Les battements du monde de Alain Finkielkraut, Peter Sloterdijk (Co-auteur)
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Philosophie pratique
Les deux philosophes se sont rencontrés plusieurs fois lors des mois qui ont suivi les événements du 11 septembre 2001. Ce livre rend compte de leurs entretiens.
Les compères s’attachent moins à la radiographie ou à la genèse de l’événement qu’à interroger la diversité des réactions qui ont suivi, aux USA (située pour eux du côté de l’action) et en Europe (du côté de la culpabilité, de la pensée). Alain Finkielkraut cache difficilement son enthousiasme pour l’invasion des USA en Irak au lieu de revenir sur la pertinence de cette guerre-là (du moment qu’il y a de l’action, semble-t-il dire). Dans le même ordre d’idées, A.F. s’attache à démontrer qu’on n’accepte pas la toute-puissance d’Israël, passée de nation persécutée à une nation persécutrice, aux yeux de certains sans analyser en quoi on peut critiquer sa position face à la Palestine. Peter Sloterdijk m’a semblé plus nuancé, moins obstiné et plus hétéroclite (dans ses références) qu’A.F. qui joue systématiquement Levinas contre Sartre.
En conclusion, l’impression que les deux penseurs manquent un peu du recul qu’on serait en droit d’attendre de philosophes de leur réputation et prennent en otage l’actualité (A.F. surtout) pour mettre en avant leurs marottes.
Malgré les réserves signalées ci-dessous, les deux auteurs nous surprennent ponctuellement par des sorties qui font justement réfléchir. Je vous en soumets quelques-unes.
PS : "La tragédie de notre époque émane de cette apparition provocante, voire obscène du Juif non impuissant. La force juive, c’est quelque chose qu’on ne supporte guère."
La seule chose qui nous préserve de l’idéologie, écrit Levinas, c’est la surveillance du général à partir du particulier. »
AF :« La philosophie du métissage est l’hymne que le narcisse contemporain a écrit à sa gloire, et à sa solitude. »
PS : "Un événement isolé, ce n’est rien : seule la répétition livre la preuve qu’on a vraiment eu à faire à une fatalité, ou mieux, à une nécessité. »
AF à PS: "dans une interview donnée à un allemand sous le titre l’homme demi-lune, vous y expliquiez que l’existence humaine implique toujours une dimension d’inexistence et que, tandis que notre volonté se confronte à la réalité dure et claire, l’autre reste détournée plongée dans la nuit et l’absence."
PS : "Nous voyons aujourd’hui la fin de la psychologie : les démons se transforment en adversaires réels."
AF : "Albert Camus distingue la tragédie où les forces qui s’affrontent sont légitimes, du mélodrame où il n’y en a qu’une qui soit légitime."
PS : "Dans ses leçons sur la philosophie de l’Histoire il y a un passage où Hegel parle de la naissance de l’Europe moderne à partir de la déception orientale (…) Hegel livre une petite théorie de la croisade : selon lui la croisade est le passage nécessaire de la position de la conscience aliénée en faveur d’un ciel imaginaire à la position moderne et protestante, fondée sur la découverte de la subjectivité infinie. …) C’est devant le tombeau vide qu’e l’on devient un Européen moderne."
AF : "Ce qui déclenche l’histoire, dit Rousseau, ce n’est pas la faute du premier homme c’est l’inégalité sociale."
AF : "Promettre, c’est répondre de soi."
AF : "Sartre aimait citer cette phrase du comte Mosca parlant de Fabrice del Dongo et de la Sanseverina : "Si le mot d’amour vient à être prononcé entre eux, je suis perdu. » Le mot, en effet, solidifie le sentiment."
PS : "La structure réflexive de la méta-obsession est bien claire : on veut être obsédé par n’importe quoi pourvu que cela délivre du sentiment que tout est arbitraire."
PS. "La répétition somnambule, selon Tarde, c’est la réalité de l’homme socialisé. L’élaboration magistrale de cette hypothèse trouve dans la trilogie d’un des plus grands poètes du XXème siècle, Les Somnambules de Hermann Broch."
PS : "Wittgenstein est l’autre prototype du philosophe du XXème siècle. Il a honte d’être philosophe, faiseur de discours. Il a honte d’enchaîner les phrases, il a honte de la syntaxe, il a honte de cette rage logique qui veut que la phrase X soit la déduction consécutive de la phrase Y."
PS : "Le bourgeois, avec Bonaparte, croit que la révolution est finie, tandis que le citoyen vit toujours en l’attente de la véritable révolution."
PS: "Tout se passe comme si les « crimes de gauche » étaient des actes sans auteurs."
AF : "Orwell avait donc raison : la gauche est anti-fasciste, elle n’est pas antitotalitaire."
Brecht : « En moi, vous avez quelqu’un sur lequel vous ne pouvez pas compter. »
AF : "L’humanité n’ayant par définition pas d’ennemi humain, l’engagement ainsi conçu induit nécessairement la déshumanisation de l’adversaire."
PS : "Ce qu’il faut reprocher au grand récit, c’est qu’il n’était pas suffisamment grand. Il faut toujours re-raconter l’histoire."
Les éditions
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Les battements du monde [Texte imprimé], dialogue Alain Finkielkraut, Peter Sloterdijk
de Finkielkraut, Alain Sloterdijk, Peter
Hachette / Pluriel (Paris. 1982)
ISBN : 9782012792388 ; 11,98 € ; 12/10/2005 ; 246 p. ; Broché
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