Le ravissement de Britney Spears de Jean Rolin

Le ravissement de Britney Spears de Jean Rolin

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Alma, le 19 octobre 2011 (Inscrite le 22 novembre 2006, - ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 665ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
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Notre agent secret à Los Angeles


Envoyé au Tadjikistan à la suite de l’échec de sa mission aux USA, le narrateur, agent des services secrets français, raconte, pour le distraire, à son collègue du KGB ce que fut cette mission : surveiller la chanteuse Britney Spears , pour prévenir un éventuel projet d’enlèvement de celle-ci par des Islamistes. Obligé de fréquenter les paparazzis pour pouvoir localiser la chanteuse et de les accompagner, consultant les sites internet qui relatent chaque déplacement des icones du showbiz, notre agent, qui s’intéresse d’avantage à l’univers du cinéma , de la littérature et de l’art qu’à celui des people américains observe attentivement avec un regard décalé ce monde auquel il est étranger .

En même temps, il relate avec une précision de GPS les itinéraires qu’il suit pour traquer la vedette . Il fournit alors une cartographie extrêmement précise de Los Angeles , une description de ses rues, ses autoroutes, ses échangeurs dont il signale toujours noms ou numéros . Cela pourrait être fastidieux, cela devient fascinant , en raison de l’ écriture de Rolin, de ses phrases-autoroutes, phrases souples, fluides, sinueuses construites sur une base de subordonnées avec incidentes et parenthèses. Nouveau chantre de la poésie urbaine, le narrateur est aussi le Piéton de Los Angeles. En effet, ne sachant conduire, il se déplace souvent à pied dans ce labyrinthe des voies de communication.

Le charme du récit tient aussi au savoureux humour qui parsème les commentaires du narrateur , à la distance qu’il entretient avec sa fonction et qui la désacralise, sorte d’ anti-héros conscient de ses faiblesses et de ses handicaps .

Malgré son titre en forme de clin d’œil à Marguerite Duras, et jouant sur les différents sens du mot ravissement, un roman qui n’a rien de durassien .

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Les éditions

  • Le Ravissement de Britney Spears
    de Rolin, Jean
    P.O.L.
    ISBN : 9782818006009 ; 17,25 € ; 25/08/2011 ; 284 p. ; Broché
  • Le ravissement de Britney Spears [Texte imprimé] Jean Rolin
    de Rolin, Jean
    Gallimard / Collection Folio
    ISBN : 9782070450435 ; 7,50 € ; 07/02/2013 ; 272 p. ; Poche
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"We love you Britney, don't give up ! "

7 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 14 août 2023

Mon Dieu ! Qu'est-t-il arrivé à Jean Rolin ?
Un roman complètement foutraque mais dans lequel vous retrouverez la pâte Rolin.
Un voyage en absurdie... dans les rues de Los Angeles.
Rolin dans la peau d'un agent secret dont la mission est de suivre à distance Britney Spears pour la protéger d'une tentative d'enlèvement diligentée par un groupuscule islamiste.
Un agent secret qui ne conduit pas, ce qui le contraint à devenir un expert dans la connaissance des transports en commun dans un pays où la voiture est reine.
Pour effectuer sa mission , il est épaulé par François-Ursule de Curson-Karageorges (amusez vous à réunir les initiales... ), chef suprême des paparazzis de Los Angeles.
Ne vous inquiétez pas, vous sillonnerez les artères cultes de LA ; Sunset plaza, Mulholland Drive, Melrose, Orlando, Santa Monica, Venice Beach.....
Planquer avec les paparazzis et/ou parcourir la presse people va lui permettre d'approcher un monde caractérisé par le néant, la vacuité, l'absence de sens. De séances de shopping en crises existentielles, vous approcherez Britney, Katy Perry, Kim Kardashian, génération de la téléréalité et de Victoria's Secret.
Rapidement, vous serez indifférent à ce qu'il pourra advenir de Britney mais vous régalerez des pérégrinations du narrateur au gré des quartiers traversés, des hôtels et motels visités, des bus utilisés.

Encore une fois, Rolin explore la géographie d'une région, d'une ville ( comme il le fait communément dans ses romans). Il s'agit cette fois ci d'une semi fiction ( bien évidemment, Rolin n'est pas un agent secret mais il a bel et bien visité pendant 2 mois Los Angeles sans voiture) .
Rolin entremêle 2 récits, son séjour à Los Angeles où le néant est au rendez vous et l'Histoire dramatique en marche au Tadjikistan (ex état de l'URSS, frontalier de la Chine et de l'Afghanistan)
Un livre que vous reposerez avec le sourire car l'ironie, le second degré, l'humour sont présents à chaque page.
Une lecture désarçonnante !

L'exotisme est partout..

8 étoiles

Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 16 octobre 2013

C'est donc un roman, Jean Rolin écrit peu de fiction, dont le titre est bien sûr un clin d'oeil à Marguerite Duras.

Un roman,en ce sens qu'il y a une intrigue complètement rocambolesque , un agent secret étant chargé d'enquêter sur une éventuelle tentative d'enlèvement de Britney Spears par un groupuscule islamiste ..

"A quiconque mettrait en doute a priori la vraisemblance des menaces d'enlèvement ou d'assassinat pesant sur la chanteuse , j'objecterai qu'il n'est guère plus absurde - et plutôt plus facile- de s'en prendre à Britney Spears qu'aux tours du World Trade Center, et que la valeur symbolique de la première, aux yeux du public américain, est à peine moindre que celle des secondes."

Cet agent secret, on sait d'emblée que rien ne s'est passé comme il le voulait car dès le début on le découvre dans un coin paumé du Pamir, où sa mission suivante consiste à relever les numéros d'immatriculation des véhicules traversant la frontière vers la Chine. Travail passionnant également . Il cohabite au Pamir avec un ex agent du KGB , auquel il va raconter ses récentes aventures américaines .

Ca, c'est la part de fiction , mais , Jean Rolin s'en est donc expliqué, le reste est vrai et il a vécu tout ce qu'il raconte.

Cet auteur part toujours d'un lieu donné, très topographié, et là, il s'agit de la ville de Los Angeles. Qu'il a parcouru de long et en large en bus le plus souvent, mais aussi à pied, et ça, il faut le faire quand on connait Los Angeles!
Cela lui a permis de parler de cette ville peut-être d'une autre façon , et quant à tout ce qui concerne le showbizz, on y vient , c'est du côté des paparazzis qu'il se situe. D'où la savoureuse histoire de ces deux brésiliens tout à fait réels qui depuis 6 ans, traquent les moindres faits et gestes de Britney sans s'intéresser le moins du monde à ce qu'elle est d'ailleurs. C'est un boulot, c'est tout. Mais ayant quand même une certaine affection pour elle ( réciproque), la ramasser bourrée dans les endroits les plus variés et la ramener at home, ça crée des liens!

Britney, donc...

"La première fois que j'ai entendu parler de Britney Spears , c'était en 2003, pendant les semaines qui précédèrent l'invasion de l'Irak par les Américains et leurs alliés. Je me trouvais alors à Ramallah , en Palestine, où j'étais l'hôte d'une famille chrétienne; les Israéliens, de nouveau, ayant imposé un couvre-feu, nous passions beaucoup de temps devant la télévision à commenter des nouvelles angoissantes en grignotant compulsivement des pistaches. Le chef de famille possédait une petite entreprise de fabrication de crucifix en bois d'olivier, et de mise en bouteille d'eau du Jourdain - celle-ci supposée avoir été puisée sur les lieux mêmes du baptême du Christ- , et ses affaires, comme beaucoup d'autres, étaient en train de péricliter par suite du couvre-feu. Un jour où nous regardions, sur Al Jazeera, un agité quelconque en train de pronostiquer le succès imminent des armes de Saddam Hussein, mon hôte dut se lever , et quitter le salon, pour répondre à un appel téléphonique provenant d'un évêque allemand qui s'inquiétait du retard pris par une livraison d'eau bénite. Sa fille aînée, âgée d'une dizaine d'années, profita de sa disparition pour zapper- les prêches d'Al Jazeera l'emmerdaient autant que moi- et sélectionner une chaîne diffusant des programmes pour ados..."

Et c'est ainsi que Jean Rolin a fait connaissance de Britney Spears. Ce long extrait qui va en dégoûter bon nombre, j'en ai bien conscience , pour tenter de montrer deux choses:

-le style, l'écriture en longues phrases , pleines de digressions et de détails qui peuvent rebuter, mais que personnellement j'aime beaucoup.

- et surtout l'ironie constante tout au long du roman. Jamais méchante, c'est juste des constatations, un récit, mais raconté tel qu'il le raconte, c'est souvent très drôle. Et moi, un livre qui me fait rire, c'est gagné d'avance, c'est tellement rare.

Une dernière phrase ? On se retrouve au Tadjikistan:

"Les privilégiés, et parmi eux les caïds de ce trafic que la police et l'armée sont supposées combattre dans la vallée de Racht, paradent au volant de gros 4/4 aux vitres fumées: les mêmes qu'à Hollywood , tant l'ostentation de la richesse , quelle que soit l'origine de celle-ci, ne dispose que d'un répertoire limité."

J'ai beaucoup aimé, et je vais continuer à lire ce Jean Rolin , il m'amuse beaucoup et c'est un excellent observateur du détail.

Drôle de titre, mais ravis !

9 étoiles

Critique de Lectio (, Inscrit le 16 juin 2011, 75 ans) - 16 octobre 2013

Prenez un agent secret, loser de surcroît, une ville de stars, Los Angeles, une faune de peoples de la télé-réalité et du show-business, mélangez, agitez et lisez sans modération, c'est du Rolin! Il affectionne les antihéros Jean Rolin. Il nous livre donc un anti polar, un anti roman d'espionnage. Son agent secret est donc un gringalet, plus mélancolique que futé, ne sachant pas conduire. Exilé au Tadjikistan pour cause de mission ratée, il raconte cette commande des services secrets français (les meilleurs du monde, bien sûr!), baptisée "poisson d'avril" : approcher Britney Spears susceptible d'être enlevée par des terroristes islamistes. Et c'est donc à pied et en transports en commun que nous voyageons dans cette mégapole starisée, des quartiers huppés avec coiffeurs et boutiques de fringues à prix exorbitants mais aussi dans ces lieux glauques et insécurisés d'entrepôts abandonnés, d'abris de fortune sous les ponts d'autoroutes (qu'est-ce qu'il y a comme autoroutes!), de motels minables et crasseux. Antihéros oblige, côté stars c'est plutôt alcool, drogues en tout genre, dépenses compulsives, sexe... une Britney Spears négligeant de cacher ses bourrelets disgracieux, la mine en "papier mâché", toute en colères et extravagances. Portrait remarquablement réussi. Comme dans chaque roman d'action les courses poursuites sont fréquentes grâce à ces interminables parties de cache cache avec les paparazzis, incontournables éléments du paysage. Avec son oeil de journaliste, Jean Rolin nous montre l'envers d'un décor de carton pâte avec humour. Bien entendu les islamistes ne viendront pas. L'agent secret quittera la ville dans la plus pure tradition des actions dévolues à sa fonction. Merci Jean Rolin, nous sommes ravis. Mais dites donc, la ville des anges, c'est aussi moche que cela ?

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