Sur la musicalité du vide, tome 2 de Matthieu Gosztola

Sur la musicalité du vide, tome 2 de Matthieu Gosztola

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Bovemma, le 19 février 2010 (Inscrite le 19 février 2010, 36 ans)
La note : 5 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 3 étoiles (55 668ème position).
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Un recueil sur la perte du père.

"Mettre le feu à notre vie
Pour que la partie qui ne brûle pas
Nous apparaisse."
Les poèmes sont brefs, sonnent parfois comme des aphorismes.

Mais ce qui ressort le plus de ce recueil, c'est un chant d'amour et de tristesse adressé au père disparu.

La présence de ce père était seulement esquissée dans le premier volume de Sur la musicalité du vide : "Il n'y a jamais assez de tendresse
Pour un homme rongé par l'idée du dernier voyage."

Elle prend peu à peu dans ce second opus, au fil des pages, toute la place.

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Comment faire résonner le vide de la page pour que la poésie soit musique ?

10 étoiles

Critique de Kikounou (Paris, Inscrite le 21 juin 2010, 57 ans) - 21 juin 2010

Matthieu Gosztola est un jeune poète contemporain né au Mans en 1981. Après une enfance consacrée à la
musique, il fait des études de littérature et de sciences humaines. Il enseigne à présent au Mans et à Paris la
littérature. Il se met à écrire après la mort de son père pour « lui rendre justice, terminer ce qu’il n’avait pas eu
le temps de terminer. » Professeur de lettres en Hongrie, son père avait commencé un travail d’écriture mais
« il n’a pas fait la démarche pour publier. »
Le deuxième volume de Sur la musicalité du vide, paru en 2003 aux éditions de l’Atelier de l’Agneau,
est son troisième recueil. Celui-ci obtient le Prix des Découvreurs 2007 ex-aequo avec Ariane
Dreyfus : Matthieu Gosztola est le plus jeune poète à recevoir ce prix. Il est aussi le plus jeune
auteur à avoir été publié dans la revue littéraire Caravanes dirigée par André Velter
qui, lui-même, compare le poète à Rimbaud dans l’avant dernier numéro de sa revue
annuelle, annonçant qu’il s’inscrit « en faux contre la mort de la poésie ». Il est souvent
appellé le « Rimbaud de la poésie contemporaine... »

La poésie est visuelle, c’est évident, puisqu’on lit, mais elle est aussi sonore. Quand on lit, on entend.

La lecture de Sur la musicalité du vide 2 est plutôt originale, le texte étant construit par une succession de fragments décalés, de phrases qui se lisent comme une partition de musique, « c’est-à-dire comme une suite de mesures superposant différentes lignes musicales essentiellement destinées à faire entendre ce silence où retentit plus que dans les mots eux-mêmes [...] cet appel impuissant que nous adressons aux êtres comme aux choses. » (Georges Guillain in www.ville-boulogne-sur-mer.fr : directeur du prix des Découvreurs). Chaque mot se voudrait être ainsi une note de musique rythmée par le vide, le blanc de la page. Les mots, en tant que notes font ainsi raisonner ce vide. En effet, le titre Sur la musicalité du vide laisse entendre la fonction de ce vide entre les vers : il confère une musicalité aux mots, les ponctue (ce qui explique la quasi absence de ponctuation). Ainsi, la lecture est rythmée par la spatialisation du poème. On peut parler ici de spatialisation sonore de la poésie qui est centrale à la notion d’ambiance : le blanc de la page met une ambiance à notre lecture, une ambiance qui dépend de la façon dont sont placés les mots dans l’espace de la page. Le poète arrive donc à mettre en espace des sons, une musicalité, il restitue ou crée une sorte de relief sonore grâce à la disposition des mots sur la page blanche.
Le blanc de la page est une métaphore du vide, ce vide qui fragmente la lecture, lui confère une certaine lenteur, des pauses, des silences. En musique, il est facile de remplir une partition, mais c’est plus difficile de tenir une émotion dans un silence, une pause. Et, quand on lit les mots, parcourt les pages, on entend les silences et ressentons des émotions qui nous sont propres et qui n’apparaitraient sûrement pas sans ces silences. Le poème nous apprend à entendre, à ressentir les choses d’une façon unique. La page blanche est silencieuse, les mots viennent heurter ce silence, cette uniformité, ils y font du bruit et y résonnent, ils s’imposent par leur sonorité mais aussi leur sens. Les mots possèdent une musicalité qui leur sont propre, celle-ci est indescriptible tant elle est personnelle à chacun. Le poète arrive à transmettre une émotion musicale par les mots dans le vide de la page, une émotion ineffable où chacun entend sa propre musique du poème, crée sa propre partition.

La fragmentation des phrases reflète la diffusion, la réverbération, l’echo des mots qui se répandent dans le vide de la page, dans le silence, comme des ondes ou un bourdonnement : « Le bourdonnement du silence / adopte les abeilles » (p. 50).
La construction du recueil peut aussi être vue différemment. Au delà de la partition musicale, le poème peut être lu et vu comme un chant d’amour d’un enfant pour son père défunt (en sachant que Matthieu Gosztola à fait de la musique pendant son enfance). En effet, la construction du recueil ressemble au hoquet successif d’un enfant sur la page. Ainsi, la mise en page reflète son émotion, sa détresse, son bégaiement, sa volonté chaotique de créer des phrases qui s’éparpillent : « Tes yeux / me poussent à te parler / avec des rangées de silences / et à les faire tomber dans ta main / comme des noisettes » (p. 57), les « rangées de silences » font penser aux fragments de phrases parsemés dans le silence de la page. L’ombre que le poète cite serait son père à qui il s’adresse entre les lignes. Le mot « Papa » est très récurrent surtout vers la fin du recueil, il apparait au début des phrases, comme lorsqu’un enfant s’adresse à son père. Le poète tente de se retrouver lui même à travers ce soliloque, car selon moi, l’enfant ne s’adresse pas véritablement à son père mais à lui-même, il creuse en lui, « racle la terre ». Toute la fin du recueil remet en scène la mort prématurée du père disparu.

Il cite aussi à plusieurs reprises un phare, qui est un repère que l’on suit pour ne pas se perdre. L’enfant tente de suivre un chemin, il se cherche tout autant qu’il cherche son père. L’enfant est en quête de ses origines : « il n’y a pas de place là-haut / pour ceux comme toi / qui n’ont pas fini leur vie / mon père, j’irai nous chercher » (p. 61) ; « je cherche à trouver en moi / ce qui me distingue de toi » (p. 59). La mort de son père est d’ailleurs un des éléments déclencheur du désir d’écriture de Matthieu Gosztola. La mort donne naissance aux mots, à la création poétique : « Papa / en mourant / tu m’as donné une grande claque / dans le poème » (p. 53)

« La façon dont on dispose les mots sur une page doit être condidérée comme une autre grammaire. Les
arrangements visuels des mots sont aussi intéressants, aussi importants que les arrangements auditifs. » (Michel Butor)
Un poème se regarde, se lit d’abord dans sa globalité. C’est la première approche du lecteur avec la mise en page qui donne du sens au poème. Il faut donc voir celle-ci comme une mise en espace qui confère une configuration visuelle au poème. Cette mise en page comprend la disposition des mots mais aussi le blanc de la page qui dépendent l’un de l’autre : le blanc de la page donnant du sens et de l’importance aux mots autant que les mots mettent en évidence la totalité de l’espace dans lequel ils s’inscrivent. La mise en page crée du sens, elle crée le poème : la forme donne ainsi du sens au contenu et le définit. Elle nous permet de créer du sens sur ce que l’on voit, de comprendre et d’entendre la sonorité des mots et c’est cette sonorité, cette résonnance du mot dans le vide qui fait le poème. S’il n’y avait pas de blanc, de vide, il n’y aurait pas de poème. La mise en page est donc indissociable du poème puisqu’elle le crée à travers notre regard et contribue ainsi à la définition et à l’identification de la poésie.

Le rythme de lecture dépend des blancs et de la disposition des fragments de phrases sur la page. La mise en page fragmentée ralentit la lecture, on peut l’appeler « mise en rythme » du poème. Comme sur une partition, la disposition des notes signife leur durée, on peut y rajouter des silences. La lecture suit le rythme de la respiration : on respire davantage quand on lit de la poésie que quand on lit un autre texte. La lenteur est confortable, agréable, on prend le temps de lire, de regarder la page, on relit aussi parfois. On regarde la page plus longtemps que si on lisait un roman. Notre rapport à la page est donc très différent car nous suivons un rythme qui n’est pas habituel : nous réaprenons à lire. Le poète lance ainsi une invitation à la lenteur, à avoir un regard sur la page mais aussi sur soi-même en tant que lecteur. Matthieu Gosztola nous donne à voir quelque chose d’indéfinissable.

La page est un espace scénique où les mots peuvent s’exprimer, où leur place prend une importance dans l’appropriation du poème. Quand on tient le livre ouvert, il ne faut pas voir deux pages mais mais une seule et unique scène offrant à nos yeux des allers-retours entre les différents fragments de phrases que nous essayons de relier. Et parfois, certaines phrases qui se font face ne peuvent faire qu’une, reliant les deux pages et troublant notre lecture classique du livre. Par exemple, aux pages 22 et 23 : « Je ramasse la clé » fait face à « pour que son bruit de chute soit gommé du poème », ce qui forme si on les réunit : « Je ramasse la clé pour que son bruit soit gommé du poème. »
La disposition des mots sur la page nous donne l’impression que tel mot doit être là, qu’il a sa place mais on ne sait pas pourquoi. Comme la musique, chaque note est mise au bon moment dans l’espaces sonore et temporel. Le mot, tout autant, est bien placé dans le vide de la page. La mise en page semble réfléchie mais elle peut aussi être régie par le hasard, on ne peut le savoir. On peut alors se demander si le poète cherche à se faire comprendre ou non, à donner du sens en mettant un mot à tel endroit. La lecture, c’est tout d’abord un regard, notre regard personnel et non universel. Il n’y a pas de lecture préétablie du poème autant qu’il n’y n’y a pas qu’une seule façon de voir un tableau. Le lecteur regarde, voit les mots qui dessinent la page. Le mot est avant tout une empreinte visible. Matthieu Gosztola fait apparaître de simples traits (p. 25 et 44), comme des mots couchés à plat. Ces traits renforcent la dimension picturale du signe, ils renvoient au dessin, ce qui contamine de fait l’ensemble du recueil. La visibilité l’emporterait sur le sens et la lisibilité. Faut-il chercher du sens dans le poème ? N’est pas pas un art qui consiste à voir des mots plutôt qu’à les comprendre ? Il y a t-il vraiment une lecture ? Une compréhension ? Si ce n’est un regard, un ressenti, une émotion face à une mise en page, une construction, un dessin de mots. Faut-il alors sacrifier la lisibilité pour la visibilité. On crée néanmoins du sens dans ce qui n’en a pas a priori. Le poète ne cherche pas à se faire comprendre, il invite les lecteurs à voir ce qu’ils ont envie de comprendre. Il n’y a pas de sens unique sur la route de la poésie : « La poésie n’est pas incompréhensible, elle est inexplicable » disait le poète Octavio Paz.

Le lecteur crée du sens avec son regard et son oreille. Chaque personne entend un son différent et voit ce qu’il entend. Le signifiant graphique dans l’écriture poétique, c’est s’approprier le mot en tant que forme visuelle et chacun peut voir et comprendre quelque chose de différent avec tel ou tel mot. Le lecteur peut ainsi créer, émerger du vide, de son inconscient, réaliser quelquechose d’unique en essayant de rejoindre des fragments de phrases, des mots, qui a priori n’ont aucun sens. La lecture fragmentée s’élabore étape par étape, le regard du lecteur tente de relier ces fragments. Ainsi, on fait une interprétation du texte, on se l’imprègne, se l’approprie pour en faire notre propre création, notre propre signification qui se rapproche de notre existence, de notre vécu et de ce qu’on est capable d’imaginer : ce qui est propre à nous. La lecture se veut ainsi personnelle et intraduisible. On ressent une émotion unique car il y a un retour sur soi-même. Par exemple, « J’ébruite de la terre / sur un miroir : un sentier » (p. 24), ce sont les seuls mots présents sur la page et on a beau se creuser la tête, ça n’a aucun sens, aucune logique, mais il est clair qu’en poésie, rien en sert de chercher à comprendre, d’analyser, de chercher un sens commun car il n’y en a pas, libre à vous d’imaginer une image, de repenser à un souvenir, de ressentir quelque chose, de créer une émotion et un sens personnel aux mots. On peut donc voir la lecture comme un acte de création et non de compréhension totale : chacun peut voir des formes différentes, des zigzags, des flèches, des ascendances... comme une sorte de calligrammes imprécis et purement imaginatifs, des calligrammes abstractifs et non figuratifs. Les textes de Matthieu Gosztola sont sibyllins, insaisissables voire énigmatique, mais cette obscurité nous oblige à créer notre propre interprétation plutôt que de se contenter de phrases toute faites.

Notre lecture peut être plurielle, différente. Le sens conventionnel de lecture peut être enfrunt, c’est à dire qu’on peut lire à de haut en bas mais aussi de bas en haut dans certains cas comme par exemple à la page 13 : « Je me frappe le sexe / avec une pierre / et regarde le toucan / il détourne ses couleurs » peut aussi se lire : «Il détourne ses couleurs / et regarde le toucan / avec une pierre / je me frappe le sexe », il y a deux effets produits qui diffèrent selon le sens de la lecture : soit une descente vers les aigus ou une élévation vers les graves. Mais cette interprétation du sens de la lecture est purement subjective, libre à vous de la réfuter. La disposition du texte nous permet de percevoir, de créer un son différent à notre oreille selon le sens de notre lecture, un sens qui n’est nullement imposé. Le lecteur est libre de commencer par tel ou tel fragment. Le poète nous invite à imaginer, voir et entendre librement. La liberté est une notion importante dans cettre poésie qui se délivre de toute contrainte formelle et conventionnelle.

La page est donc un espace d’expression libre, original et individuel du poète mais aussi du lecteur qui fait acte de création en lisant. Le poète offre quelque chose au lecteur qui crée sa propre émotion, sa propre sensibilité, qui recrée le poème. Le poème renait à chacune des lectures qui sont faites.

La poésie de Matthieu Gosztola, comme tout autre poésie, est un art, une création du corps et de l’esprit qui en suscitent d’autres à travers le regard du lecteur. Le poète est un artiste qui transmet une émotion, il est un peintre, un sculpteur. Par ailleurs, l’épigraphe du recueil rappelle la notion de sculpture et donc de création artistique : « Quel bloc de mots tailler / pour exprimer comment je vais ? La langue ne donnera jamais que de ses nouvelles » (p. 11).

Le vide de la page symbolise la conscience du lecteur, son silence, son attention, dont l’uniformité vient être perturbée par le mot. Le silence de la lecture est ainsi heurté par la musicalité, le son du mot. Le lecteur entend le tintement des notes, des mots dans sa conscience et le poème est la résultante de ce tintement. La page se voudrait donc être une métaphore spatiale de la conscience.

« Dieu est une araignée / le bruit est une illusion / que procure notre existence / une toile de silence recouvre tout » (p. 46). Nous voulons combler le vide par du son, nous parlons, nous nous sociabilisons, croyant vivre des choses ensemble, partager des choses, que c’est important alors qu’en fait, nous essayons de combler le vide de notre existence, le néant qui est en nous. Nous sommes tous confrontés au vide, au silence et on essaie de le combler. On a tous peur du vide comme de la mort. Le vide, c’est la solitude, l’homme ne veut pas être seule, il a besoin d’autrui bien qu’il ne puisse le comprendre. Les textes sont fragmentés, interrompus ou non, il y a des lacunes (dont le mot apparait sur la page de titre du recueil) : l’homme est parsemé de lacunes et doit vivre avec, sa mémoire est sélective, sa conscience refoule, son inconscient est indicible... Ce vide peut aussi être une métaphore de notre rapport à autrui, qui est tout aussi chaotique que notre rapport à nous même. Nous ne pouvons nous définir, notre conscience est un néant qui cherche à se remplir de plus en plus et nous ne connaissons pas les autres pour autant, on ne peut pas tout comprendre, parce qu’on ne peut pas lire dans les pensées des autres. La musicalité du vide peut être aussi la musicalité de l’autre : les mots font résonner le vide, les mots nous aident à nous faire entendre d’autrui, à résonner en eux autant qu’ils résonnent en nous, nous font écho de notre propre existence, nous renvoie à nous même.
Les thèmes abordés sont divers : l’amour, la nature, la mort, les insectes, les douleurs de la sexualité mais aussi et surtout la mort prématurée du père qui est très présente à la fin du recueil lorsque le « je » du poète (ou de l’enfant) s’adresse à cette « ombre ». Avec quelques fragments détachés de la réalité, on reconstitue tout une histoire.

Le vide peut donc aussi faire référence à la mort et au silence qu’elle implique. La mort est silencieuse autant pour la personne qui vient de mourir que pour l’autre qui la perd. On parle peu quand il est question de la mort de quelqu’un, comme une sorte de respect, nous avons des « minutes de silence », des enterrements silencieux et couverts de noir. La mort de quelqu’un qui nous est proche nous plonge dans le silence, un vide qui nous aspire ou nous inspire. Matthieu Gosztola semble s’inspirer de ce vide, de ce silence : « Papa / pour vivre / j’ai trouvé le moyen / je m’appuie au silence / que chaque jour tu me lègues / j’y trouve des jonquilles » (p. 63), « Papa / aucune étendue au monde / ne pourra accueillir le silence / que tu m’as laissé » (p.65). Le balancement de la vie à la mort est très présent dans ce recueil : « Un cheval à bascule se déplace imperceptiblement / de la naissance à la mort » (p. 22). Du néant peut rejaillir les mots, de la mort on peut renaître, se réincarner, c’est ce qui clôt par ailleurs le recueil : « Ma réincarnation / je choisis un oiseau blanc / pour ne pas commettre d’ombre / sur l’ombre de mon père / Je choisis » (p. 68-69).

Autre idée qui ressort : le texte est parsemé de phrases brèves qui s’apparentent à des aphorismes, des formule isolées qui résument une pensée et se suffisent à elles-même, c’est à dire qu’elles n’ont pas besoin d’une autre phrase pour être lues ou comprises. L’aphorisme est autosuffisant. Il est énigmatique, on peut l’interpréter differemment, l’auteur provoque ainsi le lecteur et le force en quelque sorte à réfléchir au delà de sa conscience, à chercher au plus profond de lui. La pensée de l’auteur provoque d’autres pensées, il exhorte le lecteur à accoucher sa pensée, l’invite à un travail de réflexion. « Grâce à sa forme brève, l’aphorisme impressionne l’esprit et se retient facilement. Il constitue, pour ces raisons, un des plus sûrs moyens de perpétuer les pensées. » La brièveté de ces aphorismes attire le regard du lecteur et touche sa façon de penser : elle remue sa conscience, ouvre une porte vers de nouvelles perceptions, de nouvelles interprétations. L’aphorisme n’est nullement définitif, il est un commencement, un départ qui nous mène là où l’on souhaite, qui nous offre la possibilité de penser autrement. Les phrases n’affirment aucune vérité, c’est le lecteur qui construit sa propre vérité, ce qui renvoie à la notion de créativité de la lecture du poème.

Quelques aphorismes repérés dans le recueil : « La nuit cherche en nous / un lieu / où se froisser » ; « l’homme attend pour plonger / que son ombre soit prête » p. 18 ; « la solitude est une rupture du commencement » p. 20 ; « On connaît le corps de l’autre / jusqu’à ce qu’on se serre dans ses bras » p. 28 ; « on n’acquiert une connaissance intime de la ville / que la nuit» p. 37 ; « En frappant ton père / tu dé / figures ta propre vieillesse » p. 52 ; « Il n’y a pas d’autre parfum / que celui d’un souvenir qu’on retourne sans cesse / après l’avoir sorti de terre » p. 56 ; « Le phare se nourrit de notre nuit / pour exhaler le paysage » p. 62.

Sur la musicalité du vide 2 met en avant la notion de spatialisation des mots sur la page, un usage courant dans la poésie contemporaine issu d’ Un coup de dé jamais n’abolira le hasard de Stéphane Mallarmé.

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