Les fantômes du chapelier de Georges Simenon

Les fantômes du chapelier de Georges Simenon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Policiers et thrillers

Critiqué par Féline, le 1 février 2003 (Binche, Inscrite le 27 juin 2002, 46 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 386ème position).
Visites : 9 135  (depuis Novembre 2007)

L'horreur sous la respectabilité


J'avais vu ce film, magnifiquement interprêté par Michel serrault et Charles Aznavour, alors que j'étais encore enfant. J'en gardais depuis lors le souvenir d'un très beau film qui m'avait captivée mais aussi un peu choquée (je n'avais alors que 10 ans). Je me suis donc enfin décidée à lire le roman de Simenon qui l'a inspiré. Pas de meilleur moment que cette année 2003, année Simenon, pour le faire.

Pour une fois, j'estime que le film a été à la hauteur du livre. Critiquer un roman de Simenon n'est pas chose facile, après les excellentes critiques déjà publiées sur ce site. Mais tant pis, je me lance.

Encore une fois, Simenon nous plonge dans la routine de quelques notables d'une petite ville de province, secouée par une vague de meurtres. En quelques jours plusieurs dames d'âge mûr sont retrouvées étranglées. Dès le début du livre, on connaît le coupable : Léon Labbé, le chapelier. L'intérêt du roman ne réside pas la, mais plutôt dans l'étude psychologique de ce notable, devenu meurtrier un peu par hasard. Dès les premières pages, il nous apparaît comme un homme sur de lui, qui aime à défier la police, en entretenant une correspondance avec un jeune journaliste au travers des colonnes de "L'écho des Charentes". Même lorsque son voisin, Monsieur Kachoudas, le tailleur, le confond, il ne perd pas sa belle assurance. En effet, qui irait croire un étranger qui ne se lie à personne plutôt que lui originaire de la ville? Mais peu à peu, on voit le chapelier douter, son comportement devient de moins en moins assuré et il commence à avoir peur. Cette modification du comportement et de l'état d'âme du coupable nous entraîne au plus profond de son âme. On partage véritablement ses pensées et ses craintes et ses frustrations : le quotidien d'une femme malade devenue méchante et irascible, être appelé le chapelier par ses amis plutôt que par son nom,... L'analyse psychologique représente la véritable force de ce roman, dans lequel une fois encore chez Simenon, la façade de respectabilité masque les instincts les plus noirs.

Je n'avais plu lu de romans de Simenon depuis "Le bourgmestre de Furnes" lors de mes études secondaires, mais la lecture de ce dernier m'a donné l'envie d'en lire d'autres.

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Le chapelier fou et le pas très vaillant petit tailleur

9 étoiles

Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans) - 26 septembre 2024

Encore un roman "dur" de Simenon qui donnera lieu à un film. Ici, un grand film sorti en 1982, un des meilleurs Chabrol (et ce réalisateur terriblement prodigue a été capable du meilleur comme du moins bon, c'est le jeu, quand on réalise autant de films...), avec un Michel Serrault angoissant et un Charles Aznavour remarquable.
Le roman est excellent, moins grandiose que le film selon moi, mais cette histoire de chapelier de province tueur fou de dames et de son voisin le tailleur juif timide, effacé, qui a compris quels infâmes actes commet le chapelier, est remarquable. Encore une fois, le génie de Simenon pour installer une atmosphère est total. Chabrol saura magnifiquement sublimer cette atmosphère.

Un sérial killer ( avant la lettre)

9 étoiles

Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 7 mai 2016

Dans la ville de La Rochelle, un sérial killer ( avant la lettre) étrangle toute une série de dames qui ont un point commun entre elles. Dès le début, nous connaissons le meurtrier : Léon Labbé, chapelier de son état. Son voisin, le tailleur Kachoudas, est au courant des activités funestes de notre tueur. Donc, Labbé sait que Kachoudas sait ( fallait que je la place, celle-là). En prime, Mathilde, l’épouse en très mauvaise santé de notre (bon)homme, ainsi que Louise, la servante se feront également occire. Tout le monde y passe, y compris Berthe …

Signalons un leitmotiv lors de la description des personnages ( une expression qui d’ailleurs revient souvent dans les romans de Simenon) - pour faire court - : « C’était un pauvre type ! « - « C’était un imbécile ! » - « Un solennel imbécile ! – « C’était un raté ! ».

Fantastique description des personnages, signée, je vous le donne en mille : Georges Simenon.


Extraits :


* « - La vie n’est pas drôle ! »
« - Pourquoi serait-elle drôle ? »

* Il était petit, malingre. Il serait mauvais et il le savait ; il le savait si bien qu’il évitait de se tenir près des autres. C’était une odeur qui n’appartenait qu’à lui et aux siens, qu’on aurait appeler l’odeur Kachoudas, mélange d’ail de leur cuisine et du suint des étoffes. Ici, on ne disait rien, on feignait poliment de ne pas le remarquer mais, à l’école, des filles, moins discrètes, protestaient lorsqu’elles étaient placées à côté des gamines Kachoudas.

Exceptionnel

8 étoiles

Critique de Frantz (, Inscrit le 18 mai 2011, 74 ans) - 12 décembre 2011

Il est vrai que le film de Chabrol est bien plus connu que le roman dont il est tiré, mais les deux méritent d'être salués comme de grandes réussites.
Les deux sont en effet des chefs d’œuvre, à mon avis. Le roman est d'une écriture soigneuse, précise et profondément humaine, comme presque toujours chez Simenon ; en effet, comme indiqué ci-dessus le livre est fondé sur la psychologie du criminel, et tout tourne autour de sa vision du monde, folle, sans doute (qui ne l'est pas un peu ?) mais à laquelle on finit presque par partager du moins en partie... Simenon montre comment le monde étouffant de la bourgeoisie des notables, où chacun a sa place, épié par les autres, où la moindre déviation sera sue, disséquée, jugée, peut être en soi générateur de crimes, comme un pouvoir totalitaire engendre la résistance et la transgression.
La dérive mentale du chapelier est finement éclairée, avec des fulgurances de folie - qui sont d'ailleurs parfaitement restituée dans le film, tâche difficile.
On peut ranger ce roman "policier" au sens large comme l'un des meilleurs de cet auteur.

De la vase dans les rue de la Rochelle.

10 étoiles

Critique de Hexagone (, Inscrit le 22 juillet 2006, 53 ans) - 17 avril 2011

Cela fait le troisième Simenon que je lis. " Piotr le letton " ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable. Il y a eu " Les fiançailles de M. Hire" superbe, et maintenant celui là.
Ce qui semble être une constante dans les livres de Simenon, c'est la simplicité. Simplicité de l'histoire, des mots employés, des vies. Et puis derrière cette apparence de la simplicité, il y a la psychologie qui amène ses difficultés.
Les livres de Simenon me font penser à une mare à l'eau claire,et puis il prend un bâton et commence à remuer, tout doucement, sans à-coups, et puis on commence à voir des choses remonter, qui se marient bien avec la limpidité, c'est même joli. Et puis ça prend de l'ampleur, ça salit tout.
On a envie de dire eh Monsieur arrêtez de salir la mare, pourquoi faire remonter tout ça à la surface.
Mais au fond de nous ça nous plait ce qu'il fait, c'est excitant et tellement bien fait.
Simenon m'a subjugué par ce livre.
J'adore ce genre de littérature grand public d'une extrême grande qualité.

Polar psychologique

9 étoiles

Critique de Coutal (, Inscrit le 11 juin 2007, 37 ans) - 18 août 2010

Cette histoire de Simenon est particulière : elle se place exclusivement du point de vue du tueur. C'est un roman extrèmement riche, qui a été vraiment bien adapté au cinéma par Claude Chabrol. Mais le film, aussi bon soit il (c'est lui qui m'a donné envie de lire le livre), n'atteint la profondeur psychologique du roman, et ne peut décrire aussi bien que la plume de Simenon l'être torturé qu'est Léon Labbé. Car les causes de la folie meurtrière de Léon Labbé vont bien au delà du meurtre de sa femme : c'est un haine contre les femmes en général. Labbé qui a grandi dans le mythe mysogine de "la maman et la putain" voit ses repères s'écrouler quand il fait la rencontre madame Binet qui s'avère être les deux à la fois. Les femmes deviennent donc des êtres mauvais, hypocrites, difficilement supportables. D'où sa haine contre les femmes en général, et sa sympathie envers Kachoudas, victime malheureuse de cette vengeance.
Un roman à lire.

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