Les vélos de New York

Treize ans plus tard, New York a changé. La ville n’est plus celle qu’elle habitait quand ce texte a été écrit, en 1995. Mais « quelques choses n’ont pas changé : la lumière sur l’Hudson, les ciels flamboyants au coucher du soleil, la beauté des ponts, l’énergie de la ville ». Ne vous y fiez pas, ce n’est pas un guide sur New York vu par une française.

Ce livre est agrémenté de très jolies photos prises en 2008 quand Catherine Cusset reprend le texte initial, le modifie et le publie. Des photos de la ville, la mer, les ponts, elle, peut être son mari (pages 90-91) et surtout « à tous les coins de rue des épaves de vélos démembrés, disloqués, attachés à des piliers par de grosses chaînes rouillées. Le visage même de New York » Ne vous y fiez pas non plus, ce n’est pas un essai sur le vélo, même si elle en aime sa modération et la solidarité entre cyclistes.

Le vrai sujet du livre c’est le désir d’enfant. Catherine Cusset mélange avec talent sa vie quotidienne, la ville où elle vit, New York, « son mari » dont on ne saura jamais le prénom et leurs disputes conjugales, son moyen de transport préféré, le vélo, son amie Mirjana mère d’une adorable petite fille, ses souvenirs d’enfance et surtout ce violent désir d’avoir elle aussi un bébé. Elle raconte ce moment difficile où cette violence se transforme en hystérie chez elle, en impuissance chez lui, bloqué par cette obligation menstruelle.

Cette chronique très personnelle est très habilement construite. Catherine Cusset qui a une écriture efficace sans être une grande styliste sait donner un sens à des coïncidences, la rencontre surprise avec son amie après une dispute plus dure que les autres ; elle joue des anagrammes comme vélo qui est souvent volé mais qu’on peut aussi transformer en lové « comme un fœtus dans le ventre de sa mère » ; le cycle, c’est bien sûr la bicyclette mais aussi le cycle lunaire ou encore la période de sa vie que délimite ce journal, « répétition cyclique des jours ».

Et pourtant ce texte m’a laissé distant car je n’ai pas bien compris ce désir d’enfant si ce n’est que ce n’est ni un caprice ni un subterfuge pour retenir l’homme qu’elle aime. Ce désir est trop abstrait, il n’est pas charnel. En revanche on comprend bien la « résistance » de son mari, résistance aussi violente que son désir à elle peut l’être. Il y a trop de contrôle et pas assez de laisser aller, plus de crainte que de tendresse.

« Son mari » trouvant cette chronique trop intime a souhaité en différer l’édition et c’est pourquoi elle ne fut publiée que treize ans plus tard. New York a changé, eux aussi. Ils ont une fille.

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  New York, journal d'un cycle [Texte imprimé] Catherine Cusset

  de Cusset, Catherine
  Gallimard / Collection Folio
  ISBN : 9782070443871 ; 6,30 € ; 15/09/2011 ; 117 p. ; Broché

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