Splendeurs et misères du travail de Alain de Botton

Splendeurs et misères du travail de Alain de Botton
(The pleasures and sorrows of work)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Essais , Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Saule, le 30 août 2009 (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 58 ans)
La note : 8 étoiles
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Réflexions sur le travail

Dans ce livre, de Botton analyse avec humour et un sens de l'observation très affûté une dimension importante, avec l'amour, lorsqu'il s'agit de donner un sens à notre vie : le travail. Le livre est organisé en dix chapitres, chacun consacré à un métier: ça commence avec les gros navires qui arrivent dans un port industriel sur la Tamise, et l'incroyable logistique mise en place afin de réaliser chaque jour l'exploit de trouver toute sorte de produits dans nos supermarchés. A titre d'exemple, l'auteur fait le pari de détailler toute les étapes entre le moment où un thon est pêché et le moment ou une ménagère anglaise le cuisine le soir pour sa famille: c'est édifiant!

Il y a aussi un chapitre sur la fabrication de biscuits, le plus réussi peut-être. L'auteur visite une entreprise, United Biscuit, qui emploie cinq milles personnes afin de "cuisiner" les biscuits! On se doute que la plupart des fonctions n'ont pas grand chose à voir avec la cuisson des biscuits proprement dite! Cette spécialisation trop accrue du travail a créé un vide et une perte de sens (l'utopie de Pareto). D'ailleurs, ironiquement, c'est pour combler ce vide que des spécialistes marketing planchent sur des nouvelles sortes de biscuits qui serviront à nous réconforter lorsque ce vide se fait sentir!

Un chapitre est consacré à l'orientation de carrière. Une leçon de ce chapitre est de mettre en évidence notre besoin de donner un sens à notre travail. On nous présente souvent l'homme comme égoïste et poussé par son propre intérêt, cependant il reste en nous un besoin de contribuer au bien commun, ce qui est difficile vu la division du travail et la perte de sens qui va avec. de Botton parle aussi ici du choix d'une carrière, de la notion de vocation et notre désagréable impression de l'avoir ratée. Cette sensation d'échec résulte aussi d'une fausse idée reçue comme quoi tout le monde pourrait se "réaliser" dans la vie professionnelle, ce qui est faux et donc engendre un sentiment d'échec lorsque ça ne se réalise pas.

Un chapitre est consacré à la comptabilité, l'auteur s'est immergé dans une grande société d'audit à Londres, et il analyse la vie de bureau avec humour (le bureau est l'endroit ou le sexe est "démonisé", tout comme à l'époque ancienne dans les couvents, et pour la même raison: car le sexe risque de détourner du culte au Dieu qui y est honoré). Dans un chapitre sur les satellites, l'auteur réfléchit à notre rapport à la science high-tech, on comprend que si au 18ème siècle la nature jouait un rôle important en inspirant un respect craintif, ce rôle est maintenant repris par la science (la nature étant devenue un objet de pitié). Dans le dernier chapitre, consacré à l'aviation, l'auteur relate avec plein d'humour un salon de l'aviation du Bourget. Devant un cimetière d'avions, il parle aussi du caractère éphémère des choses, à travers une réflexion magnifique sur la nostalgie que nous inspire les ruines.

Bref, ce livre est un régal, amusant et détonateur d'une judicieuse réflexion sur le travail, son rôle comme dérivatif à l'anxiété existentielle. L'auteur touche souvent des points sensibles avec légèreté, et il est amusant à lire. D'un point de vue personnel, j'aime beaucoup les livres de de Botton. Je me retrouve souvent dans ce qu'il écrit, et quoique ce soit parfois frustrant, j'y trouve le plaisir de trouver des mots sur des choses que je sens confusément sans parvenir à les exprimer clairement. Par exemple, dans ce livre, de Botton commente une superbe peinture de Hopper dont j'ai la reproduction dans ma cuisine, et il parvient à m'expliquer mon étrange fascination pour cette peinture. C'est d'autant plus remarquable que dans un autre de ses livres, l'Art du voyage, il faisait une digression sur une autre peinture de Hopper (Automate) dont j'ai aussi la reproduction dans ma cuisine (pourtant je n'ai que deux reproductions dans ma cuisine!).

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