Descendants droits et tordus d'Ulysse

Je me souviens du début de la collection Librio : c’était le lancement du livre à prix discount mais à contenu à haute valeur ajoutée puisqu’on y trouvait des classiques pour 2 francs si mes souvenirs sont bons. Celui que j’ai entre les mains, 100 Héros de la littérature, m’a coûté 3 euros. Autres temps…
Le titre est assez clair et, comme toute collection ou best of, le choix des personnages est forcément subjectif même s’il en vaut bien un autre. Evidemment, certains choix sont sujets à discussion. Si Ulysse, qui ouvre la liste, peut être considéré comme le père de tous les héros en ce sens qu’il en constitue l’archétype – Hector, Ajax ou Priam ont de la gueule aussi mais c’est à Ulysse qu’Homère consacre sont Odyssée – on peut s’étonner que Lancelot ait été choisi plutôt qu’Arthur ou D’Artagnan plutôt qu’Edmond Dantès.
On a peine à imaginer la difficulté à considérer tel personnage de Balzac, Zola ou Dumas, écrivains à la production gigantesque où les personnages pullulent, comme étant le héros le plus représentatif, le plus symbolique, celui que l’on retient et qui synthétise tous les autres. Hercule Poirot est-il plus légitime que Miss Marple et Holmes plus évident que Watson ?
Ce qui amène tout naturellement à la question : qu’est-ce qu’un héros ?
Loin d’y répondre, ce petit bouquin ne propose que des pistes de réflexion. Je me souviens de mon sujet de BEPC blanc (ça existe encore ça ?) traitait de ce problème. Je me souviens aussi m’être lamentablement vautré en voulant esquiver la question.
Je l’ai dit, Ulysse semble le modèle initial du Héros : sens du devoir et du sacrifice, courage physique, charisme, astuce, beauté, intelligence, ténacité à toute épreuve… On pourrait continuer longtemps et aller jusqu’à envisager des caractéristiques comme grosse bite, étalon, picole sans être bourré et blagueur TOUJOURS drôle !! Ulysse est LE héros positif, celui qui réussit ce qu’il entreprend, qui va au bout, qui fait l’unanimité et qui passe la plus grande épreuve : l’épreuve du temps. Trente siècles après Homère, Ulysse fait toujours rêver !
On se demande donc quels points communs il peut y avoir entre l’inventeur du cheval de Troie et Ferdinand Bardamu, personnage en tout point opposé du roman de Céline, Voyage au bout de la nuit. Le Héros pourrait donc être également un personnage négatif, sombre, le contraire d’un modèle ?
Le fait que le Héros soit souvent le personnage principal joue bien évidemment un rôle et il faudrait un jour se lancer dans les 100 faire valoir des héros de littérature pour y voir plus clair. Le Héros se pare donc des atours de l’exemple à ne pas suivre. Il peut être antipathique, méchant, violent, menteur, tricheur… Il sert alors de catharsis, d’exutoire, de mise en avant de la noirceur de l’âme humaine. Il est alors tout aussi salutaire que le Héros lumineux car, qu’il repousse cette voie ténébreuse ou qu’il y sombre (j’ai l’impression de parler de Star Wars là…), il incarne tout autant l’Humanité et la met fasse à ses choix.
Voyez Patrick Bateman, le Héros d’American Psycho ; c’est assurément le genre de type que personne n’a envie de croiser la nuit. Le jour, c’est un golden boy qui paraît tout ce qu’il y a de plus normal et le soir, un tueur psychopathe qui ne connaît pas le remord ni la culpabilité. Il est le reflet de son époque, son incarnation, non un modèle ni un anti-modèle. C’est une chimère, l’agglomération des horreurs, des aberrations, des frustrations d’une époque et d’un lieu : les années 80, les années fric aux USA.
Bref, on pourrait poursuivre le débat sur de très nombreuses lignes encore sans arriver à une conclusion satisfaisante.
Autre intérêt de cette sélection, l’ouverture sur des Héros récents. En effet, si les Classiques sont nombreux et semblent n’avoir plus rien à prouver, qu’en est-il des Bridget Jones, Harry Potter et autres Lisbeth Salander (l’héroïne de la trilogie Millenium pour ceux qui habitent Mars) ? Si je me fais peu de soucis pour le petit sorcier parce que les contes feront toujours partie de l’enfance et plus, je reste partagé sur le destin de Bridget Jones, personnage un peu trop frêle d’un point de vue littéraire et, de plus, classé dans une case très étroite, celle de la chick lit, soit la littérature des poulettes en bon français marketing.

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  100 héros de la littérature [Texte imprimé] guide présenté par Catherine Fruchon-Toussaint

  de Fruchon-Toussaint, Catherine
  Librio / Librio (Paris)
  ISBN : 9782290015315 ; 3,00 € ; 09/09/2009 ; 125 p. ; Poche

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