La Disparition de Majorana de Leonardo Sciascia

La Disparition de Majorana de Leonardo Sciascia
(La scomparsa di Majorana)

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Radetsky, le 20 septembre 2011 (Inscrit le 13 août 2009, 81 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 268ème position).
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L'antiparticule Ettore Majorana

Le physicien italien Ettore Majorana, responsable entre autres de l'apparition du neutrino dans les théories descriptives des particules élémentaires, a travaillé notamment en collaboration avec Enrico Fermi, de même qu'il a concrétisé ses intuitions quant à la théorie des quantas auprès de Werner Heisenberg, passant brillamment des certitudes carrées de la physique "classique" au domaine incertain du monde quantique gouverné par des probabilités (dont l'un des concepts les plus vulgarisés est le principe d'incertitude d' Heisenberg, qui veut qu'on peut connaître la position d'une particule ou sa trajectoire, mais jamais les deux à la fois). Il avait l'étoffe d'un génie, de l'aveu de tous ceux qui l'ont approché, tout en manifestant une réserve, un tempérament introverti et sans cesse insatisfait, un océan de scrupules et ... d'incertitudes, sur soi, le monde et sa propre place dans celui-ci. Un beau jour de 1938, il disparaît sans laisser de trace, sinon d'énigmatiques fragments, de vrais-faux messages, dont on ne sait toujours pas à quoi ils devaient conduire. Black-out total, donc. On a échaffaudé alors et depuis toutes les hypothèses imaginables et inimaginables (suicide, enlèvement, assassinat, retrait dans un monastère, etc.), compte tenu de l'importance que revêtaient ses travaux dans le contexte politique de l'époque, en Italie, en Europe et dans le monde. Leonardo Sciascia a repris pour son compte l'enquête, avec l'art qu'on lui sait, en tentant à partir de la psychologie du personnage d'établir un faisceau de présomptions où il discerne surtout l'avènement chez Majorana d'une prise de conscience de sa responsabilité particulière à l'égard des êtres humains, si ses découvertes venaient à être utilisées à des fins désastreuses. Je crois me souvenir que c'est Robert Oppenheimer (ou était-ce Albert Einstein...?) qui, le jour où explosa la première bombe atomique dans le désert d'Alamo, confia à son entourage : "...ce jour-là nous sûmes ce qu'était le péché...", manière de référence involontaire à la fable de notre bon Jean de La Fontaine : "il jura, mais un peu tard... ".
Certes, l'art de Sciascia tend à faire pencher le fléau de la balance dans une certaine direction, qui rend à Majorana justice pour la plus haute expression d'un courage que bien peu de scientifiques manifestent par ailleurs. C'est la direction qui fut avant lui la moins explorée, on s'en doute !
Voici donc une enquête "à la sicilienne" qui va bien au-delà de la simple curiosité pour le sujet qu'elle traite.

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Le génie évaporé

8 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 28 février 2013

En 1975, Leonardo Sciascia a cherché à comprendre, et à nous faire comprendre, comment et pourquoi son compatriote sicilien, Ettore Majorana, génial physicien, a pu disparaître sans laisser de traces dans la nuit du 26 au 27 mars 1938. Malgré toutes les recherches entreprises à l’époque, sous la pression du Duce lui-même, cette disparition n’a jamais pu être expliquée, les indices trouvés étant beaucoup trop minces.

Né en 1906, Majorana était un génie naturel, un enfant précoce, très précoce, doué, surdoué mais peut-être pas jusqu’au point où le montre Sciascia qui prétend qu’à quatre ans il maitrisait les racines cubiques. Mais c’était bel et bien un génie comme le dit Enrico Fermi, Prix Nobel de Physique en 1938, après sa disparition : « …il y a aussi des génies, comme Galilée et Newton. Eh bien Majorana était un de ceux-là. Majorana avait ce que ne possède aucun autre monde ; malheureusement, il lui manquait ce qu’au contraire il est commun de trouver dans les autres hommes : le simple bon sens. » Il était taciturne, misanthrope agressif, asocial, il semble n’avoir rencontré personne capable de discuter sur un même plan que lui, il se sentait incompris sauf par Heisenberg, un physicien philosophe allemand. « …Fermi et les « garçons « cherchaient, tandis que lui, simplement, trouvait. »

Dans les années trente, pendant plusieurs années, Il a œuvré à la défense d’un des membres de sa proche famille soupçonné d’avoir commandité l’assassinat d’un nourrisson. Cet épisode dramatique a peut-être eu une influence sur son état psychique, il connaissait souvent des états dépressifs et passa une bonne partie des trois dernières parties de son existence dans la solitude n’en sortant qu’en 1937 pour donner des cours où il apparaissait parfaitement normal. Sciascia fait remarquer que la précocité appelle la mort, rapproche de la mort, citant l’exemple de Mozart et d’autres génies précoces.

Entre 1933 et 1937, Il se comportait, selon l’auteur, comme un homme « épouvanté, aurait-il compris que les progrès de la science pouvait conduire l’humanité vers un abominable drame ? Aurait-il entrevu la possibilité de créer un moyen d’éliminer «statistiquement » un très grand nombre d’ennemis ou d’opposants ? Il travaillait beaucoup dans le domaine des sciences sociales et des statistiques. Il a écrit énormément mais tout a disparu, sauf deux petits textes qui ont pu être publiés.

Le 26 mars 1938, il prend le bateau-poste à Naples pour rejoindre la Sicile, annonçant qu’il va mettre un terme à ses jours, mais le 27 il semble bien qu’il ait pris le bateau du retour, s’est-il donné la mort ? A-t-il organisé sa disparition ? A-t-il été victime d’un enlèvement ? A-t-il refusé de participer au grand drame qu’il aurait appréhendé ? A-t-il refusé d’accepter l’évolution de la science que seul, lui, entrevoyait à cette époque ? Le mystère est entier, chacun comme Sciascia qui cherche à dénouer ce mystère dans la personnalité, l’attitude et les travaux de Majorana plus que dans les faits et circonstances de sa disparition, peut avoir une idée, une théorie sur cette disparition.

« Comme disait Camus… : « Vivre contre un mur, c’est une vie de chien. Eh bien les hommes de ma génération et de celle qui entre aujourd’hui dans les ateliers et dans les facultés, ont vécu et vivent de plus en plus comme des chiens. » Grâce à la science, grâce surtout à la science.» Ajoute Sciascia.

La polémique a fait rage et Sciascia a transformé ce mystère en un plaidoyer contre les progrès de la science.

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  Sur la Disparition de Majorana 5 Radetsky 15 mai 2021 @ 10:39

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