Les jeunes filles de Henry de Montherlant

Les jeunes filles de Henry de Montherlant

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Catinus, le 4 juin 2010 (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (24 418ème position).
Visites : 5 303 

Vous avez dit misogynie ?

Pierre Costals, écrivain de son état, aime la compagnie des femmes, cela ne fait aucun doute, mais il a une piètre opinion d’elles. Il répond à leurs lettres passionnées, uniquement quand il le souhaite ; à deux d’entre elles : Thérèse Pantevin qui se rebaptise en Marie Paradis et Andrée Hacquebaut qui habite Saint-Léonard ( Loiret ). Elles lui déclarent leurs flammes, souvent de façon bien maladroite, flammes qui se transforment en un incendie surtout de la part d’Andrée. Costals, lui papillonne ailleurs et est séduit par Solange : « sa conversation est plate comme un trottoir, et sa voix acidulée me fait mauvaise impression. Mais je suis attendri par ses petits pas de mule, quand elle marche à côté de moi « .
Malgré un avertissement sur deux des œuvres de Montherlant ( le cycle des jeunes filles, composé de quatre romans ) et de « La Rose des sables « , on sait que notre auteur apparaît, à la ville aussi, comme un sacré misogyne. Le roman est truffé de démonstrations – qu’il convient peut-être à relativiser, je vous en laisse seul juge, on pourra y trouver, par ailleurs, une tendance un peu trop machiste, pour notre époque … – sur le caractère peu accommodant de la moitié ( tout de même ! ) de l’humanité. En outre, il a des mots sévères, effroyables, sur le mariage et le couple ( dont acte ! ).
Voici un exemple de ce qu’il répond à Andrée : « J’ai une physiologie un peu particulière. Je ne désire : a) que des filles âgées de moins de vingt-deux ans ; b) que des filles passives, végétales ; c) que des personnes longues et minces, avec le cheveu couleur aile de corbeau ; vous voyez bien que vous n’êtes pas du tout dans les conditions requises. «
La lecture de ce roman m’avait déjà impressionné dans les années ‘ 70 et je suis ravi de l’avoir relu. Oups !

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Un livre sur l'amour selon les sexes quand il n'est pas partagé

8 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 52 ans) - 7 mai 2019

J’allais partir en vacances et devais choisir des livres à emporter. L’un d’eux fut « Les jeunes filles » de Henry de Montherlant. Parmi plusieurs titres possibles, j’emportai celui-ci, puisque je l’avais dans ma petite bibliothèque, me souvenant de critiques de lecteurs dans CL, plutôt favorables me semblait-il. J’avais dans la tête l’idée d’une histoire de jeunes filles au début du siècle dernier, qui seraient corsetées dans des conventions sociales rigides et sexistes (en réalité, je m’aperçus ensuite que j’avais confondu avec un autre livre.. ce qu’on croit est souvent trompeur !). Donc je le pris et je le lus durant mes petites vacances. Je l’ai commencé en ayant peur de m’ennuyer, vu le thème et l’époque mais peu à peu, j’ai apprécié de mieux en mieux.

Je ne connaissais Henry de Montherlant que de nom. Il était à une époque très connu. Il semble plutôt oublié aujourd’hui. Avec ce roman, j’ai découvert un auteur à la plume dense, fouillée, profonde, caustique, puissante, capable d’une grande diversité de style. Véritablement un auteur avec des facilités intellectuelles.

Ce livre qu’il a écrit, qui est le premier d’une série de quatre, est un peu bizarrement construit, mêlant échanges épistolaires, récits, carnets et narration classique. Il traite, selon moi, de la problématique des rapports hommes/femmes, un livre sur l’amour selon les sexes et sur ses douleurs quand il n’est pas partagé ou quand il est recherché, parfois désespérément. Tout le monde, à un moment ou un autre de son existence, a été dans cette recherche-là (ou y est encore !) Dans ce livre, l’homme a plutôt le beau rôle (celui d’un salaud, d’un misogyne, diront certains ?) et la femme (du moins certaines femmes) plutôt celui de victime, quoique ce soit à nuancer.

C’est l’histoire de jeunes femmes sans charmes particuliers, pauvres et provinciales qui entretiennent des relations par lettres avec Pierre Costals, un homme de la haute société, riche et célèbre, écrivain de grand talent (un double de Montherlant ? Celui-ci s’en défend dans une note en forme d’avertissement placée avant le début du roman). Dans ces relations épistolaires, elles expriment l’espoir de relations plus intimes, plus amoureuses, mais Costals (qui ne répond pas à toutes leurs lettres) ne s’y engage jamais, veut bien leur fournir quelque aide ou les conseiller mais sans vouloir jamais aller plus loin qu’elles l’auraient voulu. Lui désire plutôt les jeunes et jolies parisiennes, dans l’unique but de s’amuser, de profiter de la vie, en hédoniste convaincu. De là, des considérations sur l’amour qui sont échangées entre ces femmes et cet homme, plutôt intéressantes, parfois brouillonnes, mais qui me paraissent maintenant démodées, surannées, et même sexistes ! Dans le même temps, l’auteur y ajoute une analyse critique de l’état social du milieu riche de ce temps, dont le personnage principal, Costals, fait partie (et Montherlant aussi ?).

C’est suffisamment curieux et intéressant malgré l’aspect daté pour que je songe à en lire la suite, à commencer par « Pitié pour les femmes ».

Liaisons dangereuses, façon Belle Epoque

6 étoiles

Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 8 décembre 2018

Pierre Costals, écrivain à succès, est confronté aux fantasmes de lectrices qui ne connaissent de l’amour que ce qu’elles en ont appris dans ses romans. Harcelé de lettres, le silence avec lequel il répond ne suffit pas toujours à les décourager dans leurs épanchements... Pire, Andrée qu’il a reçue et emmenée au restaurant lors de son passage à Paris se convainc qu’il est amoureux d’elle mais refuse de reconnaitre ses sentiments. Dans sa misogynie cynique, Pierre préfère les filles jeunes et jolies qui ne l’embêteront pas avec leurs prétentions intellectuelles et fuit toute idée de mariage.
Cynisme, ironie… cette description du libertinage et des rapports entre les sexes, partiellement sous forme épistolaire, n’est pas sans rappeler les liaisons dangereuses, et comme pour Laclos on a pu reprocher à Montherlant son ambiguïté, entre dénonciation et apologie.
Ceci étant, j’ai trouvé le livre assez ennuyeux…

Des rapports hommes-femmes

8 étoiles

Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 47 ans) - 19 avril 2018

Il est tentant de réduire Montherlant a ce qu'il semble le caractériser au travers de son héros Costals: un infâme misogyne arrogant, beau parleur, sans véritable génie mais employant son talent indéniable à pervertir les jeunes filles qu'il aime séduire. Or, il me semble que cet auteur est bien plus que cela. Tout d'abord, son style, impeccable, son originalité aussi, la forme de la narration est particulière qui varie entre le genre épistolaire, les scènes décrites au présent, apportant beaucoup d'action dans le récit, les réflexions semblant sortir directement du cerveau de Costal ; enfin son humour qui révèle une belle intelligence.
Oui, Montherlant est tout cela et pourtant il n'a pas acquis la notoriété qui lui est due. Qui le lit aujourd'hui? Remplacé par des auteurs consensuels mais peu regardant sur le style qui est la littérature...sale époque tout de même qui juge à l'emporte-pièce.
La misogynie, puisqu'aujourd'hui c'est le principal grief qu'on fait à sa série des Jeunes filles, parlons-en. Qui des hommes ou des femmes sort grandi de ce roman? Les hommes, incarnés par Costals qui feint le détachement, s'amuse de ses conquêtes pour s'en moquer ensuite. Ou les femmes qui ont le courage de s'ouvrir, de se donner, de défier l'ordre social des années 20? Ce récit est bien plus complexe qu'on pourrait le supposer et je demande à tous les potentiels lecteurs de ne pas s'arrêter à cette lecture superficielle d'un roman bien plus complexe qu'on peut généralement le dire.

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