La dure loi du karma de Mo Yan

La dure loi du karma de Mo Yan
(Sheng si pi lao)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Traubon, le 2 juillet 2011 (Inscrit le 29 mai 2011, 33 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 8 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (378ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
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Meilleur livre du XXIe siècle

L'auteur Mo yan (nom de plume signifiant "celui qui ne parle pas") est reconnu de manière unanime comme le plus grand auteur chinois de ces dernières décennies.
Cet ouvrage vous fera plonger au coeur de la révolution culturelle. L'histoire débute avec l'ascension des communistes qui signifie la mise à mort des propriétaires terriens et s'achève au commencement du nouveau siècle (minuit de l'an 2000).

Une fois n'est pas coutume, Ximen Nao le héros de l'histoire -propriétaire terrien- se fait fusiller dès les premières pages de l'histoire par la populace fraîchement convertie aux doctrines communistes. Selon la dure loi du karma, Ximen Nao est condamné à être réincarné en animal. Il sera âne, bœuf, cochon, chien, enfin singe. Par un hasard provoqué par le dieu des enfers il paraîtra à chaque fois (sous forme animal) dans son village d'origine. Animal empli des souvenirs de sa vie d'homme, il nous narrera au présent les péripéties de sa nouvelle vie à quatre pattes.

Ce livre n'est pas sans rappeler "la ferme des animaux" de Georges Orwell. L'ironie repose évidemment sur le parallélisme entre hommes et animaux, mais aussi sur cette époque si caricaturale qu'est le communisme poussé à son extrême. Le lecteur ne manquera pas de rire à chaque page. On y trouve également certains éléments du réalisme magique si cher à la littérature hispanique. Tout cela rédigé dans un style magistral.

Les 900 pages du livre peuvent, il est vrai, décourager beaucoup de lecteurs potentiels. Il faut cependant rappeler que l'ouvrage est divisé en cinq parties (les cinq réincarnations de Ximen Nao). Le lecteur pourra reprendre son souffle entre chaque partie, avant de replonger dans ce monument de la littérature d'aujourd'hui.

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9 étoiles

Critique de Eoliah (, Inscrite le 27 septembre 2010, 73 ans) - 20 janvier 2021

Découverte de 50 ans de communisme dans un village chinois.,
Ximen Nao le héros de l'histoire de la classe moyenne aisée, se fait fusiller par une populace revancharde et envieuse dès le début de l'histoire. Son karma lui impose des réincarnations successives en animal: âne, bœuf, cochon, chien, singe sur les mêmes lieux.
C'est à travers ces animaux, porteurs des connaissances de toutes ces vies, que l'on découvre au quotidien le fonctionnement administratif, économique et social, et les rouages du pouvoir d'une société soumise à des règles nouvelles.

Il était une fois...

8 étoiles

Critique de SpaceCadet (Ici ou Là, Inscrit(e) le 16 novembre 2008, - ans) - 16 octobre 2014

Avec ce roman initialement publié en 2006, Mo Yan nous convie à un nouveau chapitre dans l'histoire de Gaomi, un village fictif où il situe la plupart de ses récits. De 1950 à 2000, ce village, à l'instar de la Chine, sera témoin d'importants changements qui, sans être directement décrits, seront observés à travers divers aspects de l'existence de ses habitants. Puis, par la voix et sous le regard de quelques narrateurs pertinemment placés en position d'observateurs, -un procédé permettant à l'auteur de naviguer paisiblement et avec brio parmi les écueils de la polémique-, Mo Yan nous offre ce qui pourrait se résumer à une chronique de la vie dans un petit village de province chinois.

C'est par le biais de l'humour que l'auteur nous introduit dans cet univers haut en couleur tantôt décrit avec force détails, tantôt de façon quasi caricaturale et invariablement rendu avec une acuité telle que l'on peine à tenir ce lieu et ses habitants pour fictifs.

Humaniste affectionnant ses personnages, Mo Yan, grâce à un sens d'observation aussi vif que l'esprit qui l'anime, nous montre l'homme et la femme sous leur jour le plus universellement humain. Proposant ainsi une réflexion sur la nature et la condition humaine, c'est dans cette perspective, que ce récit par ailleurs faible en thème, prend sa signification.

Point d'intrigue ni de scénario complexe, doté d'un mince fond thématique, outre un procédé narratif incontestablement contemporain,' La dure loi du karma', épouse une forme s'assimilant au roman chinois classique. Constitué d'une suite de tableaux illustrant, par le biais de l'existence et l'évolution des personnages, une époque et un lieu dans l'histoire de l'humanité, ce roman s'inscrit donc dans la tradition de l'observation sociale. Ainsi au lecteur habitué à une intrigue solidement constituée, le récit pourra sembler long, tandis qu'à celui qui anticiperait un discours à saveur politique, il paraîtra faible. Par conséquent, c'est véritablement grâce à ce don aigu d'observation, remarquablement servi par une imagination débordante ainsi que par une exceptionnelle qualité de conteur, que ce roman séduit et retient l'attention.

Traduit de manière à mettre l'emphase sur l'esthétique du produit final au détriment de la fidélité au texte d'origine, il est difficile voire impossible de faire la part entre ce qui appartient à l'auteur et ce qui tient de la plume du traducteur. Ainsi, il serait hasardeux de tenter de formuler une appréciation de l'écriture ou de commenter le style de l'auteur.

Bref, voici un récit d'observation sociale, constitué avec ingéniosité et conté de manière originale et divertissante; une recette qui ne devrait pas manquer de plaire à un public ciblé.

Note: Ce compte-rendu réfère une traduction anglaise du roman original faite par Howard Goldblatt.

Du tragique et de la dérision !

10 étoiles

Critique de DE GOUGE (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 67 ans) - 23 janvier 2014

Un village chinois, une famille racontée par les multiples réincarnations de " l'ancêtre" : de 1950 à 2000.
L'oeuvre est complexe, un ouvrage pas obligatoirement facile à lire. Mais si on s'y lance à fond : quel plaisir et quel bonheur ! Et qui dure puisque en poche, on a droit à 968 pages !
Délirant, résolument historique et fantaisiste, plein de dérision, donc mettant en évidence les errances (? !) de la Chine maoïste et la petitesse et le grandiose de l'être humain vu par le monde animal !
Une grande oeuvre qui mérite le prix Nobel 2012.
Un livre difficile à lire ; oui ! à chaque chapitre, il faut reconnaitre qui parle, il nous faut faire l'effort d'entrer dans le jeu de l'auteur, mais quel bonheur on en retire ...

Une oeuvre majeure !

Chroniques villageoises en Chine de 1950 à 2000

9 étoiles

Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 84 ans) - 13 septembre 2013

Je ne connaissais pas Mo Yan et j'ai failli être rebuté par la longueur du livre. C'eût été regrettable car il s'agit d'un roman remarquable !

On connaît maintenant l'intrigue : un propriétaire terrien, fusillé sans procès à l'aube du communisme, clame son innocence et sa haine des bourreaux devant le "roi des enfers", ce qui lui vaut de subir cinq réincarnations successives, et ce qui vaut au lecteur cinq visions du monde particulières, plus particulièrement du petit coin de Chine dont est issu le héros.

Naturellement l'auteur s'attache surtout à nous faire partager ses analyses, et de la vie rurale en Chine, et du système politique en vigueur. Comme le style est vif et enlevé, c'est un régal ! Bien sûr il faut parfois "s'accrocher" car les généalogies sont complexes et les subtilités chinoises obscures pour des occidentaux un peu bouchés...

Prenez votre temps et ne boudez pas votre plaisir.
Saluons par ailleurs les autorités chinoises qui n'ont pas jugé utile d'interdire même partiellement l'ouvrage !

la dure loi de la vie

10 étoiles

Critique de Lectio (, Inscrit le 16 juin 2011, 75 ans) - 8 mai 2013

L'histoire commence le 1er janvier 1950 et se termine le 1er janvier 2000 au milieu de la célébration du nouveau millénaire. Cinquante ans de la saga d'une famille rurale chinoise et de la vie de villageois paysans. Ximen Nao, propriétaire terrien prospère, futé et roublard est fusillé par les révolutionnaires collectivistes. Réincarné successivement en âne, boeuf, cochon, chien et singe, il devient le témoin privilégié et, à son niveau, l'acteur, de la vie de son village et de ses descendants. Il traverse ainsi toutes les évolutions politiques, économiques, sociales de la Chine et de sa province en particulier. Le réincarné participe à ces vies de joies et de peines, de solitudes entêtées (le refus du collectivisme confine à la marginalisation), d'amours et de haines, d'alliances et de trahisons, de mariages, d'infidélités et de divorces, de luttes, de rivalités, de jalousies, de cruautés, de naissances et de morts. Lui-même originaire d'une province rurale, MO YAN s'immisce dans le récit. Tel un habile joueur de bonneteau, il brouille les cartes du réel et de la fiction avec dérision et facétie. Dans un style truculent et rabelaisien ce conteur flamboyant joue subtilement entre cruauté, horreur et onirisme et surréalisme. Il en résulte une lecture captivante, jamais ennuyeuse. Une lecture curieuse et gourmande que l'épaisseur de la présente édition (près de 1000 pages) ne dissuade pas. La traductrice CHANTAL CHEN ANDRO restitue remarquablement ce style si particulier du narrateur. Ses apostilles, sobres et précises, nous éclairent sur les références historiques et mythologiques utilisées par l'auteur. Un ouvrage à lire sans modération.

Un plaisir communicatif

10 étoiles

Critique de Grégoire M (Grenoble, Inscrit le 20 septembre 2009, 49 ans) - 4 septembre 2012

On ne peut être qu'emporté par l'évident plaisir qu'a Yan Mo de nous conter son histoire. Un des points frappants du livre est qu'il met tout autant d'application à nous conter les vies animales de son personnage que les vies humaines qui se déroulent devant nous. Le romantisme (et l'ardeur sexuelle) d'un âne défendant sa bien aimée face à une meute de loups, la tragédie d'une lutte de pouvoirs entre deux cochons pour la domination, la poésie d'une fuite de ce même cochon sur le fleuve au clair de lune sont des moments forts du livre.
J'ai beaucoup aimé aussi l’auto-dérision dont il fait preuve pour se dépeindre (le personnage de l'auteur est présent dans le récit) comme un personnage peu reluisant, pleutre et arriviste.
A mon sens, le livre n'est pas une satire directe du communisme comme peut l'être Le Maître et Marguerite de Boulgakov. Les vies animales du héros ne servent pas à dénoncer les exactions du communisme. Yan Mo "se contente" de relater une chronique des habitants d'un village rural depuis l’avènement du communisme, puis celui du capitalisme. Bien sûr, cette chronique constitue une critique en soi et le capitalisme actuel n'y échappe pas.

Un talent étourdissant,multiforme...à découvrir absolument!

10 étoiles

Critique de Myrco (village de l'Orne, Inscrite le 11 juin 2011, 74 ans) - 20 novembre 2011

Quelle faconde! Quelle puissance d'imagination! Quelle fantaisie! Quelle richesse créative! A des lieues de tout un courant fadasse et psychologisant de notre littérature occidentale contemporaine et en particulier française, voilà enfin un véritable écrivain d'envergure! Je suis effectivement sortie un peu étourdie et lessivée de la lecture de ce qu'il faut bien appeler un pavé... mais un pavé que j'ai dévoré avec gloutonnerie!

Le roman mêle avec bonheur les scènes les plus réalistes (Lan Lian molesté par les gardes rouges...) aux scènes les plus improbables dans lesquelles s'envole l'imagination délirante de l'auteur qui nous entraîne aux frontières du merveilleux, de la légende (l'épopée de la fuite du cochon à la poursuite d'une lune chevauchée par le fantôme de Mao, par exemple) voire de la magie (les cheveux d'Huzhu).
A l'instar de son personnage éponyme dans le roman, il "mêle le vrai et le faux", manie l'exagération avec délectation ; on ne peut s'empêcher de penser parfois à Rabelais.
Et si l'on rit ou sourit de certains propos satiriques, traits d'humour ou descriptions de facéties (celles du cochon vaniteux par exemple), on est loin de rire à chaque page. Bien plus présente ici est, selon moi, la dimension tragique.
Mo yan sait aussi incontestablement susciter l'émotion lorsqu'il nous montre le lien affectif très fort qui unit Lan lian, le paysan indépendant, à ses compagnons animaux de peine et d'infortune ou plus encore lorsqu'il nous décrit la mort du boeuf, scène terriblement poignante, bouleversante, à la limite de l'insoutenable.

Bien qu'il ne s'agisse pas là d'un roman historique , l'Histoire (avec un grand H) est omniprésente en ce qu'elle détermine la vie des personnages, en particulier les conditions de vie des paysans. On voit ainsi défiler les exactions commises au nom de la réforme agraire, les aberrations du "grand bond en avant" au rang desquelles la campagne d'affinage de l'acier qui fut l'une des causes de la grande famine, la collectivisation, les communes populaires, les exactions menées au nom de la révolution culturelle, puis après le retour à la privatisation, le développement d'un capitalisme éhonté facilité par la corruption qui finalement prive les paysans de leurs terres.
Sur tout cela, par la voie de la satire, Mo Yan porte un regard dénonciateur d'autant qu'apparaissent parfois dérisoires les retournements de l'histoire: ainsi Lan Lian, le paysan honni pour son combat d'arrière garde sous le communisme pur et dur deviendra , à un moment,le symbole de l'avant garde.

C'est Mo Yan lui même , qui dans une interview donnée au Magazine Littéraire nous livre une des clés de son roman à propos de son personnage principal: "le cycle de ses réincarnations successives (...) est (...) une métaphore, celle de la vie qu'ont menée ces dernières dizaines d'années les paysans chinois, une vie de bêtes de somme. Après une longue lutte, Ximen Nao revient à l'état d'être humain. Selon moi, cela symbolise le destin des paysans chinois depuis l'avènement du communisme."

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  "La dure loi du karma" :question à Grégoire M. 16 Myrco 26 octobre 2014 @ 05:14

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