Un roman mais pas le meilleur de Pierre Benoît

Pour tous ceux qui ont une image de Pierre Benoît proche de l’ambassadeur touristique de régions plus ou moins exotiques, vous allez pouvoir la garder, du moins lui donner une place officielle car ce roman Jamrose est bien, sinon en tout premier lieu, au moins de façon évidente, un hymne à l’île Maurice. C’est où ? Loin d’ici, dans l’Océan Indien, autrefois île de France du temps de son appartenance à la France, maintenant indépendante après avoir été sous domination britannique. C’est durant cette dernière que se situe le roman de Pierre Benoît. On peut suivre pour ceux qui ne connaissent pas l’île, c’était mon cas, le roman sur une carte de l’île…
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Le second point de ce roman est le thème abordé, la folie. C’est étonnant, comme le fait remarquer le biographe de Pierre Benoît, Gérard de Cortanze, que ce thème apparaît trois fois au moment où le romancier est submergé par ce qu’il pense être la folie de la fin de guerre. Le roman est l’un de ceux qui suit son arrestation et son incompréhension de la situation… et son héroïne sombre dans la folie pour des raisons sur lesquelles nous allons devoir revenir, car il est question, comme par hasard, d’honneur national…

Pour ce qui est de la vie de l’auteur au moment de la parution de ce roman, précisons bien les choses. Il écrit son roman entre octobre 1944 et mai 1945, dans une période très délicate pour lui, mais il ne sera publié qu’en 1948 lorsque son nom va disparaître de la liste noire des écrivains maudits. Il a été jugé que sa présence sur cette liste n’était plus justifiée et il peut publier de nouveau. Entre ces deux faits, il s’est marié avec sa chère Marcelle et c’est un autre Pierre Benoît qui vit… A titre anecdotique, retenons que le roman Jamrose a d’abord été publié au Canada.

Le roman, comme ceux qui suivent, va partager les critiques. Je ne suis pas là pour indiquer les bons et les mauvais, mais il est évident que le romancier va payer la contrepartie de sa présence, puis de son élimination de la liste des écrivains interdits. On sent que les années d’après-guerre ne permettront plus à Pierre Benoît d’être jugé sur son écriture mais seulement sur des positionnements politiques, qui chez lui, soyons honnêtes, ne sont pas évidents du tout… encore aujourd’hui certains n’hésitent pas à parler d’un auteur de la collaboration ce qui est assez hallucinant quand on se penche sur l’histoire, sur les faits, sur les preuves… revenons-en donc au roman lui-même !

Ce roman va d’abord, et ça peut paraître long à certains lecteurs peu passionnés par l’histoire de l’île Maurice, prendre le temps de nous expliquer comment cette île française va devenir anglaise, comment un désastre naval va retarder malgré tout le changement de domination, et, surtout, comment une famille française va perdre un de ses membres et devenir de façon radicale ennemie d’une famille anglaise. Il faut de nombreuses pages à Pierre Benoît pour enraciner la haine viscérale au cœur d’un de ses personnages, celle dont le prénom, bien sûr, commencera par un A, Algide…

Mais le roman est l’histoire d’amour et la vie de Paul Jamrose et Virginie Willoughby (Paul et Virginie !), sans oublier leur petite fille Hélène. Une famille française et une anglaise qui se trouvent au cœur d’une histoire d’amour, de tendresse et, qui sait, de reconstruction définitive de la nation Mauricienne, une alliance entre deux puissances continentales. Cela ne va pas se passer en douceur, en particulier avec Algide, la mère de Paul…

Un roman que je n’ai pas trouvé extraordinaire, malgré quelques bons chapitres entre autres sur le fonctionnement au sein de l’île, sur les clubs et les communautés, sur le rhum, mais qui donne envie, ça c’est indiscutable, d’aller visiter l’île Maurice !

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  Jamrose

  de Benoit, Pierre
  Albin Michel
  ISBN : SANS000031305 ; 01/01/1948 ; 315 p.