Le poids du papillon de Erri De Luca
(Il peso della farfalla)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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Un écrivain qui n'a plus besoin de faire ses preuves
Seul un écrivain qui n’a plus besoin de faire ses preuves peut se permettre de pondre 75 pages et d’être traduit en plusieurs langues ! Erri de Luca use de son style affermi et magnifique pour nous conter cette histoire d’une main de maître.
Le chef des chamois, personnage principal et unique, est double ; c’est à la fois un braconnier appelé ainsi par ses pairs et un animal des montagnes adulé par sa meute. Contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre, on ne distingue pas vraiment le chasseur du chassé. On est bien loin des descriptions auxquelles on pourrait s’attendre. Notre braconnier est loin d’être un homme sans cœur ; c’est un alpiniste chevronné qui vit la chasse comme un art et comme une forme de dévotion envers la nature animale et minérale.
« Le cerveau de l’homme est un ruminant, il remâche les informations des sens, les combine en probabilités. L’homme est ainsi capable de préméditer le temps, de le projeter. C’est aussi sa damnation, car il en retire la certitude de mourir. »
A l’inverse, le chamois ne symbolise pas l’intégrité et la pureté.
« Les sabots des chamois sont les quatre doigts d’un violoniste. Ils vont à l’aveuglette sans se tromper d’un millimètre. Ils giclent sur des à-pics, jongleurs en montée, acrobates en descente, ce sont des artistes de cirque pour le public des montagnes. Les sabots des chamois s’agrippent à l’air. Le cal en forme de coussinet sert de silencieux quand il veut, sinon l’ongle divisé en deux est une castagnette de flamenco. Les sabots des chamois sont quatre as dans la poche d’un tricheur. Avec eux, la pesanteur est une variante du thème, pas une loi. »
L’homme et l’animal s’entremêlent au fil des pages, et on ne saurait dire qui est la bête et qui est l’humain. Ces deux êtres convergent pour représenter le vivant dans toute son authenticité ; féroce et charitable.
Les éditions
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Le poids du papillon [Texte imprimé] Erri De Luca traduit de l'italien par Danièle Valin
de De Luca, Erri Valin, Danièle (Traducteur)
Gallimard / Du monde entier (Paris)
ISBN : 9782070129355 ; 10,00 € ; 29/04/2011 ; 81 p. ; Broché -
Le poids du papillon [Texte imprimé] Erri De Luca traduit de l'italien par Danièle Valin
de De Luca, Erri Valin, Danièle (Traducteur)
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070449583 ; 5,70 € ; 02/11/2012 ; 96 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (7)
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Une nouvelle aussi rude que poétique
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 6 janvier 2019
Un style sec qui va à l'essentiel, un sens de la synthèse donc servent des descriptions, physiques, psychiques, biologiques, ainsi que les enjeux en présence, de manière nerveuse et efficace, tout en laissant transparaître de manière sensible et fort belle la poétique du drame annoncé. Cette nouvelle en est rendue rude et belle.
Allégorie alpestre
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 24 mars 2018
Deux êtres vivants tout deux proches du terme de leur existence vont s’affronter et, y aurait-il un vainqueur ?
Une histoire qui se veut dans un style très poétique mais qui est à la fois irréelle et qui comme souvent dans ce genre de schéma humanise la bête et animalise l’humain.
Ceux qui ont lu « Le Grizzly » de Curwood feront probablement la comparaison, même si on est ici dans un style littéraire plus relevé, mais pas forcément plus lisible.
Très poétique
Critique de Badzu (versailles, Inscrite le 6 novembre 2005, 49 ans) - 13 février 2018
Vraiment Erri de Luca est un conteur né, et ce ne sont pas tant les sujets traités qui m'attirent chez cet auteur (à la base vous me dites un chamois et un chasseur, je vous dis non merci) mais cette poésie et cette chaleur qui se dégagent de son écriture.
J'aime lire cet auteur les après-midis à faire le lézard à l'ombre des jardins pendant les vacances ou les weekends.
Minimalpiniste, naturellement...
Critique de Montecristo (, Inscrit le 31 août 2016, 70 ans) - 8 septembre 2016
Connaisseur et amoureux, visiblement familier du terroir extrême qu'il nous livre dans ce trop court opus, E.D.L y met d'abord en scène le duel entre un braconnier hors norme et un chamois d'exception. Sa prose est minimaliste, essentielle, fulgurante comme les éclairs des orages montagnards qu'il nous fait vivre... De la nature dans laquelle il se fond, qu'il aime sans l'ombre d'une sensiblerie, l'homme n'attend pas de cadeau. L'animal non plus. Chez l'un et chez l'autre domine une grande dignité, une instinctive fierté, méritée ô combien. Et au final, sereine, vient l'ultime humilité quand le temps doit avoir le dernier mot.
Dans une deuxième nouvelle, très courte mais elle aussi très forte, l'éloge de l'animalité fait place à l'évocation du végétal, pour que la boucle soit bouclée sur le terrain de la haute montagne, où E.D.L se réfugie depuis longtemps.
On est bien peu de chose mais que le monde est beau là haut, quand c'est De Luca qui l'écrit !...
Sentiment de presque achevé
Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans) - 10 mai 2015
Drôle d'histoire, la traque, la ruse, la nature qui se mêle de ce chassé-croisé, la résignation de ce superbe animal qui veut encore régner, mais qui sent bien que c'est sa dernière saison, qu'il doit laisser la place.
Cruel s'il en est, ce presque conte est pourtant délicat, le respect des deux protagonistes est réciproque, ils se cherchent, s'épient, se jouent l'un de l'autre, s'éloignent, se rapprochent, se devinent. C'est beau, les paysages sont magnifiques, un agréable moment de lecture qui me laisse toutefois sur ma faim, j'aurais aimé que ce livre soit plus long, plus étayé, plus profond, ou alors plus court et plus intense...
Bref, un sentiment de presque achevé qui me déçoit un peu.
Ce sont les solitaires qui tentent de nouvelles expériences !
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 20 juillet 2013
Son premier livre -Montedidio- paraît en 1989 et obtient le prix Femina.
Il collabore au Matino, principal journal napolitain et à d'autres périodiques (La republica, il manifesto).
Massif de Sella - Dolomites - (Italie)
Le crépuscule de 2 êtres "Roi en leur royaume".
Le Roi des chamois, qui avait grandi sans règles et les imposa. Qui depuis bien des années dominait son territoire sans que nul ne l'ai défié. Sur sa corne gauche s'agitaient, tels de petits drapeaux, les ailes d'un papillon blanc.
Le roi des chasseurs, homme d'un certain âge qui avait passé une grande partie de sa vie à braconner en montagne.
Un homme qui sait avoir commis l'irréparable mais qui s'efforce à vivre dans le présent.
Tous deux ont conscience de vivre la dernière saison, leur règne avait duré 20 ans et s'achevait.
Une écriture magistrale au service d'un récit poétique et puissant. L'éternelle opposition entre l'Homme et l'Animal, pourtant si proches.
Je me suis vu revivre des instants du roman d'Hemingway (Le vieil homme et la mer).
Le chamois est sublimé, déifié.
Je ne résiste pas à l'envie de vous copier quelques instantanés de pure poésie :
"Les sabots des chamois s'agrippent à l'air".
"Le soir émousse, polit une dernière fois au papier de verre le jour fait à la main".
"Le roi des chamois était vêtu de vent".
"Les animaux savent le temps à temps, quand il est utile de le savoir".
Un roman court, puissant, poétique... écrit par un magicien.
Indispensable !
Le chamois et le chasseur
Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 54 ans) - 14 décembre 2012
L'alternance des narrateurs, qui se confondent un peu au point qu'on ne sait plus par moments qui est la bête et qui est l'homme, constitue une belle réussite, et la fin, très symbolique, est très aboutie.
Mais j'ai ressenti néanmoins un manque de profondeur et un peu d'ennui au milieu, qui est un peu hésitant, flottant, comme si l'auteur meublait un peu et se reposait sur l'originalité du projet sans s'y investir totalement.
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"Un écrivain qui n'a plus besoin de faire ses preuves" | 9 | Sissi | 7 janvier 2019 @ 14:38 |