Celles qui attendent de Fatou Diome
Catégorie(s) : Littérature => Africaine , Littérature => Francophone
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Cote pondérée : (623ème position).
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quelle plume! un délice pour aborder une question grave
« Celles qui attendent »
roman de Fatou Diome
Éditions Flammarion
327 pages
août 2010- 20 €
Mères avant tout....
Je me suis régalé il y a plusieurs années en lisant « le ventre de l'Atlantique » de Fatou Diome. Elle a su aborder avec un humour inégalé une question grave comme celle de l'immigration.
Aujourd'hui, elle récidive avec un nouveau roman et une nouvelle approche même si la problématique reste la même.
Encore une fois, l'auteure nous offre une œuvre soignée, truffée d'expressions imagées,: c'est un plaisir renouvelé page après page.
Bougna et Arame, deux femmes sénégalaises connaissent une vie difficile sur leur île
Elles s'inquiètent pour l'avenir de leur fils respectif et comme beaucoup de mères, rêvent du « paradis » européen....
Après beaucoup d'hésitations, l'idée venue se précise jusqu'à l'ultime formulation qui précède la décision définitive :
« Les mots avaient mûri en elle comme des chrysalides prêtes à livrer leur trésor. Les yeux dans les yeux de son amie, Bougna libéra les papillons qui battaient déjà des ailes dans la bouche. »
L'Europe paraît la terre promise et malgré les dangers d'une traversée de l'Atlantique en pirogue, ils sont nombreux à vouloir tenter leur chance. S'ils ne rencontrent pas la mort sur leur chemin, ils seront tout à tour exploités et chassés, victime d'un mirage entretenu et d'une politique irresponsable.
Si le colonialisme est et doit être dénoncé et combattu, il faut aussi-ce que fait bien l'auteure-pointer toutes les responsabilités et notamment celle des gouvernements « nationaux »
« l'ignorance est le premier obstacle à la démocratie » et cette ignorance entretenue permet à une clique au pouvoir de freiner le développement harmonieux du pays qu'elle gouverne.
Elle n'est pas tendre non plus avec la tolérance de certaine européenne : « Ses clichés sur la polygamie, la supposée grande famille solidaire, aggravaient sa berlue et la rassuraient, quand toutes les femmes du village ne souhaitaient que sa disparition » !
La vie continue, avec les amours, les secrets de famille et une soif de bonheur contrariée par un système archaïque faisant des femmes dès leur entrée dans l'adolescence des victimes, non maîtresses de leur destinée.
Ces deux femmes commettent certes des erreurs mais leur amitié réciproque et leur amour maternel sont des bras de levier puissants leur permettant de vaincre beaucoup de difficultés.
Jean-François Chalot
Les éditions
-
Celles qui attendent [Texte imprimé], roman Fatou Diome
de Diome, Fatou
Flammarion
ISBN : 9782081245631 ; 20,30 € ; 25/08/2010 ; 336 p. ; Broché -
Celles qui attendent [Texte imprimé] Fatou Diome
de Diome, Fatou
Feryane / Roman (Versailles)
ISBN : 9782363600417 ; 995,00 € ; 15/09/2011 ; 1 vol. (441 p.) p. ; Broché -
Celles qui attendent [Texte imprimé], roman Fatou Diome
de Diome, Fatou
J'ai lu / J'ai lu
ISBN : 9782290031988 ; 7,50 € ; 12/04/2013 ; 286 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (15)
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Presque trop !
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 16 décembre 2013
Une réserve toutefois, il faut bien choisir son moment pour lire ce monument... il faut être prêt à recevoir cette avalanche de sensibilité et cette littérature de très haute qualité car Fatou Diome est une plume ravageuse.
Quelques phrases au hasard.
- L'eau n'est pas toujours de l'eau. Tous les insulaires le savent.
- Il n'est pas toujours facile d'être dans la position de celui qui sait.
- J'ai cueilli les reflets du jour sur tous les replis de ta peau.
- Le "râle-mourir" n'a jamais changé le sel en sucre.
- Ceux qui nous oublient nous assassinent.
- Rien de ce qui flotte n'échappe à ce qui vole.
- Avant de regretter les morts il faut aimer les vivants.
- N'écoutez pas les océanographes : il n'y a pas de marées basses,
c'est le coeur des amants qui assèche la mer.
- L'atlantique poursuivait obstinément sa danse païenne, mais ses fantaisies perpétuelles n'ébranlaient pas l'île : elle était là, fière, immobile, comme une belle acariâtre qui refuse un tango.
"on finit toujours par s'inventer une manière de faire face à l'absence"
Critique de Ellane92 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 49 ans) - 4 novembre 2013
C'est avec beaucoup d'humanité que Fatou Diome aborde la vie de ces femmes qui restent. Elle évoque les coutumes, les relations complexes des familles africaines, la maternité, la pauvreté, l'entraide, le partage... Ce livre est riche, notamment en émotions qui jaillissent de la plume imagée et colorée de l'auteure. Son livre est engagé et non exempt de colère face à la situation critique des femmes Africaines, de l'attitude de l'Europe face à l'immigration.
Mais il est aussi plein d'empathie, de bienveillance et de pardon. Mais ce que j'ai le plus apprécié, au final, c'est le rythme de l'écriture, des phrases, qui évoquent parfois une musique, une mélopée, un murmure.
"On relate, on discourt, on commente avec tant d'emphase la pénibilité de l'accouchement, qui n'est jamais qu'une douleur éphémère. Mais nul ne songe à prévenir les futures mères de leur carrière de veilleuses de nuit, qui démarre avec les premières tétées nocturnes et dure toute la vie. Enfanter, c'est ajouter une fibre de vigile à notre instinct naturel de survie."
"Mais on finit toujours par s'inventer une manière de faire face à l'absence. Au début, on compte les jours puis les semaines, enfin les mois. Advient inexorablement le moment où l'on se résout à admettre que le décompte se fera en années ; alors on commence à ne plus compter du tout."
Une belle découverte du prix CL 2013 !
L'envers d'un sombre décor
Critique de Pieronnelle (Dans le nord et le sud...Belgique/France, Inscrite le 7 mai 2010, 76 ans) - 30 septembre 2013
On commence à connaître assez bien les conditions de vie de ces clandestins venus se perdre dans cette illusion d’un rêve européen ; on sait quels risques ils prennent dans leurs chaloupes de l’espoir et de la mort qui font le bonheur des passeurs ! On connaît les questions qui se posent sur les raisons qui poussent ces hommes à se déraciner de leurs pays ; mais on ne connaît pas en fait vraiment les réponses à ces questions car on n’arrive pas à comprendre qu’on puisse préférer choisir de traîner misère dans l’illégalité et les bas-fonds de nos villes.
Fatou Diome nous en donne une réponse et elle est bien cruelle : la pauvreté ; tellement difficile à vivre que des mères, des épouses, de ces petites îles du Sénégal pensent que leur salut doit passer par ces traversées de l’atlantique conduisant à un soi-disant eldorado. L’eldorado étant tout simplement du travail afin d’envoyer des mandats pour nourrir la famille du pays d’origine. Ah l’Afrique et ses émigrés, devenue selon l’auteure le « cheptel de l’Occident» ! Et nos sociétés qui ne veulent pas « voir » ces clandestins mais s’en servent au niveau économique pour faire plus de profit par une main-d’œuvre sous-payée !
« L’Europe a besoin d’une Afrique vassalisée. Si, géographiquement et économiquement, les pays africains pèsent peu, à la table des négociations internationales, leurs voix permettent à l’Europe de garder la main dans la partie d’échecs mondiale. Les pays européens ont donc intérêt à maintenir l’Afrique tout juste en état de fonctionnement, assez pour rendre disponibles ses matières premières et ses jeunes forcenés de l’immigration, si nécessaires à la survie d’un continent vieillissant à la démographie moribonde »
Cette chronique met en avant les vies de quatre femmes de deux générations différentes : Arame et Bougna, les mères, Coumba et Daba les épouses…. J’ai aimé cette écriture qui fait bien ressortir les psychologies de chacune avec leurs réalités quotidiennes, le poids des traditions qui les écrase, leur courage et leur lutte permanente pour nourrir leurs enfants et survivre tout simplement sans compter cette attente angoissante.
Mais l’Afrique a aussi sa part de responsabilité dans le maintien de traditions qui asservissent la femme : comme la polygamie, qui, si elle peut parfois donner un toit à une femme, la maintient dans le bon vouloir de l’homme de l’utiliser comme servante, comme femme, ou de la répudier. Même avec leurs défauts ces femmes sont admirables. Elles se débattent dans la pauvreté et l’adversité avec dignité.
Les détails de ces vies sont denses, on vit avec ces femmes qui attendent leurs hommes ; les mères, leurs fils ; les épouses (le plus souvent mariées sans leur consentement ), des maris qui pourront soit ne jamais revenir, soit revenir en « vacances », avec une autre épouse européenne de «porcelaine » . Et malheur à celle qui aura fauté en se retrouvant avec un bébé dans le ventre alors qu’elle restera des années sans savoir si son clandestin de mari daignera se souvenir d’elle !
« Elles ne voulaient pas admettre la longueur du temps qui les séparait de leurs chers clandestins. Compter les années aurait insinué la terreur dans leur cœur de mère. Lancées dans une stratégie de résistance, elles s’aveuglaient volontairement. Il fallait garder les souvenirs pour rendre les absents présents. Il fallait que la joie de l’accueil soit sans cesse imaginée pour museler l’espoir. Et du désespoir il y en avait souvent. Les mandats des clandestins étaient aussi rares que la pluie sur le sahel et les nécessités de la vie ne connaissaient aucune trêve… »
Un beau livre, qui met à l’honneur ces femmes africaines dont, au fil de mes lectures je découvre le courage et la grandeur
Admirables, celles qui attendent et celles qui dénoncent!
Critique de Papyrus (Montperreux, Inscrite le 13 octobre 2006, 64 ans) - 4 septembre 2013
Elles nous heurtent? nous européen(nes), tant mieux. Moi, elles me ravissent car elles sont la preuve qu'un espoir existe. Il réside dans ces femmes "éduquées", qui du fond de leur village, au cœur des bolongs, jour après jour, luttent contre les dérives d'une société aux aspects souvent archaïques qui les soumet au dictat des hommes, des marabouts, des croyances issues d'un métissage religieux aux origines obscures. Ce sont elles qui portent la société par leur courage et leur force de travail, mais aussi par la transmission éducative dont elles ont la charge.
Mais la voix de certaines se fait peu à peu entendre. S'y joignent de temps en temps, celles d'hommes qu'elles ont su convaincre de la légitimité de leur combat.
La description de la "dame de porcelaine", m'a fait rire, tant elle est criante de vérité. Fatou Diome pose un regard acéré et réaliste sur les rapports Europe-Afrique et sur le choc des cultures.
Bref, j'ai adoré lire Fatou Diome, qui tout comme Mariâme Bâ, nous décrit de l'intérieur le fonctionnement d'une société complexe que l'on ne peut espérer connaître et comprendre sans les clés qu'elles nous livrent.
C'est Aïta, une jeune enseignante "non intégrée" qui fait un remarquable travail d'éducation des tout-petits, dans son village reculé de Casamance et qui comme Daba, élève seule et avec courage son petit garçon qui m'a parlé de ces auteures.
La preuve que la parole de Fatou Diome, (et d'autres auteures) , libre, forte, juste, progressiste est aussi entendue dans son propre pays...
Du rêve à la réalité
Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 2 août 2013
Quelques rares passages politiques critiquent la constitution d’une réserve de main d’œuvre au détriment du développement et aussi de gènes et de corps vigoureux pour des occidentales souvent plus âgées qui apprécient ces hommes jeunes, mais aussi le gaspillage lors des fêtes qui rapprochent la communauté et font oublier la pauvreté et la quête permanente de nourriture à cout terme le reste du temps.
La langue est belle, imagée et poétique, tout en restant simple.
Un village d’Afrique sur une île musulmane au Sénégal. Les mères se désolent que leurs fils qui n’ont pas eu leur bac végètent et n’aient pas de perspective. Par jalousie d’une des co-épouses de son mari dont le fils a obtenu une bourse d’étude en Europe, l’une d’elle a l’idée que leurs fils rejoignent clandestinement ce continent source d’espoir. Elle marie vite son fils mais celui de l’autre aime quelqu’un qui ne le considère que comme un ami d’enfance. Ils finissent par partir sous la pression de leurs mère. Mais tout ne se passe pas comme dans les rêves. L’attente commence. L’incertitude pour les mères sans nouvelles de leur progéniture qui affronte les danger de la mer. Puis les appels téléphoniques sporadiques où ils signalent juste brièvement que tout va bien. L’argent arrive parfois mais toujours petitement. Pour faire revenir son fils, l’autre mère arrange un mariage religieux à distance avec la fille que son fils convoitait et qui est accepté car un émigré vaut plus qu’un pêcheur entreprenant resté au pays. Les années passent. Les retours arriveront mais dans des conditions imprévues, loin des espérances initiales.
IF-0713-4074
Un sujet fort, une écriture faible
Critique de Maufrigneuse (Saulieu, Bourgogne, Inscrit le 1 novembre 2010, 35 ans) - 28 juillet 2013
Le style de l'auteur est très agréable, fluide mais l'emploi de certains mots m'a fait sursauter. Les métaphores nombreuses sont trop souvent convenues et le sentimentalisme parfois exagéré. Mis à part le beau personnage d'Arame, les figures du romans sont des coques vides qui n'intéressent peu.
Le roman traitant le thème de l'attente, des actions se répètent sans que l'histoire n'avance : la cuisine, les repas, l'eau, les coquillages à marée basse... La deuxième moitié devient vite lassante. La fin heureuse, certes attendue, rattrape tout de même un peu les choses. « Celles qui attendent » n'est pas un roman de gare, mais il s'en faut de peu.
Un livre touchant mais dont l'intérêt réside selon moi essentiellement dans son sujet.
la fascination de l'Europe
Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 22 mai 2013
Le courage des femmes
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 22 mai 2013
Les personnages sont savoureux de même que tout le récit. Un vivant tableau de la vie au Sénégal. Fatou Diome nous envoie de nombreux messages et sa révolte devant l’exploitation du pauvre est admirable. Elle se sert de son récit pour sensibiliser le lecteur aux terribles conditions de vie parfois vécues par la population illettrée et leur naïveté face au microcrédit sensé les aider mais qui ne fait qu’accentuer leur détresse. Mais ce sont surtout les femmes qui sont les héroïnes de ce roman, des femmes courageuses affrontant tout souvent avec le sourire, cachant leur peine afin de ne pas traumatiser les enfants. Admirable !
Rester, partir …
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 3 avril 2013
Niodor, une petite île sénégalaise, où la vie se perpétue, tant mal que bien. Se perpétue, et pas prospère. On est davantage dans la civilisation de survie que de développement. Et ce sont les femmes qui sont en première ligne, elles qui font – au sens propre – bouillir la marmite, qui doivent aussi trouver de quoi mettre dans la marmite, de quoi mettre sous la marmite pour qu’elle se mette à bouillir.
La situation féminine en Afrique n’est pas forcément enviable, Fatou Diomé nous donne à voir ce qu’il en est, au moins ici, à Niodor, Sénégal. Via deux femmes, Arame et Bougna, deux femmes plus toutes jeunes, qui sont chargées de faire tourner des foyers de beaucoup d’âmes – en mari, fils, filles, petits enfants, … - avec peu de moyens. Arame et Bougna ont chacune un grand fils, et l’idée finit par faire son chemin ; pourquoi ne pas inciter ces fils à monter sur une de ces pirogues à moteur qui filent, une fois pleines de miséreux attirés par le miroir aux alouettes européen, pour braver la mer, les dangers, les douaniers, les autorités, … et trouver fortune ( ?) en Espagne, ou ailleurs en Europe, pour le bien de leurs communautés respectives ?
Arame et Bougna sont donc « celles qui attendent ». Mais il n’y a pas qu’elles qui attendent. Puisque ces deux fils ont été mariés – et dans quelles conditions ! – à Coumba et Daba. Qui attendent donc aussi. Le retour du mari prodigue, de la fortune … Qui attendent en tout cas.
Tout ceci est assez cruel dans l’ensemble. Fatou Diomé nous décrit parfaitement le drame insondable dans lequel se débattent ces familles, la manière dont la situation d’exploitées de ces femmes se perpétue, par les femmes elles-mêmes à la limite. C’est édifiant et en même temps touchant. Il y a encore de l’humanité en Afrique, au Sénégal au moins, mais on a du mal à distinguer le chemin qui permettrait une sortie du tunnel …
Femmes : mères, filles, épouses...
Critique de Shan_Ze (Lyon, Inscrite le 23 juillet 2004, 41 ans) - 19 mars 2013
Fatou Diome fait une sorte de chronique sociale en parlant des habitants de cette île. Elle parle surtout des femmes qui s’occupent des enfants et de remplir la gamelle et pourtant, on leur refuse l’éducation, le droit de révolter, elles ont seulement le droit d’attendre. D’attendre que leurs hommes, fils ou maris, reviennent ou pas.
L’auteur m’a permis de découvrir le destin de ces femmes et leurs épreuves, un document émouvant avec une touche d’humour bien placé. Je regrette qu’elle s’épanche un peu trop sur quelques sujets qui auraient gagner en concision. Je vais continuer de lire ses livres qui abordent des thèmes intéressants.
« Mères de l'absence »
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 17 mars 2013
Arame et Bougna sont deux amies d'une cinquantaine d'années, mamans de grands fils.
Arame, mariée à un homme âgé, perclus d'arthrose, aigri, a eu deux fils. Son aîné, pêcheur, mort en mer, elle élève seule ses enfants, sa bru étant partie se remarier. Elle n'a plus que Lamine, son deuxième fils qui a refusé, comme la tradition l'exigeait, d'être le père de ses neveux.
Bougna est la deuxième épouse de son mari. Et passées les premières années de sa jeunesse, la réussite des fils de la première épouse la rendent jalouse, envieuse.
Pour elle, la seule chance de réussite, c'est l'émigration en Europe. Elle réussira à persuader Arame de laisser partir son fils unique pour pouvoir enfin mettre un terme à cette pauvreté.
Sur la base d'un roman avec ses histoires de famille, d'amour, Fatou Diomé aborde de nombreux sujets édifiants.
La condition des femmes, tout d'abord qui s'apparente à de l'esclavage, cantonnée dans une domesticité moyennageuse. Nourrir toutes les bouches qui dépendent d'elles, mais aussi toutes celles que la tradition exige, ainsi qu'honorer dignement toutes les festivités exigées par la religion ou la tradition.
L'auteure explique la soumission des femmes par l'absence d'éducation et le poids de la religion. Les femmes de la génération d'Arame et de Bougna, sont analphabètes. Pour écrire à leurs fils, elles vont voir l'instituteur du village. Elles seront incapables de lire le contrat de micro-crédit leur paraissant mirifique mais les endettant de nombreuses années. Mais souffrant de cet analphabétisme, elles mettront un point d'honneur à ce que les enfants fréquentent l'école assidument.
Et la génération de leurs enfants accède au bac même si celui ci n'offre pas beaucoup de chance de réussite, encore moins sur une île. Mais des progrès s'annoncent. En la personne de Daba, la bru d'Arame, qui saura assumer sa condition, en osant répondre, même si sa révolte est brève et orale.
Fatou Diomé nous dresse un état des lieux de son pays, nous présentant ses particularités si éloignées des nôtres: la polygamie, la religion, les traditions, l'Afrique et ses contradictions, ses anachronismes, tel le marabout qui parle aux esprits avec son téléphone portable, la juxtaposition dans un même espace de deux mondes, le trajet de nos dons de nantis, objets de convoitise.
Se montrant vindicative dans ses prises de position comme le montre son chapitre engagé sur l'émigration en contradiction avec la fin du roman:
« Ces hordes d'affamés qui arrivent en rafiot, si l'Europe de Schengen, avec ses navires de guerre, ses radars et ses avions de chasse les laisse fouler son sol, c'est qu'elle en tire parti: plus ils sont nombreux, plus il est aisé de les asservir... On nous bassine avec l'aide à l'Afrique...Comme l'éleveur qui décide lesquelles de ses bêtes vont survivre ou mourir, celui qui applique le mot « choix » aux êtres humains ne peut nier l'existence d'une motivation secrète expliquant sa démarche. Alors, quand on entend « immigration choisie », on ne peut que se demander: qui choisit qui, comment et pourquoi faire. Répondre à ces questions, même partiellement, c'est jeter une lumière crue sur les rapports Nord/Sud de notre époque. L'Occident réorganise son emprise impérialiste qui ne s'est jamais desserrée sur l'Afrique. Immigration choisie pour la guerre! Pauvres tirailleurs, choisis pour la mort. Immigration choisie pour l'industrialisation! Seules les mines et les usines se souviennent encore des étrangers venus porter l'Europe sur leurs échines, pour la sortir de sa misère d'après-guerre. Immigration choisie, aujourd'hui, pour les besoins d'une main-d'œuvre compétente et peu coûteuse, d'où ce tri sélectif parmi les nécessiteux, priés d'arriver avec la qualification requise ou de déguerpir... On nous endort à coup d'aide humanitaire; se réveiller, c'est réaliser que l'Occident n'a pas intérêt à ce que l'Afrique se développe, car il perdrait alors son vivier de main d'œuvre facile.. »
Ayant déjà lu « Le ventre de l'Atlantique », je connaissais l'engagement de Fatou Diomé. Mais encore une fois, j'ai été plus intéressée dans ce livre par son côté documentaire et engagé, par le combat et la souffrance de ces femmes plus que par la partie romancée des amours des jeunes. Même si quelquefois, surtout au début, j'étais agacée par un coté moralisateur et sentencieux, l'écriture de Fatou Diomé m'a emporté dans son pays et je souhaite que ces livres permettent de faire avancer les choses.
Les femmes, des figures sacrificielles ?
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 17 mars 2013
La langue de Fatou Diome est poétique et imagée. Le lecteur prend plaisir à lire ce texte aux riches trouvailles stylistiques. Certaines métaphores sont vraiment très originales et participent au voyage.
L'on découvre avec intérêt le quotidien de ces êtres dans leur vérité la plus criante. On a l'habitude d'entendre de nombreuses choses sur l'Afrique à la télévision ou dans la presse, ici on sent tout le pittoresque et la justesse des descriptions.
Les personnages sont touchants avec leurs qualités et leurs défauts. Le lecteur parvient à ressentir leurs envies et cette longue attente qui les ronge, c'est sans doute pour cela que la deuxième partie est plus lente et plus monotone pour le lecteur comme l'a écrit Elya, avis que je partage.
Il n'en demeure pas moins que ce roman est une incursion intéressante dans ce monde où l'on risque sa vie pour atteindre l'Eldorado européen.
Attendre et espérer
Critique de Koudoux (SART, Inscrite le 3 septembre 2009, 60 ans) - 13 mars 2013
Espoirs et illusions!
La vie n'est guère plus facile et il ne faut pas décevoir la famille : envoyer de l'argent au pays reste une priorité.
Les femmes, mères ou jeunes épouses, attendent de leurs nouvelles : un appel téléphonique à défaut d'une somme mirobolante!
Ce roman va nous faire vivre cette attente avec ces femmes, jours après jours, mois après mois et même années après années...
Une magnifique lecture.
La polygamie et la place des femmes sur une île du Sénégal
Critique de Elya (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans) - 19 janvier 2013
Une illustration dans les premières pages, qui a aussi le mérite de bien résumer le roman : "Arame, Bougna, Coumba, Daba, des mères et des épouses de clandestins, comme tant d'autres ; toutes différentes, mais toutes prises dans le même filet de l'existence, à se débattre de toutes leurs forces. Chacune était la sentinelle vouée et dévouée à la sauvegarde des siens, le pilier qui tenait la demeure sur les galeries creusées par l'absence."
Le style de Fatou Diome est d'une fluidité exquise, tant dans la forme des phrases que dans sa façon de nous conter l'ordinaire ; un ordinaire qui m'est complètement inconnu, celui d'une terre où la polygamie n'a rien d'exotique et où le fossé inégalitaire entre les hommes et les femmes étonne par sa fréquence.
Cependant, la seconde partie de l'histoire baisse en intensité, dans le fond comme dans le style, qui s'épuise un peu. Est-ce dû à notre habituation ou au relâchement de l'écrivain ?
Je trouve que ce livre a toute sa place dans la sélection du Prix CL, si celui-ci a pour desseins de nous faire découvrir des écrivains français talentueux, simples et méconnus.
"Ceux qui nous font languir nous assassinent"
Critique de Miss teigne (, Inscrite le 6 mars 2008, 43 ans) - 4 janvier 2011
Cet homme est un fils, un mari ou un père à qui l’on a vendu des rêves de fortune et la quête ultime de sa dignité. Fasciné par le chant des sirènes venu d’Europe, il ne craint pas d’affronter les vents ni les tempêtes. A bord de son frêle esquif plein à craquer, il est ravi de quitter Charybde et ne se doute guère qu’il va bientôt rejoindre les tentacules de Scylla. Car la réalité est malheureusement tout autre que celle, étincelante, qu'on lui a présentée...
Fatou Diome nous livre un récit vibrant d’émotion qui fait la part belle aux femmes et à leur attente désespérée. Elle raconte avec éloquence ces Pénélope sénégalaises qui mettent leur cœur en jachère pour une période indéterminée. Mais toutes ces femmes sont-elles totalement à plaindre ou portent-elles également leur part de responsabilité dans l’ambition et l'aveuglement qui dévorent leurs hommes ?
« Celles qui attendent », c’est aussi la jalousie, la quête de la dignité, la solitude et un certain cynisme. Pour ma part, je suis restée scotchée dès les premières lignes, charmée tant par la superbe plume de l'auteur que par la profondeur du récit.
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