Brûlant secret de Stefan Zweig

Brûlant secret de Stefan Zweig
( Brennendes Geheimnis)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Littérature => Nouvelles

Critiqué par Persée, le 1 février 2003 (La Louvière, Inscrit le 29 juin 2001, 73 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 12 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (268ème position).
Visites : 12 864  (depuis Novembre 2007)

Le charme discret de la bourgeoisie

Longtemps j'ai ignoré Stefan Zweig et me voici envoûté par son charme troublant. Ainsi le parfum des roses d'automne, lancé comme un dernier cri d'amour, séduit les promeneurs attardés. Il faut se laisser imprégner par l'humanité de Zweig comme une bruine qui, insensiblement, vous détrempe plus qu'une averse violente. C'est un subtil explorateur de l'âme humaine qui vous emmène par les paysages brumeux ou torrides de votre propre intimité. Comme l'eau qui court, il pénètre par la moindre faille, s'insinue jusque dans les replis les plus secrets, sans jamais lasser, toujours vif et captivant.
Sous le titre "brûlant secret" se cachent quatre nouvelles qui sont autant de micro-romans car Zweig ne se contente pas d'effleurer les êtres ou les situations, il les analyse méticuleusement sans en avoir l'air, touche après touche, accède aux limites de la conscience de ses personnages, remue ce "limon" d'où jaillit la source de toute vie, par-delà les digues corsetées de la bonne éducation. Ce Viennois a lu Freud, cela se sent.
Oubliez les titres de Zweig qu'on croirait tout frais sortis de la presse à sensation : nul n'est parfait. C'est le texte qui compte.
Dans "brûlant secret", un séducteur utilise un enfant pour capter les faveurs de sa mère. Mais le mioche flaire le piège même si son jeune âge ne lui permet pas d'en saisir tous les ressorts. Troublant, ce monde des adultes vu par un gosse que son innocence rend plus lucide que sa mère. Voyons-le se frotter aux mystères des passions humaines et aux pénibles vérités qu'ils voilent souvent.
Avec "conte crépusculaire", nous entrons lentement, comme sous l'effet d'une douce incantation, dans un ambiance intimiste pendant que le récit infuse. C'est qu'il s'agit de se réveiller adolescent, de retrouver au fond de soi ses premiers émois et cette distorsion possible entre le partenaire rêvé et l'être de chair qui vous aime. Magistral.
Et voici venir "la nuit fantastique". Un homme qui souffre du mal du siècle, l'indifférence, trouve enfin la petite allumette qui mettra le feu à ses désirs endormis. Sa sensibilité, retrouvée grâce à des détours peu avouables, l'amènera à renouer avec l'humanité. Et "une fois que quelqu'un s'est trouvé lui-même, il ne peut plus rien perdre dans ce monde. Et dès que quelqu'un a compris l'être humain qu'il y a en lui, il comprend tous les humains". Peu importe si ce qu'on trouve au fond de soi n'est pas pur diamant. L'important est de s'assumer. Avant d'aimer.
Et c'est encore les passions humaines qui enflammeront "les deux jumelles" d'un feu qui les éclairera après les avoir brûlées.
Zweig, c'est un miroir qui vous est tendu et que vous finissez par regarder en face.

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Quatre textes subtils

10 étoiles

Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 30 septembre 2018

Ce recueil de quatre nouvelles est captivant comme le sont tous les textes de cet auteur. En lisant Stefan Zweig il y a une sorte de garantie pour le lecteur d'être confronté à des textes forts, subtils et fascinants.

Dans "Brûlant secret", un garçon de 12 ans accompagné de sa mère se retrouve dans un hôtel afin de se ressourcer. Un jeune baron séducteur voit en la mère de ce garçon une potentielle cible. C'est ainsi que cet homme rusé va commencer par sympathiser avec ce pré-adolescent ...
Dans "Conte crépuscule", l'on suit un jeune homme dans une atmosphère feutrée, dans un lieu entouré de nombreuses femmes. Une nuit, il se fait embrasser, à l'extérieur, sans pouvoir identifier la personne à l'origine de ce geste audacieux ... C'est la porte ouverte à de nombreuses interrogations et à certains fantasmes.
Dans "La nuit fantastique" le personnage principal observe des personnes de la haute société prendre plaisir à regarder des courses hippiques. Une femme attire son regard, elle n'est pas célibataire. Par jeu il cache avec son pied un ticket de jeu du conjoint de cette femme qui l'a fait tomber par inadvertance et prend plaisir à voir cet homme farfouiller par terre pour retrouver ce papier ... Cette scène va déclencher un changement radical en lui. La seconde partie de la nouvelle est encore meilleure que la première.
Dans "Les deux jumelles", deux jeunes filles liées par le sang se révèlent totalement différentes et ne développent pas une relation saine.

Ces nouvelles sont efficaces et Stefan Zweig est un peintre méticuleux de la psychologie. Le lecteur a vraiment le sentiment d'entrer dans l'intimité des divers protagonistes. Certaines scènes peuvent paraître banales parfois et pourtant l'auteur parvient à nous surprendre. Les fins sont rarement attendues. La fin de "Brûlant secret" semblait logique et pourtant l'un des derniers gestes maternels parvient à toucher profondément le lecteur en allant plus loin que l'évidence. L'écriture de Stefan Zweig est sensible et possède de la force. Elle emporte le lecteur. L'oeuvre de Zweig apporte un éclairage particulier sur le quotidien le rendant unique et élevant ses personnages en figures littéraires inoubliables.

A lire, de toute façon !

9 étoiles

Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 10 février 2018

Un garçon de 12 ans suit une cure dans un hôtel, en compagnie de sa mère. Il se lie d’amitié avec un baron. Dans un premier temps, ce dernier éblouit l’enfant, par son savoir, sa gentillesse mais très vite, il semble bien plus intéressé par la mère du jeune adolescent. De plus en plus souvent, les deux adultes se retirent dans des endroits inaccessibles et la mère est souvent irritable à l’égard de son fils, importun. Mais quel est donc ce « brûlant secret », que semble cacher ces deux adultes ?
Ce récit – remarquable ! – a un côté philosophique ou sociologique. Toutefois, il est un peu trop doucereux à mon goût.
A lire, de toute façon !

Extraits :

- Car il aimait cet homme comme il n’avait jamais aimé un ami, son père ni sa mère, même pas Dieu.

- Pour la première fois, il croyait avoir compris la nature des hommes : ils avaient besoin les uns des autres, même quand ils semblaient hostiles, et il était très doux d’être aimés par eux.

Un regard juste et précis

8 étoiles

Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 11 juin 2014

Admirable la finesse avec laquelle Stefan Zweig a su dépeindre les tourments d'un jeune garçon qui ressent sans complètement les comprendre les enjeux qui se trament dans le monde des adultes.

L'écriture et le contexte, tout deux d'un autre temps, ne manquent pas de charme et offrent au lecteur un double voyage, dans l'Autriche bourgeoise du début XXème et au cœur de l'âme humaine.

L'apprentissage des sentiments

9 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 30 décembre 2013

Un pré-adolescent un peu gauche se réveille aux sentiments amoureux, à l'instinct diffus de possession qu'il peut engendrer, aux relations contrariées qui peuvent être entretenues avec ses parents à douze ans, quand sa mère, à l'hôtel, s'éprend d'un baron, en cachette.
Cette genèse de passion est discrètement, et il faut un certain temps, avant que le fils ne réalise ce qui se trame, et de manière assez franchement contrariée.
Une nouvelle fois, Stefan Zweig analyse les sentiments humains, l'amour ici encore, de manière lucide, précise, presque chirurgicale, et toujours avec la pudeur minimale pour rendre le propos sensible. Son style, un tantinet désuet, a du charme. Les contrariétés et complications du coeur, des relations humaines sont analysées à la perfection, et, une nouvelle fois, avec une grande finesse, même si cet apprentissage de l'amour s'avère quelque peu amer, envers ce tiers spectateur.
Cette nouvelle est à conseiller.

Que de turpitudes...

9 étoiles

Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans) - 31 août 2013

Ce qui me surprend chez cet auteur, c'est cette façon de nous plonger dans les méandres de l'âme humaine sans pour autant que l'on s'en rende réellement compte. Ces quatre nouvelles en donnent encore l'exemple, j'ai eu plaisir à les découvrir, à suivre le cheminement intérieur de ces êtres prêts à toutes les bassesses, jouant sur la séduction, usant de manipulation, pour assouvir un semblant de désir, plutôt un instinct de chasseur, du moins pour trois de ces histoires...
Le conte crépusculaire, en retrait des autres, offre une ambiance très particulière.
Et cette écriture !!!

EBLOUISSANCE ABSOLUE

10 étoiles

Critique de Provisette1 (, Inscrite le 7 mai 2013, 12 ans) - 6 août 2013

En apnée: tout autre mot serait superflu.

10 étoiles.

La perte des illusions

9 étoiles

Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 2 octobre 2012

Stefan Zweig, on le sait, même s’il était issu d’une famille très aisée n’a pas eu, pour autant, une enfance heureuse ; ainsi a-t-il exprimé l’amertume d’une jeunesse confisquée dans ce poème qui introduit le recueil de quatre nouvelles intitulé «première expérience» et, comme il est rappelé ici, dont est issu «brûlant secret»

«Ô enfance, étroite prison !
Que de fois j’ai pleuré derrière tes barreaux etc…»

La déception que peut éprouver un enfant découvrant pour la première fois les turpitudes du monde des adultes est ici décrite avec une minutie d’orfèvre, tout comme le douloureux passage de la puberté.
«Déjà l’enfance n’était plus pour lui dans ses rêves de lumière, qu’une chose du passé, semblable à un vêtement dont on se débarrasse parce que devenu trop petit» écrit S Zweig à propos d’Edgar, son jeune héros.
Ce dernier, alors qu’il séjourne dans un hôtel des Alpes autrichiennes avec sa mère est témoin, sans en comprendre tout de suite la portée, des travaux d’approche qu’opère auprès d’elle un autre pensionnaire, baron de son état, en quête d’une aventure galante.
Ce «chasseur de femme», selon l’expression même de l’auteur, pour mieux séduire la belle inconnue et défendre sa cause, se concilie tout d’abord les bonnes grâces du garçonnet de douze ans en simulant une amitié dont son jeune complice est évidemment très fier.
Mais, bien vite, c’est la déconvenue. Edgar constate qu’on lui a menti ; il sent qu’il devient importun pour les deux tourtereaux ; manipulé, trahi par sa propre mère «il perdit en pleurant tout ce qu’il y avait en lui de confiance, d’amour, de foi et de respect, toute son enfance».
Il se voit dépositaire à son insu d’un secret de grandes personnes ; à lui d’en faire l’usage qu’il jugera bon : de le garder pour lui, ou de se venger en le divulguant…aux autres et, notamment, à son père. Un nouveau pouvoir qui le fait mûrir d’un coup. Dans quel sens l’exercera-t-il ? Nous ne saurions ici déflorer davantage la chute de cette belle histoire...


Encore un chef d'oeuvre

9 étoiles

Critique de Kian996 (, Inscrit le 30 juin 2012, 28 ans) - 11 septembre 2012

Ce recueil de nouvelles de Zweig est un livre qui combine analyse psychologique des personnages et description de la nature.
Les nouvelles sont particulièrement marquantes. Ma préférée reste Brûlant secret qui montre qu’un enfant est parfois plus lucide que les adultes. Les descriptions de l'âme d'Edgard sont réussies et le lecteur est de nouveau passionné. Cet écrivain déborde de talent!
A lire pour mieux interpréter ses sentiments comme le fait si bien Zweig.

Un Zweig comme on les aime

8 étoiles

Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 31 mai 2012

Cela faisait un moment que je n'avais plus ouvert un Zweig, m'étant un peu lassé de cet auteur, pourtant fort agréable à lire.
Et bien force est de constater qu'il m'avait manqué!
Ce recueil de quatre nouvelles est un très bon livre dans lequel j'ai retrouvé les charmes de l'écrivain autrichien, l'élégance de l'écriture, l'ambiance viennoise raffinée du début du XXe siècle, la force des sentiments et des passions, l'analyse fine des personnages.
Vous l'aurez compris j'ai apprécié ce Brûlant Secret et plus particulièrement la deuxième nouvelle, Conte Crépusculaire, dans laquelle un jeune homme de 15 ans va se retrouver plongé dans une passion amoureuse assez mystérieuse, le tout écrit avec une touche de nostalgie et de mélancolie comme je les aime.
Les autres nouvelles tout aussi captivantes donnent à cet ensemble un attrait faisant de ce livre un incontournable pour les amoureux de Zweig voir une excellente entrée en matière pour découvrir cet auteur si particulier.

Brûlantes passions

9 étoiles

Critique de Carmen32 (Lyon, Inscrite le 19 février 2012, 34 ans) - 14 avril 2012

Mon but était d'aborder -brièvement- cet auteur célèbre dont la vie me paraissait si singulière...
En lisant "Brûlant secret", c'est une véritable révélation que je découvre!
Ces 4 histoires sont tellement différentes et pourtant, si similaires; celle de ce jeune garçon jaloux et naïf, la frustration d'un jeune coeur éperdu d'une inconnue, la recherche de soi de ce bourgeois et le conte des deux soeurs, si farouchement opposées mais toutefois avec le même but qui les unit.
Toutes ces multitudes de détails sur leurs pensées, leurs craintes, leurs joies, leurs rêves, on pourrait presque croire à une mini autobiographie de Zweig, autobiographie qui distille si bien l'abysse de l'âme humaine -lors de certains passages, je constatais de telles similitudes entre les réactions des personnages des miennes, les mêmes raisonnements, que cela me donnait des frissons!- et le fait avec tout son panache.

Superbe ! Absolument superbe rendu !

9 étoiles

Critique de Pendragon (Liernu, Inscrit le 26 janvier 2001, 54 ans) - 4 février 2003

Et bien ami Persée, voilà qu'une fois de plus je me dois de te tirer mon chapeau... et bien bas encore ! J'ai également eu la chance de lire quelques nouvelles de Zweig, grâce à Zoom, et force m'est d'admettre que dans ce résumé que tu nous proposes... et bien, il comporte exactement tout ce que l'on peut rêver de lire sur ce magnifique auteur de nouvelles qu'est Zweig.
Ce que tu en dis est parfait, magique, profond et rend à merveille l'atmosphère si particulière qui règne dans toutes ces nouvelles. Ce charme un peu désuet vieux d'un siècle, ces senteurs automnales, ces ambiances feutrées, ces personnages particuliers avec leurs manies, avec leurs angoisses et leurs peurs, ces paysages et décors calmes et lisses dans la tourmente des individus, cette analyse psychologique nette et intransigeante, cette tournure d'esprit enfin qui nous ramène vers... ailleurs.
Assurément, Persée en parle mieux que moi, mais la conclusion reste la même : il faut lire Zweig !

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