Derniers poèmes d'amour de Paul Éluard
Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie , Littérature => Francophone
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« Les hommes sont faits pour s’aimer »
Jean-Pierre Siméon dans sa très belle préface parle de poèmes «incandescents» ; que dire de plus , il est tellement difficile de commenter des poèmes car en les lisant ils se chargent de tant d’images, de sensations, d’émotions, de ressentis qu’ils forment un tout qui s’empare de celui qui les lit le laissant souvent pantelant ou plein de vibrations délicates à définir.
Cela concerne bien sûr surtout les poèmes d’amour. L’amour vrai du poète devient l’amour rêvé, espéré, attendu ou comme un appel, un signe peut-être de ce qui peut arriver ou est déjà arrivé mais enfoui tout au fond de soi et même parfois perdu…
Chez Eluard l’amour semble absolu, dans le sens où il réunit tout ce qui le compose : le sentiment, la sensualité, la chair, la brûlure, la souffrance, le désir…entre autres.
Ce recueil rassemble les derniers poèmes d’amour publiés déjà précédemment mais séparément : Une longue réflexion amoureuse, Le Dur désir de durer, Le temps déborde, Corps mémorable, le Phénix. Je l’ai trouvé très équilibré dans le sens où l’amour part de la « réflexion amoureuse » pour aboutir au couple dans toute la symbolique du « Phénix ».
Une longue réflexion amoureuse :
« Elle me dit quand le temps est passé
Mène-moi par la main
Vers d’autres femmes que moi
Vers des naissances plus banales
Au vif de la ressemblance
A la certitude d’être (…) » (Toutes pour une)
Le dur désir de durer :
« Nos silences nos paroles
La lumière qui s’en va
La lumière qui revient
L’aube et le soir nous font rire
Au cœur de notre corps
Tout fleurit et murit (…) » (ordre et désordre de l’amour)
« Même quand nous dormons nous veillons l’un sur l’autre
Et cet amour plus lourd que le fruit mûr d’un lac
Sans rire et sans pleurer dure depuis toujours
Un jour après un jour une nuit après nous ; » (Même
quand nous dormons)
Le temps déborde : (Ecrits suite à la mort de sa femme Nusch)
« Mes yeux se sont séparés de tes yeux
Ils perdent leur confiance ils perdent leur lumière
Ma bouche s’est séparée de ta bouche
Ma bouche s’est séparée du plaisir
Et du sens de l’amour et du sens de la vie
Mes mains se sont séparées de tes mains
Mes mains laissent tout échapper
Mes pieds se sont séparés de tes pieds
Ils n’avanceront plus ils n’y a plus de routes
Ils ne connaîtront plus mon poids ni le repos
Il m’est donné de voir ma vie finir
Avec la tienne
Ma vie en ton pouvoir
Que j’ai crue infinie (…)
J’étais si près de toi que j’ai froid près des autres. » (Ma morte vivante)
Corps mémorable :
« L’après-midi nous attendions l’orage
Il éclatait lorsque la nuit tombait
Et les abeilles saccageaient la ruche
Puis de nos mains tremblantes maladroites
Nous allumions par habitude un feu
La nuit tournait autour de sa prunelle
Et nous disions je t’aime pour y voir.(…) » (Puisqu’il le
faut)
Le Phénix :
« Nous sommes bien venus de plus loin l’un vers l’autre
Sans grand espoir de grand soleil et de pain chaud
Mais pourtant le flot des moissons brûlait le mauvais
temps.
Une seule goutte d’eau
Multipliait ses halos
Dans l’anneau d’une alliance. » (Ecrire dessiner inscrire)
« La nuit n’est jamais complète
Il y a toujours puisque je le dis
Puisque je l’affirme
Au bout du chagrin une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée
Il y a toujours un rêve qui veille
Désir à combler faim à satisfaire
Un cœur généreux
Une main tendue une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie la vie à se partager. » (Et un sourire)
Ce qui ressort de ces poèmes c’est cet élan positif, humaniste, même dans la douleur de la perte de l’être aimé. Il y a cet amour de l’amour, ce bonheur de le rencontrer , de le vivre, de le partager, « Les hommes sont faits pour s’entendre Pour se comprendre pour s’aimer… »
Comme le souligne Jean-Pierre Siméon « Dans le contexte contemporain, nul doute que cette attitude positive, qui met au-dessus de tout l’amour et la fraternité, sonne comme une insolence ».
Les éditions
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Derniers poèmes d'amour
de Éluard, Paul Siméon, Jean-Pierre (Préfacier)
Seghers / Poésie d'abord
ISBN : 9782232123221 ; 12,00 € ; 11/09/2010 ; 151 p. ; Broché
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