Les bras de la nuit de Frédéric Dard
Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers , Littérature => Francophone
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La nuit il ment, il prend des trains à travers la plaine.
Avec William Shakespeare, il y a ceux qui pensent qu’il est l’auteur de ses œuvres, et d’autres qui aiment penser que le philosophe Francis Bacon était un homme facétieusement génial qui savait dédoubler sa personnalité créatrice ; avec Frédéric Dard, il y a ceux qui saluent à juste titre sa galerie de personnages apparentés à San-Antonio, puis ceux (parfois les mêmes) qui estiment qu’il excellait davantage dans ses sombres fulgurations policières, lorsqu’il échafaudait des intrigues absolument perverses, et donc absolument divines à la lecture. Dans les deux cas, j’appartiens à la seconde catégorie.
Il faut un talent certain pour faire tenir en moins de deux-cents pages un noyau d’une rare intensité dramatique. Les Bras de la Nuit, ça raconte par métaphore crépusculaire le lent dépérissement d’un inspecteur général de police, Leonard Wilkins, qui travaille à Seattle. L’histoire est racontée de son point de vue, en première personne. C’est une narration de caractère, très lapidaire, prodigue en formules efficaces, une sorte de rapport de police qui serait écrit par un employé plus doué que la moyenne générale. Tout est sujet au réductionnisme d’une expression pudique mais de plus en plus émotive à mesure que l’affaire dont s’occupe Wilkins se resserre en indices. En ce sens, ce serait comme lire Moby Dick et s’apercevoir que le récit d’Ismaël se délite à force de s’épuiser dans une traque maniaco-dépressive. Ceci étant, ce n’est pas une baleine blanche qui rend l’inspecteur plus faible, c’est plutôt un dérèglement de sa base amoureuse, c’est-à-dire une émancipation de ses résistances au coup de foudre.
La femme qui accapare Wilkins s’appelle Doris Huff ; à bien y réfléchir, si elle n’est pas Moby Dick, elle partage peut-être quelques-unes des propriétés de cet animal désormais mythologique. À l’instar de la baleine, cette femme sera avidement poursuivie étant donné que Wilkins s’interroge doublement sur son cas : 1/ Il se peut qu’elle soit impliquée dans la disparition de son mari Steve Huff ; 2/ Il se peut que Wilkins succombe à son contact à une forme de magnétisme très occulte. Cette situation au demeurant classique (un homme de loi et une femme attirante que tout accuse) va être transfigurée par l’auteur pour nous offrir, une fois n’est pas coutume, un tableau tragique de la race humaine. La simplicité même du nœud dramatique rappelle le microcosme fonctionnel et conjoncturel des tragédies, ce qui a pour effet pédagogique d’insinuer un malaise conséquent chez le spectateur et de nous apprendre des vérités sur nous-mêmes – on sortira de ce livre aussi tendu qu’un écho dans un cimetière. En d’autres termes, l’effet cathartique est garanti, et nous avons écrit à peu près la même chose dans une précédente critique d’un autre roman noir de F. Dard. Aussi n’ayons guère de scrupules à finir en disant que cet auteur s’y connaissait en synthèse des genres : ce n’est en effet pas à la portée de tout le monde que d’écrire un roman où le tragique ajoute à l’intensité des raisonnements policiers, où la théâtralité augmente pour ainsi dire le plaisir d’une sémantique des preuves.
Les éditions
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Les bras de la nuit
de Dard, Frédéric
Pocket
ISBN : 9782266226516 ; 9,49 € ; 24/05/2012 ; 189 p. ; Poche
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Petit bras…
Critique de Pierrot (Villeurbanne, Inscrit le 14 décembre 2011, 72 ans) - 21 octobre 2015
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