Histoire de réussir de Russell Banks

Histoire de réussir de Russell Banks
( Success stories)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jules, le 5 décembre 2001 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 413ème position).
Visites : 6 347  (depuis Novembre 2007)

Le rôle du destin

Encore un beau recueil de nouvelles écrit par Russell Banks, un des maîtres indiscutable du genre ! Russell Banks décortique la société américaine des rejetés, des laissés pour compte du grand « rêve américain » Il est aussi un très fin psychologue et analyse avec finesse ses personnages.
Dans « Reine d'un jour » Earl écrit sans cesse à l'animateur d'une émission célèbre de la télévision. Il lui écrit que sa mère ferait une merveilleuse concurrente pour son émission. Cette émission fait passer à l'écran des gens qui y viennent expliquer leurs malheurs. Il faut dire aussi que le père est parti huit mois plus tôt et a laissé sa femme seule et sans moyens avec les trois enfants… Earl se dit qu’il est impossible pour sa mère de croire que le pire n'arrivera pas « car ce qui se passe est trop semblable à la mort et pourrait y conduire tout droit ; c'est pourquoi elle pleure. »
Dans la seconde nouvelle, l’enfant se rend compte que sa mère et son père mentent constamment. Il entre dans le jeu, car il lui semble impossible de faire autrement. Il finit d'ailleurs par déduire que sa propre histoire ne peut qu’être un vaste mensonge et « pour clore la boucle, j’ai appris un peu plus utilement à écouter les histoires des autres, qu'elles soient vraies ou fausses. » Tout est faux autour de lui.Que se passe-t-il en lui ?… Dans « Histoire de réussir » un jeune garçon termine son lycée et est, par miracle, accepté dans une université de l’Yvy League. Il s'y sent mal : « .parmi ces fils de capitaines d’industrie élégants et brutaux, je ne servais qu’à symboliser le gosse pauvre de cette année là, importé comme une plante exotique… » Après un trimestre il s'enfuit de là et part en Floride. Dans sa famille c’est le désespoir, car il découvre qu'il était censé être la revanche prise, par tous, sur son père qui avait quitté la maison avec une postière dix années auparavant. Il se dit qu’il va enfin vivre sa vie et plus celle des autres.
Dans « Adultère » un jeune homme arrive à faire avouer à sa fiancée qu'elle n’est plus vierge. Un monde bascule, mais que décidera-t-il en définitive ? Une chose lui apparaîtra cependant comme certaine : « Nos péchés nous décrivent et nos interdits décrivent nos péchés. »
« Histoire d'enfant » est une nouvelle assez hallucinante sur les rapports parents-enfants.
Dans « Sarah Cole » la question fondamentale est la suivante : « Le caractère, c’est le destin : on peut en déduire que, si un homme parvient à connaître et donc à contrôler un peu son caractère, il peut connaître et contrôler également son destin. »
Une suite de nouvelles dans lesquelles l’homme est le jouet de son milieu, reproduit les schémas connus même s’il tente de se débattre. Faire autrement peut être possible, mais demande une énergie folle et une solide dose de chance. Tout le monde n’a pas ça en magasin !…
Un très bon livre, mais pas le meilleur de Russell Banks.

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9 nouvelles

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 13 mars 2024

Neuf nouvelles dans lesquelles Russell Banks se penche sur la dureté de la vie américaine pour les pauvres et les déshérités, bien loin du glamour couramment en vogue concernant ce pays.
- Reine d’un jour ; on nage en plein pathétique avec Earl, un garçon de 12 ans, resté seul avec sa mère et George, son jeune frère, depuis que leur père les a quittés quelques mois auparavant. La maman peine manifestement à faire front, sort à peine la tête de l’eau et Earl a une idée : sa mère mérite indéniablement d’être la « reine d’un jour » d’une émission de téléréalité américaine, qui pourrait lui apporter un peu de gloire mais surtout davantage de moyens. Ni une ni deux, il entreprend de communiquer par courrier avec les responsables de l’émission pour présenter la candidature de sa mère. Les certitudes d’un gamin de 12 ans face à l’inhumanité des médias … In fine Earl prendra une décision terrible dont il n’est même pas à même d’évaluer les conséquences.

- Le poisson ; incroyable parabole qui se déroule en Asie, en pays bouddhiste. Rien à voir pour le coup avec la société nord-américaine. Ce « poisson » est une sorte de « poule aux œufs d’or ». Et on en connait la fin …


- Le goulet ; une autre parabole, aux USA, un peu sur l’autodéfense et la starification. Un poil désespérant quand même !

- Adultère ; où l’on retrouve encore Earl, un Earl qui a 19 ans, sur le point de se marier avec Eleanor, qu’il considère comme la femme de sa vie. Mais un gros grain de sable va gripper le mécanisme bien rôdé de l’amour, quand Eleanor va lui avouer, en réponse à sa question, que non, il ne sera pas le premier. Earl est perturbé à un point paroxysmique. Il va céder à la tentation de l’adultère et la brume merveilleuse de l’amour qui voile tout et rend idiot va se déchirer. Jusqu’à une prise de conscience déchirante pour Earl.


- …

Les neuf nouvelles ont une forte personnalité et sont centrées sur la psychologie et l’alternative qu’ont les personnages à décider de basculer du bon ou du mauvais côté. On se rend compte que tomber du mauvais côté semble tout de même le plus facile !
Russell Banks ne déçoit jamais …

Un catalogue des veuleries humaines

5 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 22 février 2012

Ce recueil sert quelque peu de guide de l'échec et des défauts et manière qui y mènent. La nature humaine y est disséquée sans concession. Le style est incisif et enjoué, mais l'ensemble, bien qu'intéressant sur les plans sociologique et psychologique, reste fatalement désabusé, et s'avère anxiogène, au moins franchement lassant. C'est avec gêne et agacement que je l'ai terminé.

Banks ou l'entomologiste des rapports humains

6 étoiles

Critique de Vda (, Inscrite le 11 janvier 2006, 49 ans) - 21 août 2008

Un drôle de recueil que 'Histoire de réussir', j'y retrouve la tonalité dépressive des nouvelles de 'L'ange sur le toit', sans y prendre autant de plaisir à la lecture.
Banks donne une patine de dépression (celle post 1929) à ses nouvelles (hors 'Le poisson' et 'Le Goulet' qui sont un peu des olni dans le présent recueil). Il pose un regard perçant sur les rapports familiaux et notamment les rapports de parents et enfants (ce qui rapproche certains textes du recueil 'L'ange sur le toit'). La concentration sur une seule famille donne une pesanteur implacable.

Nouvelles des hommes

6 étoiles

Critique de Sibylline (Normandie, Inscrite le 31 mai 2004, 74 ans) - 20 janvier 2006

«Success stories» a été publié en 1986 alors que le premier livre de Russell Banks l’a été en 1975. En fait, c’est le septième livre publié par Banks, alors je me demande d’où me vient ce sentiment d’y trouver des textes de jeunesse. Pas uniquement, notez bien, et puis je peux me tromper, mais plusieurs me semblent vraiment provenir d’un Russell Banks jeune. Peut-être a-t-il repris des textes plus anciens quand il s’est mis en tête de constituer ce recueil de 9 nouvelles.
Enfin, ce ne sont là qu’hypothèses. Ce qui m’a amenée à m’interroger à ce sujet, ce sont tout d’abord les thèmes (jeune garçon, se trouvant souvent aux prises avec le problème d’un père brutal ou absent) qui sont bien des thèmes que Banks répètera toujours, mais j’ai trouvé qu’il le fait là avec une sorte d’inexpérience et de jeunesse dans la vision des choses. Ensuite le style, il m’a semblé que l’auteur ne maîtrisait pas aussi bien dans ces nouvelles, son style et l’art du récit qu’il ne le fait ailleurs.
Ce point posé (charge au prochain qui rencontre Russell Banks de lui poser la question ;-))), il nous reste un recueil de nouvelles dans les décors de la vie quotidienne d’Américains des classes socialement défavorisées. Les thèmes sont, comme je l’ai dit, généralement articulés autour de l’image du père. Un père posant le plus souvent problème au reste de la famille, pour diverses raisons liées à l’alcool et à la violence. Je ne peux pas ne pas penser qu’il y a ici une trace autobiographique, mais les éléments que j’ai pu trouver sur l’enfance de Banks ne sont pas absolument clairs sur ce point.
Plus largement, certaines nouvelles abordent aussi le thème du rôle de l’homme dans la société ou la famille, l’image masculine dans la société moderne, de l’adolescence à la vieillesse (les nouvelles de ce recueil sont d’ailleurs globalement présentées du plus jeune rôle masculin au plus âgé). Russell Banks a été à juste titre, très tôt sensible à cette problématique. Il a été, me semble-t-il un des premiers à lui accorder autant d’importance. A une époque où l’on commençait tout juste à prendre conscience du problème du rôle masculin, il lui a semblé, à lui, que c’était bien là un point crucial qui méritait que l’on s’y intéresse longuement. A ce titre, il a droit à toute notre estime.


... ou de se planter !

7 étoiles

Critique de Saint-Germain-des-Prés (Liernu, Inscrite le 1 avril 2001, 56 ans) - 26 septembre 2004

Neuf nouvelles composent ce livre dont certaines ont les mêmes personnages principaux. Par contre, d’autres n’ont rien à voir les unes avec les autres. Le titre original du livre « Success stories » nous indique quel en est le fil rouge : la réussite, et son contraire, l’échec. Comme la première est proche du second ! Qu’est-ce qui fait pencher la balance ? Quel est cet ingrédient, cette poudre de perlimpinpin, que j’en achète un kilo ou deux !… Si mon analyse est correcte, Banks pense que la volonté est prépondérante. Dans plusieurs nouvelles, on assiste à une espèce de révolte contre l’injustice. Je pense par exemple à ce jeune, Chink, qui après avoir découvert toute sa famille massacrée, fera justice lui-même. Il s’agit de se faire respecter !

Cependant, malgré ces indices, il est difficile de dégager la réponse de Banks à la question de la réussite. Peu importe, à la limite. Les nouvelles sont intéressantes aussi en dehors de ce thème. L’auteur écrit bien, les histoires sont fouillées. Banks a choisi d’en faire de courts récits, mais il y avait matière à développement et c’est cela qui est titillant : ces personnages auraient pu constituer une œuvre majeure si l’auteur l’avait décidé. Et donc, nous avons du solide à nous mettre sous la dent mais en même temps, nous sommes légèrement frustrés, juste de quoi se plonger vite vite dans un autre Banks…

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