La danse de Gengis Cohn de Romain Gary
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Humour et imagination débridée pour parler du nazisme
Gengis Cohn est un comique juif qui suite à une tentative d'évasion d'Auschwitz en 1943 est fusillé avec d'autres juifs, femmes et enfants, par le SS Schatz, mais chose insolite l'"esprit" de Cohn a survécu et hante et tourmente Schatz depuis plus de 22 ans. Schatz devenu commissaire de police est confronté à une série de meurtres au couteau qui secoue l'Allemagne, aucun indice à part le fait que chacune des victimes est retrouvée le pantalon baissé et un visage heureux. A ce moment là intervient un baron dont la jeune femme est partie avec le garde-chasse, Schatz pense que les affaires sont liées....
Je vous ai résumé ici la première partie et c'est la seule du roman qui puisse vraiment l'être puisque le roman "part en vrille" au fur et à mesure que l'histoire se déroule.
Romain Gary utilise le thème de l'ancien nazi "dénazifié" possédé par l'esprit de sa victime et le pousse jusqu'au paroxysme, dans la première partie le récit reste encore crédible et linéaire, mais à partir de la deuxième partie, on a l'impression d'être dans un "trip" au point que je me suis demandé quel produit illicite avait bien pu fumer l'auteur. En tout cas Gary livre un roman qui fera souffrir les élèves qui devront l'étudier.
Et pourtant derrière ce "trip" (comment définir autrement la perplexité dans laquelle m'a laissée ce roman) se cache outre une tentative de manipuler la langue française, de créer un univers particulier poétique (on pense à Boris Vian, Amélie Nothomb et Raymond Queneau), on découvre via les interventions de Gengis Cohn une réflexion sur la Shoah, sur l'Allemagne et son futur (Gary évoque déjà la réunification de l'Allemagne en 1966, 23 ans avant la chute du mur de Berlin).
Les réflexions de Gengis Cohn sont bourrées d'humour (Gary invente la fraternité avant Ségolène Royal), mais cet humour et le côté expérimental du roman au lieu d'atténuer la réflexion sur le nazisme et le futur de l'Europe et d'Israël la renforcent.
Si vous aimez les récits non linéaires où l'auteur cache des réflexions sérieuses derrière un humour corrosif et une imagination largement débridée, qui rapproche ce roman de ceux que l'auteur a signé sous le nom d'Emile Ajar, ce livre est pour vous. Autrement vous risquez d'être plus dubitatifs (et le mot est faible).
Les éditions
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La danse de Gengis Cohn [Texte imprimé] Romain Gary
de Gary, Romain
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782070393022 ; 9,20 € ; 14/06/1995 ; 352 p. ; Poche
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- La tête coupable
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Humanisme et surréalisme
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 29 décembre 2019
Le ton s'avère aussi acerbe que sarcastique et drôle pour compter cette fable humaniste, son aspect irréel grossissant certes le trait, mais de manière efficace. Cette oeuvre paraît déconcertante, mais présente le mérite de faire réfléchir.
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Cohn est l'âme / la mémoire d'un juif qui hante l'esprit d'un ancien officier allemand, Schatz, devenu commissaire de police. Celui-ci au début du roman est aux prises avec une histoire de meurtres en série particulièrement difficile.
Au delà du délire fantasmagorique, tout doit être lu sur le plan symbolique. Cohn représente le Juif mais aussi le Christ, Schatz (chéri en allemand) l'allemand avec sa mauvaise conscience. Depuis la ville de Licht (lumière) l'enquête les mène dans la forêt de Geist (l'esprit, le fantôme - c'est là que Cohn est enterré avec de nombreux autres fusillés) à la poursuite de Lily (idéal féminin mais surtout humanité en quête d'absolu et de sublime, toujours insatisfaite) qui sert d'appât à Florian (la mort) pour attirer ses victimes. La poursuite se mène sous le regard incompréhensif et désespéré du Baron (la haute société conventionnelle) et de Johann (le peuple).
Le roman permet à R Gary d'interroger les liens que crée l'homme entre la beauté (le nom de Lily fait penser au lys, elle est parfois surnommée la Joconde, associée à la création artistique et particulièrement à la Renaissance) et l'horreur (Lily entretient un lien étroit et inconscient avec la mort à travers Florian et son nom fait aussi penser à Lilith démon féminin de la tradition juive avec qui elle partage certains attributs).
Le roman reflète plus globalement (comme cela apparaît de plus en plus nettement dans la deuxième partie) les tourments de l'auteur, hanté par les fantômes et qui tente d'oublier ou d'exorciser le souvenir du Génocide et de l'Allemagne. Une autre façon d'aborder le problème après avoir écrit Education européenne.
Bref, une lecture un peu malaisée mais passionnante où on retrouve l'humour et l'humanité de Romain Gary.
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