La vie d'un homme inconnu de Andreï Makine
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Le meilleur de Makine (c'est dire)
Il est russe, pardon, soviétique, réfugié politique à Paris depuis plus de vingt ans. Il approche la cinquantaine, et il vit une fin de liaison avec Léa, une gamine qui pourrait être sa fille. Mais elle est sur le départ, ses cartons sont faits, elle a trouvé mieux que ce refuge sous les toits. Ça tombe bien qu'elle embarque ses livres à elle, car il ne les aime pas, il n'aime pas ces auteurs-là, les racoleurs, les faciles. Lui est écrivain, de ceux qui rament, qui écrivent une belle littérature, celle qui touche un public marginal. Pourquoi n'aime-t-elle pas Tchékhov ? Alors que lui-même a pour ainsi dire vécu l'une de ses nouvelles ? A vingt ans à peine, sur une luge qui dévalait la pente d'un parc de St Pétersbourg, il chuchotait des je t'aime que les flocons rendaient inaudibles à Ianna, une donzelle de là-bas qu'il s'est refusé à oublier. Pas par romantisme désuet, non, c'est juste que Tchékhov, dans son souvenir, fait se retrouver les amoureux trente ans plus tard. Ah ben tiens, il y est, aux trente ans de plus, c'est le moment de se manifester. Par la grâce d'un calepin jadis subtilisé, et de quelques coups de fil qui le font sautiller téléphoniquement dans toute la Russie d'aujourd'hui, il retrouve sa trace en deux heures. Ni une ni deux, il plante là les derniers cartons de Léa et atterrit dans la foulée à Peterburg la sublime. Qui a bien changé, depuis toutes ces années. C'est davantage l'ambiance "poupées russes" que celle de la guerre froide. Et à propos de poupée, une qui n'a pas changé, c'est Ianna, dont la cinquantaine pimpante et juvénile le surprend, l'étourdit. Car elle bouge beaucoup, elle court partout, elle a très peu de temps à lui consacrer, mais surtout, qu'il fasse comme chez lui, dans cet appartement quasi fin prêt. Oui, quasi, parce qu'il y a encore quelqu'un derrière la porte de cette pièce qu'il n'a pas visitée. Juste pour une nuit, demain, il libère les lieux.
Là, j'en ai déjà trop dit. Que l'on se rassure : on n'est à peine au quart du livre. Prétexte que tout cela. Ou plutôt, mise en bouche sur fond de recadrage des valeurs, pas inutile par les temps qui courent. Car ce qui va suivre… les mots me manquent. Comment décrire l'émotion, la densité de ces destinées soufflées par la Grande Histoire, comme on dit, comment parler sans la dénaturer de la vie d'un homme inconnu ?
Plus que jamais, la force de l'écriture de Makine touche au but, par la sobriété de ses phrases tour à tour percutantes, sans artifice, naturellement ciselées. Pour raconter comment demeurent, irréductibles à la noirceur, la musique, le chant, la douceur de la parole donnée, le désir, sans même y penser, de rester ce qu'on croit ou veut être. Pour décrire l'émotion simple à la vue d'une brindille voguant dans le petit ruisseau qui passe devant l'isba. Pour partager quelques moments de la vie d'enfants éclopés dehors dedans, à qui le chant et le théâtre redonnent goût à la vie.
J'ai fait une critique éclair, voici quelques semaines, du livre de Martin Amis, la maison des rencontres, en faisant référence à Makine, et cela sans savoir qu'allait sortir un livre évoquant aussi les années staliniennes, pardon, soviétiques. Et plus que jamais, je suis à genoux devant cette puissance d'écriture. Un livre envoûtant, magnifique, indispensable.
Les éditions
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La vie d'un homme inconnu [Texte imprimé], roman Andreï Makine
de Makine, Andreï
Seuil
ISBN : 9782020982962 ; 21,30 € ; 21/03/2011 ; 292 p. ; Format Kindle -
La vie d'un homme inconnu [Texte imprimé], roman Andreï Makine
de Makine, Andreï
Points / Points (Paris)
ISBN : 9782757816370 ; 7,40 € ; 18/02/2010 ; 265 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (18)
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Un bon Makine !
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 16 mai 2023
Plus rien ne le retient et voilà le retour à la case départ. L'Union Soviétique a fait place à la Russie et c'est l'heure des souvenirs. Son vœu de retrouver son amour de jeunesse l'envoie dans un périple où il redécouvre un nouveau pays, comme si tout avait changé en quelques années.
L'auteur du Fleuve Amour, du testament français qui lui permit d'obtenir le Goncourt et surtout ce qui reste pour moi son plus beau texte "LA FEMME QUI ATTENDAIT", nous livre ici une bonne copie qui se lit avec intérêt.
Un bon roman mais sans plus. J'ai trouvé qu'il y manquait la flamme dont Makine est capable.
Ceci dit, rien ne peut être parfait.
Russe
Critique de Ardeo (Flémalle, Inscrit le 29 juin 2012, 77 ans) - 6 novembre 2016
« La vie d’un homme inconnu » est un livre merveilleux, rempli de phrases justes, de poésie, d’Histoire contemporaine et de vérités. Il est composé de deux récits séparés d’une cinquantaine d’années où les « héros » sont perdus dans un monde infâme : atrocités, guerre, famine, arrogance, pouvoir, argent, meurtre, inhumanité, traitrise. Et cela est parfois dur -mais pas ardu- à lire tant la force des mots de l’auteur estomaque. Pour lui, le seul espoir (notre seul espoir ?) réside dans l’art (la poésie, la musique, …), la nature, les mots et l’amour entre deux êtres.
Cette plongée dans l’Humanité et son autre face, l’inhumanité ne peut laisser indifférent.
L'auteur lui-même est fascinant...
Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 85 ans) - 27 février 2015
Pendant ma lecture j'ai gardé à l'esprit le parcours personnel de l'auteur qui s'est réfugié en France il n'y a pas si longtemps et n'a obtenu la nationalité française qu'à la suite du succès de son "Testament français" et après une première tentative infructueuse ; il écrit pourtant ses romans en notre langue. Belle illustration de l'effort et du mérite que nos jeunes sauvages pourraient méditer !
Livre en deux parties...
Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans) - 1 octobre 2014
Mais heureusement qu'il rencontre Volski, d'un coup le livre prend une toute autre dimension, un autre rythme ! Oubliés l'ennui et la platitude des pages précédentes, enfin l'attention du lecteur est happée... Beaucoup d'émotion dans cette "seconde partie", de moments difficiles aussi, la vie de cet homme n'ayant pas été des plus heureuses, un personnage bienveillant, attentif aux autres, amoureux éternel de Mila. De quoi émerveiller le pauvre Choutov à la vie banale et aux amours contrariées...
Découverte de cet auteur pour ma part, il m'a séduite par son écriture, de belles images, de la poésie, de douces phrases qui terminent certains chapitres...
Retour en URSS
Critique de Ademo (Rennes, Inscrite le 27 juillet 2010, 44 ans) - 22 juillet 2012
Discours littéraires versus vraie vie
Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 3 juin 2012
L’intérêt de ce livre tient en partie à son côté historique. Il possède une certaine force de conviction et le ton utilisé, tout d’abord désabusé et centré sur les problèmes du narrateur qui mange à sa faim dans un monde libre, se transforme ensuite quand entre en scène l’individu anonyme qui a survécu à des événements tragiques et qui a su conserver son optimisme. Et c’est un homme ressourcé, qui voit désormais la vie d’une autre manière, qui émerge de ce voyage. Il fait bénéficier le lecteur de cette prise de conscience quant à la futilité de certains comportements dominés par le toujours plus de la possession, source éphémère de satisfaction.
IF-0512-3885
Dommage !
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 24 mai 2012
Un vieil écrivain d’origine russe à « l’audience modeste », pas à la hauteur du talent qu’il pense avoir, souffre parce que la jeune femme qui partageait sa vie, le plaque pour un autre plus jeune. La difficulté de faire éditer son dernier ouvrage et la souffrance de la séparation l’incitent à rejoindre la Russie et son amour de jeunesse mais il ne retrouve qu’une pâle imitation du pays qu’il vient de quitter. « La Russie a copié ces modes occidentales et maintenant s’amuse à les pasticher ». Il se retrouve entre un monde qui n’est plus le sien et un autre qui ne l’a jamais réellement été. Les Russes ont transformé leur pays en celui qu’ils ont fantasmé pendant des décennies. Ils ont construit leur « far west » à eux. Sur le sol des grands auteurs du XIX° siècle, même la littérature est devenue un vulgaire produit de consommation.
Il, le héros, l’auteur peut-être, arrive à Saint Petersbourg au moment du trois centième anniversaire de sa fondation par Pierre le Grand. Il y retrouve son ancienne amie, mariée, richissime et peu empressée de renouer avec lui. Dans son appartement il rencontre un vétéran du siège de Leningrad qui s’est muré dans le silence mais qui rompt celui-ci pour lui raconter sa vie pendant le siège, la libération, les quelques jours d’un doux bonheur et les nouvelles atrocités imposées par les soviétiques : la déportation, le goulag, l’errance, …. L’errance avec le théâtre, le chant, la musique, qui ont toujours été ses compagnons de route : sous les balles allemandes, au goulag, dans les asiles psychiatriques, contre la peur, contre la mort,… jusqu’à ce qu’il élève ces disciplines au niveau d’une science à l’usage des plus défavorisés (handicapés, débiles, rebuts de la guerre, déchets de la dictature).
Un simple prétexte littéraire pour raconter des généralités désormais très banales sur le siège de Leningrad, sur la période soviétique, sur le goulag, … Aujourd’hui on connait tout ça parfaitement, Soljenitsyne, Axionov, Chalamov et bien d’autres sont passés par là depuis longtemps. On a l’impression que Makine a fait un remplissage débordant d’émotivité puérile qui ne peut plus que faire vibrer le pathos de lecteurs hyperémotifs.
J’attendais une mise en abyme de l’histoire du couple de vétérans dans celle de Choutov, le héros, et de sa petite amie. Hélas l’auteur a fait un autre choix…. Le vétéran a retrouvé son amie après la guerre comme le héros a retrouvé la sienne après l’exode mais la vie n’a pas réussi à réunir durablement ces deux couples. Le bonheur n’est pas de ce monde. Le vent de l’histoire, l’hystérie humaine, l’exagération slave ont soufflé sur ce texte, le pire est toujours le moins grave, rien n’est épargné au lecteur, tout se devine trop facilement tellement on connait ces histoires dans toute leur atrocité et leur abomination, hélas tellement banalisées aujourd’hui. Et la morale reste toujours la même : la vie n’épargne jamais le faible, le pauvre, le démuni, le juste qui est toujours tabassé par le fort, le riche, le dictateur.
Un livre très sombre, désespéré, une lecture décevante, mais une lueur tout de même : personne jamais ne pourra faire taire le chant du plus humble des hommes qui pourra toujours l’opposer à l’oppression, à la peur, au malheur, à la mort.
"Je vous aime Nadenka " !
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 18 mai 2012
Alors qu'il vient de se faire plaquer par une jeune femme en âge d'être sa fille , Choutov (écrivain marginal ,dissident russe réfugié à Paris) décide de retrouver son amour de jeunesse , Iana.
Un retour à St-Pétersbourg (Léningrad) après 20 ans d'absence.
Une Russie qu'il ne reconnait pas, qui a copié les modes occidentales.
"Choutov était venu en pèlerin nostalgique , le voilà au milieu d'une modernité en délire ,mélange de tentations américaines et de guignols russes ".
Une Russie qui vient de se joindre au jeu de rôle planétaire , à ses singeries , à ses codes.
Le manège tourne et seuls les Mohicans de son espèce se soucient encore du siècle révolu.
Dans le vaste appartement communautaire en travaux de Iana , un vieillard boit son thé froid. Il doit être " déménagé " pour rejoindre l'hospice.
Et l'Histoire..... explose... le roman prend son envol pour ne plus retomber.
Ce vieillard sourd et muet se nomme Volski Guéorgui Lvovitch.
Ce qu'il a vécu ne peut pas être dit !
L'histoire de 2 millions d'êtres humains qui attendaient la mort dans une ville à l'architecture féerique (Léningrad)
Une époque qu'il sait indéfendable et où pourtant vivaient quelques êtres qu'il faudra coûte que coûte sauver de l'oubli.
Un roman profond , tendre , intelligent , cruellement humain.
Une histoire d'Amour absolu.
Un homme inconnu qui signe la disparition programmée d'une société et de ses valeurs.
Mais où la Culture pouvait conduire à la mort.
J'ai été subjugué par cette oeuvre magistrale.
Tous les ingrédients qui font un très grand roman sont réunis.
Impossible de quitter Volski qui restera dans mon coeur à tout jamais.
Nouvelle Russie
Critique de Koudoux (SART, Inscrite le 3 septembre 2009, 60 ans) - 11 avril 2012
Il pense retrouver à Saint-Pétersbourg une amie.
Cela ne va pas se passer comme il l'espérait mais il va découvrir une nouvelle Russie et avec la rencontre de Volski, il va remettre en question ses points vues.
Une première partie difficile pour moi (manque de culture en littérature russe probablement), mais une fois le voyage démarré, j'ai été emportée par ce récit.
Un roman magnifique!
Nécessite de connaitre la Russie ?
Critique de Elya (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans) - 21 janvier 2012
Je n'ai pas saisi là où l'auteur voulait nous emmener en nous présentant ce personnage masculin empreint d'une lourde solitude et qui semble profondément mal dans son être et dans son siècle. L'écrivain, en faisant sans cesse des allusions à l'histoire et à la culture littéraire russe, n'a fait que souligner mon ignorance envers cette partie de l'Europe. Il s'agit peut-être d'un livre à relire dans quelques décennies, lorsque j'aurai découvert un peu la littérature russe ( mais il y tant de choses à découvrir). Je pense que ce livre convient à un lectorat assez réduit, mais peut-être que je me trompe.
Il me semble aussi avoir lu des écrivains qui savent aborder d'une manière plus accessible et ludique l'aspect socio-culturel d'un pays inconnu initialement par le lecteur (cf par exemple Duong Thu Huong pour le Vietnam; Besson pour l'Afrique); là n'était sans doute pas le but d'Andreï Makine.
Le voyage en Russie ou le voyage intérieur de Choutov
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 29 décembre 2011
Evidemment, les temps ont changé, la Russie ne coïncide plus avec l'image qu'il en avait gardée. L'occidentalisation a fait son travail et les retrouvailles avec cette femme aimée seront quelque peu décevantes. Iana est devenue désormais une femme d'affaires, qui ne pense qu'à s'enrichir, sans coeur puisqu'elle a hâte de chasser un pauvre vieillard "muet" qui occupe passivement une pièce et se révèle un obstacle pour ses projets immobiliers.
A cette histoire s'enchâsse une autre histoire, le récit d'un personnage qui sera la plus grande force de ce roman. Je ne dis pas qui est cet " homme inconnu" pour ne pas dévoiler des éléments qui sauront plaire au lecteur. Par ce récit, Makine évoque Staline, les purges, ce régime de la terreur, le blocus de Leningrad ... et l'amour ! et quel amour ! Un amour qui fera prendre l'amourette de Choutov et de Léa pour du pipi de chat !
Ce roman est beau, touchant, parfois révoltant, mais si vrai. La poésie n'est pas absente de l'écriture d'Andreï Makine. De nombreuses scènes sont marquantes, tout comme certains personnages secondaires. J'ai été frappé par le courage et la bonne humeur du petit Mandarine qui invite des enfants affamés à se nourrir de lumière, touché par ces concerts organisés sur le champ de bataille ...
Une belle oeuvre et une belle écriture.
Silence : ça tourne !!! Flashbacks sur une russie pas si loin que ça ...
Critique de Mandarine (, Inscrite le 2 juillet 2010, 52 ans) - 26 décembre 2011
Retour flashbacks en arrière, dépaysement garanti. Pour qui connaît un peu la Russie, celle décrite par Makine n'est pas si loin que ça de nous, les stigmates de cette période sont encore bien présents aujourd'hui, il me semble, que ce soit dans les murs imposants de leur architecture, dans leur façon d'être encore aujourd'hui, dans leur façon de vous regarder, dans leurs églises ...
C'est un très bon récit sans nul doute et la lecture reste très agréable, claire et très "russe" (si je puis dire) et il est difficile de lâcher ce livre. Mon seul bémol c'est cette descente vers nulle part dont on n'arrive jamais à en sortir, où le bonheur est interdit, où le malheur vous traque à chaque coin ... Donc, pas beaucoup (assez ?) d'oxygène, difficile de remonter à la surface ne serait-ce que quelques secondes pour reprendre son souffle... Mais peut-être que c'était ça la vie à cette période ...
Russie. Avant. Après.
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 24 décembre 2011
Et voilà très vite Choutov débarquant à Saint-Petersbourg. Pris tout de suite à contre-pied sur tout ce qu’il découvre. Découvre est le mot !
« Le taxi l’a laissé aux abords d’un quartier fermé à la circulation. Il marchait, léger, curieux, décontracté – l’attitude qui correspondait, pensait-il, à son statut : un étranger dont les vêtements et les gestes n’allaient pas passer inaperçus. Très vite, il s’est rendu compte que personne ne lui prêtait attention. Les gens étaient habillés comme dans les rues d’une ville occidentale, avec un peu moins de négligence peut-être. Et si l’on pouvait le distinguer au milieu de la foule estivale c’est grâce à l’aspect fatigué de sa mise. Perplexe, Choutov se disait qu’il n’était pas loin de passer pour un clochard … »
C’est cela le vrai sujet du roman : la découverte par un dissident exilé de ce qu’est devenue la Russie – et Saint-Petersbourg en particulier - un peu ambiance « Les poupées russes », le film.
C’est cela et aussi – surtout – le récit du terrible siège de Leningrad pendant la seconde guerre mondiale, relaté par Volski, un vieillard qui va être expulsé de l’immeuble racheté par Iana, devenue spéculatrice immobilière dans cette Russie que Choutov ne reconnait pas, ne comprend pas. C’est l’histoire d’une nuit, la dernière nuit de Volski dans l’immeuble, en tête à tête avec Choutov et qui lui raconte sa vie : ses combats, son amour. Un terrible miroir que nous tend Makine pour nous faire toucher du doigt ce qu’est devenue la communiste URSS, et ce qu’elle fut.
Il doit y avoir beaucoup d’Andreï Makine dans ceci. Et certainement un effarement terrible pour tous ceux partis aux heures sombres et étouffées pour revenir dans le grand bazar actuel. Le Petit Père des Peuples doit faire des sauts de carpe dans son tombeau !
Un Andreï Makine qui m’a semblé moins à l’aise, avec moins de souffle que dans les épopées qui se déroulent dans l’envoutante Sibérie, tel ce magnifique « Testament Français ».
Entre sagesse et résignation
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 4 décembre 2011
Choutov, écrivain russe exilé à Paris, vient de se faire quitter par sa petite amie d'une vingtaine d'années plus jeune mais plus dupe des ses discours désabusés sur la littérature et de son admiration pour Tchékhov.
Vont suivre quelques chapitres sans grand intérêt (pour moi) sur les interrogations de cet homme, qui sur un coup de tête, décide de retourner en Russie pour y retrouver une femme à peine aimée mais surtout replonger dans le romantisme de son auteur fétiche.
Il va arriver dans une Russie complètement occidentalisée, et la tendre et douce Iana n'est plus tout à fait la femme qu'il a quittée. Elle est maintenant une riche femme d'affaires débordée qui n'a pas vraiment ni le temps, ni l'envie, ni la nostalgie de retourner en arrière.
Choutov va donc, dans cet espèce de tourbillon festif qui a lieu à Leningrad, se retrouver « garde-malade » d'un vieillard alité, sourd, muet et incontinent.
Et là, le livre bascule.
Ce sont pour moi, les plus beaux chapitres sur la vie de Volski, ni sourd, ni muet. Cet homme va lui raconter sa vie bouleversée par les grands événements de l'Histoire.
Il est jeune, plein d'espoir, passionné de chant et vient de rencontrer l'amour auprès de Mila, quand il va se retrouver emporté par l'histoire dans tout ce qu'elle a de plus terrible. Ce sera d'abord le blocus de Leningrad encerclé par les allemands qui attendent patiemment la mort des ses habitants, puis ce sera le front, où son orchestre se retrouvera aux premières lignes des affrontements. Après une courte période de bonheur,ce sont les purges staliniennes dont il sera victime. Et on ne peut qu'être stupéfaite par la force de cet homme « tranquille », sa résignation et sa sagesse face à la cruauté humaine et au cycle infernal des guerres et des dictateurs.
« Pourquoi ne pouvions nous pas être aussi heureux avant la guerre? »
Il paraîtra comme un simple d'esprit pour certains car seule la promesse de regarder le ciel en même, temps que la femme aimée lui permettra de survivre.
Quelques jolis chapitres suivront encore, pas aussi forts ( à mon avis) mais comme le constat du héros du début de ce roman, M. Makine grâce à son formidable personnage nous donne à lire une belle page de vie humaine.
Une rencontre marquante
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 22 novembre 2011
La seconde portion où l'auteur, par le témoignage d'un vieillard, évoque la guerre et les purges staliennes met en contraste les deux époques et nous révèle un angle nouveau. Ce parallèle brillant et subtil est alors soutenu par un souffle romanesque poignant et un classicisme élégant. La dernière phrase à elle seule est un chef-d'oeuvre!
C'est mon cinquième Makine que je lis et je ne suis jamais déçu. Parce que sa plume est fabuleuse bien sûr, mais surtout car il maîtrise l'art de parler de la force de l'amour sans tomber dans le mélo. Un grand écrivain contemporain.
Grandes espérances, mais....
Critique de Donatien (vilvorde, Inscrit le 14 août 2004, 81 ans) - 21 janvier 2010
J'estime que l'auteur aurait malgré tout dû suivre le conseil de Tchékov, c'est-à-dire supprimer le début et la fin de son roman. De plus il n'aime pas Nabokov (qui est un ami).
Quels sont l'originalité et l'intérêt de cette liaison entre un homme d'âge mûr et d'une jeune fille débarquant de sa province?
Il est vrai que le voyage de Choutov dans la nouvelle Russie précipite encore la fin de ses rêves et de ses nostalgies, mais cela non plus n'est pas neuf.
Ce qui sauve ce livre , c'est l'évocation du siège de Leningrad et des épurations staliniennes , décors des aventures du jeune artilleur et la courageuse Mila.
Il me semble que d'autres écrivains ont fait mieux sur ces époques .
Superbe
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 26 août 2009
Ce roman est magnifique. Impossible de dire mieux que ne l'ont fait mes deux prédécesseurs, je vais juste ajouter mon écot à la kyrielle d'étoiles bien méritées.
Cahier d'un retour au pays natal
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 8 juin 2009
Le principe du récit enchâssé sur lequel est bâtie l’œuvre donne au récit fait par Volski la dimension d’un joyau présenté au milieu d’ un écrin. Le titre, d’ailleurs incite le lecteur à voir dans le récit de Volski, cet homme inconnu, le véritable sujet du roman , et, dans la séquence parisienne et sur le « carnaval » de Saint Petersbourg, deux étapes nécessaires pour l’introduire. Contrairement à ce que Tchékov préconise pour les nouvelles , supprimer le début et la fin du roman priverait celui-ci d’une dimension indispensable .
Le roman fonctionne par contraste . La fragilité des liens entre Choutov et Léa met en lumière, par opposition, l’amour profond et indissoluble qui lie Volski et Mila ; l’univers parisien et celui du « carnaval » de Saint Petersbourg, l’enfer qu’a vécu Volski . Les publicités télévisées destinées aux nantis soulignent le côté pacotille, artificiel de la vie nouvelle proposée aux Russes et révèlent par opposition la profondeur, la densité de la vie discrète de Volski et les actions qui ont donné un sens à sa vie .
L’écriture de Makine, qui mêle le regard du peintre et la sensibilité du musicien aiguise notre attention aux émotions et sait aussi bien traduire d’une façon douce et tendre la beauté de la nature et la grandeur des petits riens qui suffisent au bonheur, que présenter la violence des combats du point de vue de celui qui se trouve en leur centre . Des phrases ponctuées d’ images souples, élégantes, qu’on aime à faire résonner , comme « les strophes avaient le poids des longues peines derrière le cercle polaire où tant de poètes avaient disparu »……..
Un roman chargé d’émotion pure, sans pathos, un roman inoubliable tant par la pouvoir suggestif de l’écriture de Makine, que par la puissance et l’humanité des personnages de Mila et Volski. Impossible, maintenant d’oublier la vie de cet homme inconnu .
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