Onze histoires de solitude de Richard Yates

Onze histoires de solitude de Richard Yates
(Eleven kinds of loneliness)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Nouvelles

Critiqué par Jlc, le 19 février 2013 (Inscrit le 6 décembre 2004, 80 ans)
La note : 8 étoiles
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L'impuissance de la solitude

Richard Yates (1926-1992) était au purgatoire des écrivains quand il fut redécouvert par la magie du film tiré d’un de ses romans « Les noces rebelles ». Et c’est grande justice !
« Onze histoires de solitude » est un très beau recueil de nouvelles, beau par la sensibilité de ses récits, par la précision de l’écriture, par la lucidité du regard, par l’ironie du titre de chaque nouvelle, par le travail remarquable de la traduction. Mais beau surtout par ce thème de la solitude, qui relie chaque histoire aux autres ; cette solitude dont l’impuissance conduit à l’échec, dont l’aveuglement trahit l’incompréhension des autres et de soi même, cette solitude qui n’est que le désarroi « d’un monde consumé par sa propre sorte d’ennui. » Il y a du désenchantement sous chaque ligne, chaque mot, chaque situation mais ce n’est pas parce que le rêve américain s’évanouit dans ces années cinquante regardées aujourd’hui comme un temps heureux alors que c’étaient aussi celles du maccarthysme, de la guerre de Corée, du boycott des bus de Montgomery et du courage de Rosa Parks. Mais de cela, Yates n’en dit mot.

Un enfant arrive en cours d’année dans une nouvelle école, et tout de suite il est rejeté. Deux fiancés ont devant eux « tout le bonheur du monde » ; et pourtant elle ne sait comment chasser le doute qui l’envahit quand il préfère aller une fois encore retrouver la chaude camaraderie masculine, « nostalgie d’un bonheur perdu ». « Quand Jimmy reverra sa brune » il aura appris à connaître un sous-off dont « l’excellence est facile à admirer (mais) difficile à aimer ». Yates décrit le monde des appelés avec une justesse impitoyable et le lecteur qui a vécu ces expériences là s’y reconnaîtra. « Absolument sans douleur » est l’une des deux nouvelles qui se passent dans un sanatorium, milieu d’isolement que Yates a bien connu, lui qui a souffert d’une maladie pulmonaire. Ici, une jeune femme rend visite à son mari, hospitalisé. Et ils ne savent que se dire. Il aimerait bien qu’elle parte plus vite tant il a hâte de lire la revue qu’elle lui a apportée et elle sait que son amant l’attend. La seconde raconte une nuit de la saint Sylvestre dans un sana. Elle est féroce, superbement construite et parfaitement traduite par Jean Rosenthal, y compris dans son titre « Fini l’an ieux, ‘ive l’an neuf ». Un mari viré de son travail en quelques minutes, qui ne veut rien dire à sa femme avant de s’effondrer dans un fauteuil. Commentaire de Yates : « C’était la chose la plus élégante qu’il eût fait de sa journée ». « Les écrivains qui écrivent des histoires d’écrivains risquent le pire des avortements littéraires. Tout le monde sait cela. » Yates en fait une remarquable histoire de manipulation et de gâchis.

Oui, il était temps que justice soit rendue à Richard Yates. Certes il n’y a pas chez lui la tendresse, l’empathie, l’indulgence qu’on trouve dans les nouvelles de Raymond Carver. Mais « Onze histoires de solitude » est le superbe témoignage d’un monde qui se consume et s’ennuie.

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Les éditions

  • Onze histoires de solitude [Texte imprimé] Richard Yates traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean Rosenthal
    de Yates, Richard Rosenthal, Jean (Traducteur)
    R. Laffont / Bibliothèque Pavillons
    ISBN : 9782221112960 ; 9,00 € ; 07/05/2009 ; 378 p. ; Broché
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