L'arrache-coeur de Boris Vian
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Farce amère
Le dernier roman paru de Boris Vian est comme d'habitude: drôle, poétique, ironique, onirique, enfin bref c'est un petit bijou, même si selon moi il n'égale pas tout à fait l'écume des jours, l'herbe rouge ou l'automne à Pékin. Il reste cependant une histoire terrible, la nôtre. Ou plutôt celle d'un village dans lequel arrive un psychiatre, Jacquemort, né l'année précédente (sic), et vide d'émotions qu'il voudrait découvrir. Il arrive lors de l'accouchement de Clémentine, qui habite au bord de la falaise avec Angel. Clémentine mettant au monde des Trumeaux (Noël, Joël et Citroën) et refusant la présence d'Angel, c'est Jacquemort qui s'occupera désormais des tâches courantes: commander un berceau, des fers pour les enfants, etc. Pendant ce temps, Angel construira un bateau, à pattes, pour partir. Où? peu importe, il partira. Après tout, il est le père des enfants mais c'est la mère qui décide ("elle a souffert, ça lui donne des droits"). Pendant ce temps aussi les trumeaux vont grandir, et tenter de s'affranchir des lois des adultes par leur propre univers. C'est l'occasion de pénétrer dans un monde un peu magique où manger des limaces (bleues) peut vous faire voler. Et les enfants voleront, avant que leur mère qui veut les protéger de tout danger ne les enferme dans des cages. Comme toujours chez Vian on découvre un univers parallèle au nôtre et en même temps si proche. Si proche que toute cruauté commise dans celui du livre nous renvoie l'image de nos propres monstruosités: la foire aux vieux, le cheval crucifié, les apprentis tués (au sens propre) au travail, la messe spectacle. Et surtout le ruisseau rouge où un nageur-pêcheur, la Gloïre, récupère le fruit de la honte des villageois qui s'en affranchissent ainsi: "ils me paient pour que j'aie des remords à leur place". Le roman vire donc peu à peu à l'amer (lire: la mère ou la mer, indifféremment) mais ce n'est pas un fatalisme résigné: les enfants ont beau être en cage, un vent de liberté souffle à travers les barreaux.
Les éditions
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L'arrache-coeur [Texte imprimé], roman Boris Vian avant-propos de Raymond Queneau préf., comment. et notes de Gilbert Pestureau
de Vian, Boris Queneau, Raymond (Préfacier) Pestureau, Gilbert (Editeur scientifique)
le Livre de poche / Le Livre de poche.
ISBN : 9782253006626 ; 5,90 € ; 01/01/1992 ; 221 p. ; Poche -
L'Arrache-coeur (Fonds Pauvert)
de Vian, Boris
Fayard/Pauvert
ISBN : 9782720201615 ; 15,00 € ; 11/03/1981 ; 226 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (15)
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Dans un petit village pas si différent des autres...
Critique de Ellane92 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 48 ans) - 12 décembre 2016
Sur invitation d'Angel et Clémentine, Jacquemort reste un peu dans ce village si spécial, dans lequel se déroule la foire aux vieux, où les apprentis sont maltraités jusqu'à en mourir, et où le prêtre se bat sur un ring avec le Diable, son Sacristain. Et puis il y a la Gloïre, qui parcourt le ruisseau rouge et visqueux, repêchant entre ses dents toute la honte du village.
L'arrache-cœur ! Quel ouvrage fantastique nous livre Boris Vian avec ce livre, l'un de mes préférés de cet auteur ! Tout se déroule dans un village dans lequel la honte est annihilée, dévorée, digérée par la Gloïre. Le temps s'y étire comme nulle part ailleurs ("octembre, déçars"), mâcher des limaces donne des pouvoirs magiques (les bleues permettent de voler), on montre l'amour que l'on porte à ses enfant en leur réservant le meilleur et en se réservant le pire, en anticipant toutes les catastrophes improbables, on vend ses vieux, on tue les enfants, et on casse la figure à tous ceux qui prononcent le terme de honte. Vian explore l'amour maternel de Clémentine, paroxystique, délirant et paranoïaque, les liens enfants-parents, le désir comme idéal de vie. Peut-on être femme et mère ? Jusqu'où aller pour protéger nos chères têtes blondes ? Vian en profite également pour nous livrer une critique acerbe de la psychanalyse, tout comme dans L'herbe rouge, si mes souvenirs sont exacts ; il n'y a qu'à voir le sens que donne Cul Blanc à ce terme ! Il critique de façon assez violente également la religion.
L'arrache-cœur allie un imaginaire extraordinaire à une écriture à la limite du surréalisme. Ou inversement. Un morceau de choix dans l'œuvre de Bison Ravi !
On a tort de dire les yeux fermés, ferranta le maréchal. On n'a pas les yeux fermés parce qu'on met des paupières devant. Ils sont ouverts dessous.
On ne reste pas parce qu'on aime certaines personnes ; on s'en va parce qu'on en déteste d'autres. Il n'y a que le moche qui vous fasse agir. On est des lâches.
Très curieux mais fort bien écrit, le tout saupoudré par un humour décapant.
Critique de Monde imaginaire (Bourg La Reine, Inscrite le 6 octobre 2011, 51 ans) - 16 avril 2012
Je vous donne le ton quand par exemple la mère dit alors qu'elle s'apprête à accoucher de triplés, des "trumeaux" comme les appelle Vian " ils vont sortir, dit la mère avec un rire dur. Ils vont sortir et me faire mal et ce sera seulement le commencement."
Dans ce récit déjanté, on croise tour à tour des personnages étranges, une foire aux vieux qui fait vraiment pitié, une messe délirante et épique bref on a un peu l'impression d'être en plein trip hallucinatoire !!!
C’était mon premier livre de Boris Vian, donc j’ai été, je l’avoue, parfois assez déroutée mais j’ai adoré son humour décalé et absurde, dommage que ce soit parfois un peu longuet passée la surprise du début.
Le meilleur roman de Vian
Critique de Kreuvar (, Inscrit le 3 avril 2012, 41 ans) - 16 avril 2012
Vous sentiriez-vous visés?!
Critique de Tim (Limas, Inscrit le 3 août 2011, 30 ans) - 6 août 2011
Queneau écrit dans son avant-propos ; « Boris Vian va devenir Boris Vian » et nous assistons ainsi certainement à l’éclosion d’une maturité nouvelle de l’auteur qui se sent profondément dans ses paysages, ses dialogues et sa narration. Le choix d’un tel personnage, psychanalyste qui puise, vole et imite en ses congénères, leurs sentiments et leur profondeur afin de se créer est totalement justifiée, tant que l’on s’imagine que vous et moi sommes Jacquemort. Surpris et choqués par certains faits, certains actes, nous sommes ; tout comme l’est au début le personnage avec la foire aux vieux, la crucifixion de l’étalon ; mais finalement la lassitude, le ressac et la répétition des faits nous habituent à tout, à l’horreur, au drame et aux crimes contre lesquels on se révoltait antérieurement. Nous devenons acteurs de la barbarie par une passivité, d’autant plus mise en relief que dans ce livre, nous assistons impuissants à la bêtise bien pire qu’inhumaine d’un village en n’étant que « simple » lecteur.
Et le paradoxe est là, dans ce coin reculé, c’est l’éternel affront de l‘impuissance passionnelle contre l’activité dévastatrice du monde. A trop en vouloir, Clémentine devient celle qu’elle a tant détesté, l’homme, son mari, elle s’enferme dans une prison immense, clôt l’univers. Mais pourtant, quelle beauté exposée ! Cette femme profonde bien que pure devient la plus ignoble créature, triste retour à l’animal, c’est peut-être là la réponse à la honte. Il ne faut plus s‘élever, la condition primitive efface la douleur et le supplice mais à quel prix ? Il est dur de le dire.
Comme il aime à le faire, Vian mêle aussi l’humour à la religion laquelle jamais ne méprise, au contraire, pensant pouvoir ainsi sauver l’Homme de sa nature meurtrière et pernicieuse.
Mais ce que j’ai trouvé étonnant et en fait cela ne l’est pas, c’est l’évocation d’une sexualité crue et torride voire bestiale assez présente au début du roman qui s’accorde tout à fait avec cette idée de nature archaïque et immuable. Et cette sexualité s’efface pour laisser place à la réflexion. Ainsi, Jacquemort se délaissera des rendez vous sexuels libérateurs avec Culblanc mais se nourrira peu à peu de la vie de La Gloïre à qui il succèdera. Et c’est ainsi que le roman se construit, par une évolution déconstruite des personnages, confrontés à la mouvance de leur démons intérieurs. Et c’est cela qu’on peut voir dans les trois enfants, cette pureté qu’ils symbolisent n’est autre qu’une formidable arme destinée à torturer leur mère. On discerne nettement en chacun d’eux l’imposante construction de l’Homme oscillant entre peines, chagrins, joies, bonheurs futiles, orgueils, admiration, dégoût mépris etc. Ils reflètent aux yeux de tous, la pantomime qu’à chaque moment tout un chacun se dresse voulant tant bien que mal essuyer ses erreurs. Nous enfermer en cages, nous séparer de la liberté et de nos frères ,aux sens propre et figuré, est-il vraiment la solution ? Vian vous en donne les clés. Un moment d’une réflexion puissante et à la fois agréable dû à la patte très originale de l’auteur. Un livre époustouflant !
Un village à éviter...
Critique de Garance62 (, Inscrite le 22 mars 2009, 62 ans) - 27 avril 2009
D'un côté la vie de ce village avec son écœurante foire aux vieux, sa rivière sanglante dans laquelle la Gloïre se charge de recueillir toute la honte des habitants du village, le curé et son sacristain qui décident de la coloration particulière à donner à leur religion, les patrons qui embauchent les apprentis et les font mourir à la tâche...
De l'autre côté, la vie de Clémentine, mère des trumeaux, qui va aller jusqu'à enfermer ses enfants pour les protéger du moindre risque à courir.
Entre le village et la maison, Jacquemort "Psychiatre. Vide. A remplir".
Je n'ai pas senti le lien entre la vie des habitants du village et celle des habitants de la maison au bord de la falaise, si ce n'est que les uns et les autres sont dans un monde où aucune place n'est laissée à l'humanité. Jacquemort est le seul qui, bien que consentant à certains des projets néfastes de Clémentine, se positionnera à la fin du roman comme le défenseur du droit de chacun à disposer de lui-même : "Je n'enferme pas les autres".
Heureusement, les enfants disposent de bien des ressources dont les adultes n'ont pas idée : après avoir pu voler en mangeant des limaces bleues, ceux-ci pourront sans doute s'échapper de leur cage maternelle(...) en trouvant des puces à fourrure "Alors, dit Citroën, on pourra devenir aussi petits qu'on voudra".
La dernière page (les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être...) est de toute beauté et je vous laisse le plaisir de la découvrir.
La Gloïre de Boris
Critique de Alaouet (, Inscrit le 19 octobre 2007, 61 ans) - 14 avril 2009
C'est simple, j'aime tout chez lui, ses livres, ses chansons, sa voix, sa trompette, ses bretelles...
Et de tous ses livres, si je devais n'en choisir qu'un ou n'en recommander qu'un, c'est peut-être bien l'arrache-cœur que je retiendrais... un livre dur, cynique, surréaliste, éprouvant, drôle, tout en folie maîtrisée...
Voici, directement importé de wikipedia, un copier/coller de quelques extraits:
* « Je conteste [...] qu’une chose aussi inutile que la souffrance puisse donner des droits quels qu’ils soient, à qui que ce soit, sur quoi que ce soit. » (deuxième partie, chapitre III)
* « On a tort de dire les yeux fermés, ferranta le maréchal. On n'a pas les yeux fermés parce qu'on met les paupières devant. Ils sont ouverts dessous. Si vous roulez un rocher dans une porte ouverte, elle n'est pas fermée pour cela ; et la fenêtre non plus d'ailleurs, parce que pour voir de loin c'est pas des yeux qu'on se sert, et, donc vous ne comprenez guère les choses. » (deuxième partie, chapitre XIV)
* « Déjà Joël et Noël s'étaient remis à creuser.
– Je suis sûr qu'on va trouver d'autres choses, dit Noël.
Sa pelle, à cet instant, heurta quelque chose de dur.
– Voilà un caillou énorme, dit-il.
– Fais voir ! dit Citroën.
Un beau caillou jaune avec des cassures luisantes qu'il lécha pour voir si c'était bon comme ça en avait l'air. Presque. De la terre crissait sous la dent. Mais dans un creux du caillou, une petite limace, jaune aussi, était collée. Il regarda.
– Ça, dit Citroën, ce n'est pas une bonne. Tu peux la manger quand même, mais ce n'est pas une bonne. C'est les bleues qui font voler.
– Il y en a des bleues ? demanda Noël.
– Oui, dit Citroën.
[...] Joël trouve deux limaces noires et en garde une pour lui...
Cependant, Joël dégustait la sienne.
– Pas fameux, dit-il. On dirait du tapioca.
– Oui, dit Citroën, mais les bleues, c'est bon. C'est comme de l'ananas. » (troisième partie, chapitre X)
Ce livre est un bijou en forme de limace bleue... on y goûte et l'on s'envole ...
ATTENTION CHEF D'OEUVRE !
Critique de Jobelom (, Inscrit le 19 août 2008, 62 ans) - 19 août 2008
Sans aucun doute, pour moi, le chef d'oeuvre de Boris Vian, très regretté touche à tout de génie.
Son testament : psychanalyse aboutie d'une poésie fulgurante.
Lu voici bien longtemps, j'appréhendais un peu de ne pas y retrouver la profonde impression ressentie. Bien au contraire ! Comme toutes les grandes oeuvres, on y découvre encore et encore des trésors cachés.
Somptueux, élégiaque, tragique et drôle.
Un régal.
Un beau moment de fantaisie
Critique de Le café de... (Perpignan - Bordeaux, Inscrite le 17 août 2008, 40 ans) - 19 août 2008
C'est subtilement dérangeant, cyniquement poétique, parfaitement onirique...
J'ai une grande admiration pour cet auteur capable de s'affranchir de sa culture et des normes (même là où on n'aurait pas été tenté d'aller chercher).
A conseiller à tout amateur de sensations littéraires.
Sombre
Critique de Dalania (Dijon, Inscrite le 25 octobre 2006, 38 ans) - 6 décembre 2006
Mais bien.
Jubilatoire
Critique de Oxymore (Nantes, Inscrit le 25 mars 2005, 52 ans) - 26 août 2006
Jacquemort, jeune psychanalyste débarque un jour par hasard chez Clémentine et Angel dans un petit village qui longe une falaise française. L'arrivée de Jacquemort est une providence puisqu'il pourra aider ainsi Clémentine à accoucher de 3 garçons qu'elle va appeler, Noël, Joël et Citroën. Ces naissances vont chambouler la vie de tous puisque de la souffrance de son accouchement, Clémentine va développer un rejet d'Angel et s'approprier totalement ses enfants en les couvant à l'extrême.
Jacquemort, lui, va vivre au sein de cette famille bientôt monoparentale en s'imprégnant totalement des sentiments des autres. L'empathie va devenir son état permanent vis-à-vis de Clémentine mais aussi de ce bon curé du village, le tout dans une sorte de huis-clos dont l'épilogue semble nous concerner aussi.
Mon avis: la lecture de ce roman très court est un régal qui mêle un humour succulent à une langue qui swingue, qui court et qui colle à la vie. Les néologismes sont ici encore très présents et on comprend facilement les liens qui unissaient Vian à un Queneau par exemple. Toutes les règles de l'écriture sont chamboulées au point de renverser par moment la chronologie ou le nom des mois de l'année. Bref un vrai régal pendant lequel j'éclatais de rire dans mon coin.
Mouais...
Critique de Franckyz (, Inscrit le 9 janvier 2006, 46 ans) - 10 janvier 2006
Pas celui-là en tout cas!
Pas du tout aimé!
sa meilleure oeuvre
Critique de Giny (Casablanca, Inscrite le 26 avril 2005, 36 ans) - 26 avril 2005
Emouvant
Critique de Le petit K.V.Q. (Paris, Inscrit le 8 juillet 2004, 31 ans) - 8 juillet 2004
Attention : chef-d'oeuvre
KIM
Noir
Critique de Virgile (Spy, Inscrit le 12 février 2001, 45 ans) - 19 novembre 2002
Des constructions (ou déconstructions?) intéressantes, des descriptions magiques mais au bout du compte je ne suis pas comblé...
La psychanalyse selon Bison Ravi
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 10 septembre 2002
Le tout dans un univers indéfini, un monde si proche et si lointain - le village, n'importe quel village, aucune précision géographique, pourtant - et puis ces repères chronologiques qui disparaissent aussi quand le récit sécrète son propre calendrier : "avroût", "juinembre"... Tous les points de repère s'écroulent. Pourquoi "L'arrache-coeur" évoque-t-il pour moi ces mots d'Eluard : "C'est par une nuit comme celle-ci que je me suis privé du langage pour prouver mon amour et que j'ai eu affaire à une sourde" ?
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Traduction | 1 | Le petit K.V.Q. | 16 novembre 2004 @ 16:42 |