La maladie de la mort de Marguerite Duras
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un livre au coeur de l'innommable .
Et bien, pour moi, c'est un livre qu'on lit une fois. On s'arrête, et on reste là, immobile et songeur. Puis on le recommence, en s'arrêtant parfois, relisant certains passages. Finalement, on arrive vite à la fin, et même si on pense avoir saisi un peu plus de choses, on reste là, encore, à se demander. Se demander si on a compris. Parce que le texte en lui-même est simple, bien que magnifique, poétique. Mais on sent qu'il y a quelque chose de plus grand, de plus fort, derrière tout ça. En tout cas c'est comme ça que je l'ai senti, moi. Je ne saurais dire si j'ai aimé le livre ou pas. Il m'a laissé une étrange impression, comme une frustration.
« Vous devriez ne pas la connaître, l’avoir trouvée partout à la fois, dans un hôtel, dans une rue, dans un train, dans un bar, dans un livre, dans un film, en vous-même, en vous, en toi, au hasard de ton sexe dressé dans la nuit qui appelle où se mettre, où se débarrasser des pleurs qui le remplissent.
Vous pourriez l’avoir payée.
Vous auriez dit : il faudrait venir chaque nuit pendant plusieurs jours.
Elle vous aurait regardé longtemps, et puis elle vous aurait dit que dans ce cas c’était cher. »
Quand vous lisez ça au début du livre, vous ne savez pas encore à quoi vous attendre. Il y a cet homme, puis cette femme qui semble être une prostituée, mais qui est à la fois beaucoup plus que ça.
Rha non je ne peux pas expliquer, j'ai l'impression d'être un bègue qui récite de la poésie.
Les éditions
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La Maladie de la mort [Texte imprimé] Marguerite Duras
de Duras, Marguerite
les Éditions de Minuit
ISBN : 9782707306395 ; 7,00 € ; 31/12/1998 ; 60 p. ; Broché
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L'homme qui n'aimait pas les femmes
Critique de Stavroguine (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans) - 31 mars 2014
C’est l’histoire, d’abord au conditionnel, écrite entre elle et vous.
Vous devriez ne pas la connaître, l’avoir trouvée partout à la fois, dans un hôtel, dans une rue, dans un train, dans un bar, dans un livre, dans un film, en vous-même, en vous, en toi, au hasard de ton sexe dressé dans la nuit qui appelle où se mettre, où se débarrasser des pleurs qui le remplissent.
C’est sans doute parce que ce sexe est rempli de pleurs que vous allez vers elle et lui proposez de rester une semaine avec vous afin, dites-vous, de « tenter la chose, tenter connaître ça, vous habituer à ça, à ce corps, à ces seins, à ce parfum, à la beauté ». On notera le changement d’article : il semble que selon Duras, la beauté ne réside qu’en la femme. Femme que vous ne connaissez pas, car vous, vous ne « connaissez que la grâce du corps des morts, celle de vos semblables ». Alors, vous essayez, et durant une semaine, elle viendra tous les soirs, à la tombée de la nuit, pour s’allonger dans votre lit ; principalement pour y dormir. Car ce corps étalé, ce sexe offert, ne vous inspirent rien. « Vous n’aimez pas. » Tout juste les touchez-vous en leur refusant la jouissance, comme on procède à quelque expérience de chimie : quand on le frotte, il en « sort une eau gluante et chaude comme serait le sang ».
Et pourquoi votre incapacité à aimer la femme ? Parce que vous êtes diagnostiqué comme atteint de la maladie de la mort. « C’est curieux un mort », conclura-t-elle par deux fois quand au terme de ses questions, elle vous aura fait reconnaître d’abord que vous n’aimez pas les femmes, puis que vous êtes incapable d’aimer, même vos amants. « Jamais. » Comme le note Didier Eribon, on n’est pas si loin, ici, des discours homophobes classiques. Duras semble prôner une certaine supériorité de l’hétérosexualité, dans laquelle elle voit donc une source du seul amour vrai, du seul vrai érotisme, et même la source de la vie elle-même puisque vous, qui n’aimez pas les femmes, homme sans descendance, êtes atteint de la maladie de la mort, ne désirez que vos semblables, et ne pouvez en aucun cas être aimé du fait de « cette fadeur, de cette immobilité de votre sentiment » ; d’ailleurs, plusieurs fois, elle vous a inspiré des envies de meurtre : vous instillez la mort. Accusation qu’on lit avec d’autant plus d’effroi que le texte, publié en 1982, est écrit à une époque où l’on parlait encore du SIDA comme d’un gay cancer.
Et malgré tout, La maladie de la mort est une oeuvre magnifique. Elle se distingue des pamphlets par sa sensibilité et surtout sa beauté. Duras semble presque vous excuser — vous n’y pouvez rien — et vouloir vous aimer aussi, bien que vous ne puissiez pas l’être puisque vous êtes incapable de l’aimer elle. C’est une oeuvre amoureuse plus qu’une condamnation. L’amour d’une femme blessée, peut-être, et qui se venge de ne pas être aimée en vous décrétant incapable d’aimer, purement et simplement ; comme on traiterait de salaud celui qui vous rejette. Et c’est surtout une oeuvre d’immense talent. Chaque courte phrase est magnifique, et le rythme hypnotique, la déclamation, l’usage du « vous » et du présent portent le lecteur d’une traite d’un bout à l’autre du petit texte et le lui font relire. C’est un ouvrage infiniment précieux. Alors, c’est peut-être injuste de pardonner à Duras ce qu’on ne pardonnerait pas à d’autres au seul prétexte du talent. Mais de même qu’on admet d’une jolie fille qu’elle puisse être sotte sans pour autant cesser de la fréquenter, de même, on continuera de lire Duras pour sa plume si belle et si sensuelle, en faisant abstraction du sens des lignes qu’elle trace. Ou en en préférant un autre. Par exemple, l’hypothèse tragique que cet homme incapable d’aimer soit un maudit, un personnage fantastique, peut-être un mort, un vrai, un fantôme à la recherche de sensations qui ne lui sont plus permises.
Lecture erronée, peut-être. Mais qu’à cela ne tienne : Duras a fini d’écrire, et désormais, c’est moi qui lis. C’est mon livre ; pas le sien !
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