombes de la paix…

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saga balte

6 étoiles

Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 19 novembre 2017

Trois époques, un même lieu : l'Estonie, ce petit pays balte situé à quelques encablures de la Finlande, avec laquelle il partage une même culture malgré les vicissitudes de l'histoire. Le récit se déroule sur une période allant de 1941 à 1966, couvrant la période soviétique précédant la Seconde Guerre Mondiale, l'annexion de l'Estonie par le Troisième Reich et sa reprise par le régime soviétique en 1944, sacralisée par les accords de Yalta jusqu'à la chute du Rideau de Fer. Sur les pas des trois personnages principaux, Juudit, Edgar son mari, et Roland, un cousin d'Edgar (du moins j'ai cru le comprendre), c'est une histoire tourmentée qui va défiler sous nos yeux. Des êtres marqués par le destin, dont les voies vont s'éloigner en fonction de leur personnalité, de leur histoire personnelle et des occasions, réussies ou ratées, qui vont se présenter à eux. La structure du roman est complexe, la narration volontairement non-linéaire, et l'auteure utilise un certain nombre d'artifices, relevant hélas plus d'une mode récente que d'une nécessité de l'écriture romanesque, pour induire le lecteur en erreur et susciter de temps en temps la surprise. Le message que veut faire passer Sofi Oksanen est assez flou, en dehors de l'exaltation d'un nationalisme estonien victime des méchants bolcheviks et qui a cru un temps à sa libération par les armées hitlériennes. Reste l'intérêt d'une reconstitution du puzzle qui relie ces personnages, notamment la vérité sur le "suicide" de Rosalie, la fiancée de Roland, dont la mort inexpliquée et profondément injuste va le précipiter vers l'action armée. Hélas, certains "mystères" demeurent à jamais enfouis, laissant le lecteur quelque peu sur sa faim…

Découverte de l'histoire de l'Estonie.

8 étoiles

Critique de Chapitre31 (TOULOUSE, Inscrite le 18 août 2013, 55 ans) - 23 septembre 2014

Après Purge, S. Oksanen est toujours à la hauteur de son talent.
Contrairement à Pascale Ew. (voir critique précédente), je n'ai pas eu trop de mal à distinguer les différents protagonistes décrits dans différentes époques. Roman très intéressant et très bien écrit, l'écriture est intense..
Je ne me lasse pas de cet auteur et il me tarde de lire le prochain ( baby jane)..

L’Estonie entre nazisme et communisme

7 étoiles

Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 5 août 2014

Un joli titre-métaphore qui annonce l’atmosphère générale du roman : celle d’un monde brisé d’où la paix s’est envolée, où ne règnent qu’affrontements et fractures au sein d’un même pays ou d’une même famille.

Si la matière historique est la base du récit, le travail de Sofi Oksanen est celui d’une romancière qui confère à ses personnages la charge d’incarner les forces politiques qui s’affrontent. Comme l’a clairement et utilement montré Yotoga dans sa critique, ils fonctionnent par couples ou par binôme d’amis ou d’ennemis. Les deux cousins Edgar et Roland incarnent deux camps et deux fonctions opposés : Roland, celle du résistant, Edgar celle du collabo. C’est lui le pivot de l’intrigue, le personnage principal du roman, je n’oserais dire son héros, tant il incarne tout ce qui est vil dans l’être humain. Roland son cousin, qui représente pourtant la face noble de l’homme, paraît fade à côté d’un tel monstre. Edgar apparaît sous différentes identités, les causes qu’il soutient varient, tantôt du côté allemand, tantôt du côté russe, non par conviction personnelle, pour faire triompher un camp , mais par arrivisme, par pur opportunisme. Il est celui qui ne voit dans les autres que des outils pour satisfaire sa soif de réussite et de reconnaissance, qui les manipule sans vergogne pour son propre profit, n’hésitant pas à piller le journal de bord rédigé auparavant par Roland, à l’intégrer en le transformant dans sa propre production littéraire. Les nombreux chapitres où il intervient sont denses, le lecteur épouse sa pensée de calculateur qui pèse et examine, avant chacune de ses actions, le poids de celles qui l’ont précédée et l’impact de celles qui pourraient en découler. Il est l’être sans conscience morale , méprisable, que rien ne vient racheter, contrairement à Juudit , personnage féminin en retrait, mais attachant , tout à tour maîtresse et soumise, qui tente en vain d’échapper à son destin de femme manipulée.

J’ai poursuivi la lecture de ce roman jusqu’à sa dernière page, non sans mal tant le récit est fouillé, touffu, et parfois difficile a suivre. La chronologie y est bousculée, les actions paraissent fragmentées. Les causes ou le résultat d’une même action n’étant jamais présentées dans leur continuité, il faut attendre de nombreuses pages pour tout saisir. Le point de vue narratif diffère selon les chapitres, au lecteur de déterminer qui parle ou qui agit.

Je ne regrette pas mes efforts, j’ai découvert, par cette plongée oppressante dans 30 années d’un passé trouble, la vie difficile du peuple estonien, tiraillé entre nazisme et communisme, et qui peine à trouver son identité.

quand la guerre et l’occupation font surgir le meilleur ou le pire des individus

5 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 17 juillet 2013

En Estonie, les Allemands chassent les occupants russes en 1941. Deux cousins réagissent de façon totalement opposée : Roland est dans la résistance et Edgar collabore, sans donner signe de vie à sa famille. Pendant ce temps, la jeune femme de ce dernier, Juudit, qui ne comprend pas pourquoi son mari ne la touchait pas et ne connait rien de l’homosexualité, tombe amoureuse d’un haut-gradé allemand. En même temps, sa famille l’entraîne à participer à l’évacuation de réfugiés.
Ce roman est écrit principalement par deux narrateurs et est découpé en deux périodes : celle de la deuxième guerre mondiale et celle de la période communiste dans les années soixante.
Cependant tout le récit est gâché par la confusion entre les différents protagonistes dont le lecteur a du mal à distinguer les liens familiaux et autres. L’auteure entretient cette confusion à dessein, sans doute pour maintenir un certain suspense, mais je trouve cela contre-productif et j’ai failli abandonner la lecture à cause de cela. Même en reprenant la lecture dès le début dans l’espoir de comprendre mieux, je n'ai pas eu beaucoup plus de succès.
L’intérêt du livre, c’est, pour nous, de découvrir que l’Estonie n’a cessé pendant des décennies d’être le jouet de puissances ennemies qui se battaient pour bénéficier entre autres de son pétrole.
Le collaborateur est décrit comme sans cesse angoissé par la peur de déplaire. Tandis que les autres sont soit des victimes terrorisées soit des perdants assassinés, écrasés, etc. Rien de très réjouissant.
Je ne sais pas si cela tient à la traduction ou non, mais le style laisse un peu à désirer : bien souvent, par exemple, le lecteur ne repère pas à qui font référence les adjectifs possessifs.

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