Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004 de Tomas Tranströmer

Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004 de Tomas Tranströmer

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie , Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Septularisen, le 3 octobre 2011 (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 276ème position).
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LE POÈTE DU SILENCE

Rares sont les auteurs suédois qui jouent un rôle actif dans la littérature d’aujourd’hui, Tomas TRANSTRÖMER en est sans doute un!
Traduit en cinquante-cinq langues, ce psychologue de formation, entré en littérature au milieu des années 50 est malheureusement très peu, trop peu connu du public français... Il est pourtant considéré comme l’un des très rares maîtres de la métaphore.

Sa poésie est très étrange, presque musicale, mais en même temps très visuelle, très attentive au plus petits détails de la vie réelle. La banalité du monde moderne, du monde ordinaire de tous les jours en est transformée, transfigurée dans une image qui n’est plus un simple ornement, mais dépasse les apparences…
Je cède ici la parole au poète, avec le poème «Espresso » du recueil «Ciel à moitié achevé» (Den halvfärdiga himlen) de 1962. (Attention vous risquez de ne plus jamais voir votre «petit noir» du matin de la même façon!..).

ESPRESSO

Le café noir du service en terrasse
aux tables et aux chaises aussi gracieuses que des insectes.

Ces gouttes précieuses et captées
ont le même pouvoir qu’un Oui ou un Non.

On les sort du fond de bistrots obscurs
et elles fixent le soleil sans ciller.

Dans la lumière du jour, un point d’une noirceur bienfaitrice
qui se répand très vite dans un hôte blafard.

Il rappelle ces gouttes de noire clairvoyance
que l’esprit happe parfois et

qui nous donnent une bourrade salutaire : vas-y!
Une exhortation à ouvrir les yeux.

Cette poésie est celle d’un homme de notre temps, père de deux enfants, qui conduit sa voiture, va travailler, voyage… Un observateur des choses qu’il voit autour de lui, il cherche à les comprendre, à les interpréter. Son style est comprimé, sobre, visionnaire, avec un emploi remarquable des ellipses et des métaphores. Il n’y a pas de constructions, de systèmes classiques, juste des mots, un texte lisse, précis, concis, clair, qui se suffit à lui-même…

Je pourrais écrire pendant des heures sur la poésie du suédois, mais encore une fois, je préfère m’effacer derrière l’écrivain, derrière l’œuvre, voici donc un court extrait du poème «A l’air libre» du recueil «Accords et traces» (Klanger och spår) de 1966 :

(…) Ils gouvernent du haut de leurs étages de verre. Ils fourmillent en plein soleil.
Ils se penchent par-dessus le comptoir et tournent la tête.

Loin de là, par hasard, je m’arrête devant une de ces façades neuves.
Bien des fenêtres qui se noient en une seule fenêtre.
La nuit y capture les lumières du ciel et les migrations du feuillage.
C’est un lac miroitant, sans vagues, dressé dans la nuit d’été. (…)

Tomas TRANSTRÖMER figure aujourd’hui, aux côtés d’ un ADONIS, d’un John ASHBERY ou encore d’un Ko UN, parmi les poètes "Nobellisables" de longue date. Il est grand temps de partir à la découverte de son incroyable écriture. Et pourquoi pas avec ce magnifique volume de ses œuvres complètes?..

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Une œuvre foisonnante d’images

8 étoiles

Critique de SpaceCadet (Ici ou Là, Inscrit(e) le 16 novembre 2008, - ans) - 30 décembre 2020

‘Vois comme je suis assis
telle une barque tirée à terre.
Je suis heureux ici.’

J’ai mis beaucoup de temps pour parcourir et m’imprégner tout doucement des phrases de ce grand poète suédois. Lu à petites doses et revenant sur certains poèmes à plusieurs reprises, j’ai pris tout mon temps pour absorber tout ce qui, au moment de le lire, à mon esprit était accessible. Une fois cela fait, je puis maintenant y retourner à loisir, pour picorer ici et là, parmi cette concise mais combien grande œuvre.

Présentés dans ce volume suivant un ordre temporel, -partant des premiers poèmes publiés en 1954 et se terminant avec les derniers en 2004-, on peut ainsi apprécier, au fil de la lecture, une forme d’évolution et de maturation, tant au niveau de l’écriture que des thèmes ainsi que des réflexions que ceux-ci suscitent chez l’auteur.

Parfois opaque parfois lumineuse, naturaliste ou expressionniste, un chouia mystique quand elle verse dans la recherche d’une vérité universelle, c’est une poésie qui la plupart du temps est porteuse d’images et de visions offrant un point de vue vivace et singulier sur le monde dans lequel nous évoluons.

Essentiellement ancrés sur le sol suédois (mais pas toujours), ces poèmes parlent d’histoire et de mythologie, des hommes et du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, du grand théâtre de nos vies, des saisons, de la mer et de la terre et du ciel et de la forêt, de la vie et de la mort, du silence et du langage silencieux des choses.

Certains poèmes m’ont ébloui, d’autres m’ont laissé indifférent, mais la beauté des phrases n’a cessé d’illuminer ma lecture, suscitant un plaisir qui ne saurait se mesurer en termes d’étoiles…

Quoi qu’il en soit, s’il est une qualité qui traverse l’ensemble de l’œuvre, c’est bien son accessibilité ; il y a chez ce poète, de quoi rejoindre et toucher un grand nombre de lecteurs.

Saisir l'instant

8 étoiles

Critique de Fa (La Louvière, Inscrit le 9 décembre 2004, 48 ans) - 4 mai 2014

J'ai lu ces œuvres complètes à la suite, comme un roman. Ce fut une erreur.

Ce livre gagne à être picoré, ça et là : il nous propose des morceaux de présent glanés au gré des pérégrinations de l'auteur.

C'est un poète du quotidien, du vécu : il peint des situations avec des mots, il utilise la métaphore comme les impressionnistes.

Reste maintenant à laisser trainer ce livre, en espérant d'y picorer encore des instants de grâce.

Tranströmer, le poète urbain

8 étoiles

Critique de Hervé28 (Chartres, Inscrit(e) le 4 septembre 2011, 54 ans) - 23 octobre 2011

J'ai découvert cet auteur en lisant la critique de Septularisen.
Cela m'a intrigué. Puis est venu le prix Nobel qui a couronné l'oeuvre de cet écrivain suédois.
J'avoue avoir été assez désarçonné à la lecture de ses oeuvres complètes. Je me fais une idée de la poésie assez proche de celle de Georges Brassens (eh! oui je le considère comme un poète) où l'on ne parle pas d'automobile dans ses écrits mais de char à boeufs, on n'évoque pas les notaires mais les tabellions, on passe sous silence les enterrements au profit de funérailles, et les phonographes remplacent les radios etc.
Ici, Tomas Tranströmer s'inscrit dans son époque, celle d'une civilisation où la vitesse, le transport, la mort, la ville prend toute son importance. Je ne peux citer, tant ils sont nombreux, les poèmes où Tranströmer évoque la voiture, le métro, le train, l'autobus, l'avion, l'aéroport, l'hélicoptère, le motel, la ville mais aussi le silence et les arbres, la forêt et le vent.
L'auteur explore toutes les formes de poésie, du texte en prose assez long, aux Haïkus, forme poétique que j'adore,en passant par des textes plus courts sur le travail, la prison, le Portugal, la RDA...
Loin de mes classiques (Baudelaire, Verlaine, Apollinaire, même Prévert) Tomas Tranströmer arrive tout de même à m'éblouir par le regard qu'il pose sur ce qui l'entoure.
Ancré férocement dans la réalité, ses poèmes méritent amplement le détour.
Ses oeuvres complètes ne faisant que 350 pages, je vous conseille vivement l'achat de cet opus, qui se glisse dans la poche et que l'on peut redécouvrir à loisir.
Pour moi, Tomas Tranströmer reste un ovni, une énigme dans le monde de la poésie, mais une énigme très attirante.

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