Mythologies de Roland Barthes

Mythologies de Roland Barthes

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Essais , Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités , Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Gryphon, le 14 octobre 2008 (Mexico DF, Inscrit le 22 juillet 2004, 59 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 744ème position).
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Par delà le mythe

Le livre est maintenant vieux de plus d'un demi-siècle. Le scandale qu'il a pu causer en son temps est loin.

Il n'empêche: ces petits textes qui analysent tout et n'importe quoi pourvu que ça fasse partie du quotidien, que ce soit le Tour de France, Racine, le bifteck et les frites, l'astrologie ou encore le cerveau d'Einstein, voilà qui n'est somme toute pas si éloigné de la démarche d'un blog généraliste. Bien sûr, on dira que pour beaucoup de ses textes, le contexte a disparu: qui se souvient encore de Minou Drouet, de ce que signifie l'acteur d'Harcourt ou l'opération Astra? Pas moi. De plus, en 1957, on en est à une sémiotique balbutiante, on s'aperçoit que Barthes s'escrime à poser un fondement théorique, scientifique à ses analyses. De ce côté-là, c'est l'échec. On peut facilement contester - et on l'a fait plus d'une fois - la définition du mythe selon Barthes: le mythe comme parole, c'est à dire comme système de communication, comme mode de signification. On peut même refuser cette objectivisation des analyses pour ne garder finalement ce qui importe vraiment: un regard clair (et subjectif) sur les choses qui nous entourent. Que faut-il de plus?

Le but de l'entreprise barthésienne se veut destructive: l'ennemi, c'est la bourgeoisie. Comme il le dit dans la préface de 1970 (nettement plus radicale que celle de 1957), "pas de sémiologie qui finalement ne s'assume comme sémioclastie". Il s'agit donc de s'attaquer à un comportement, un mode de penser plus qu'à une classe sociale - car après tout, c'est comme pour le ringard: on est toujours le bourgeois de quelqu'un d'autre, on n'en sort pas. Mais pour ce qui est du mode de penser, je ne suis pas sûr qu'on ait beaucoup progressé depuis 1957. Les contenus ont changé, c'est clair, mais les formes subsistent.

De fait, beaucoup de ces textes peuvent être transposés dans un contexte de 2008. Pour nommer ce contexte, on trouvera sans doute d'autres termes que "petit-bourgeois". Peut-être "bling-bling"?

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Les éditions

  • Mythologies [Texte imprimé] Roland Barthes
    de Barthes, Roland
    Seuil / Points (Paris).
    ISBN : 9782020005852 ; 0,61 € ; 01/05/1970 ; 233 p. ; Broché
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Pas toujours facile d'accès mais intéressant

7 étoiles

Critique de Koolasuchus (Laon, Inscrit le 10 décembre 2011, 35 ans) - 4 novembre 2016

Il n'est pas évident de critiquer cet ouvrage et ce pour plusieurs raisons. Déjà il faut l'avoir compris, en effet même si j'ai trouvé la première partie consacrée aux différentes mythologies plutôt accessible, j'ai eu plus de mal avec la deuxième, dans laquelle l'auteur explique ce qu'il entend par mythe et explique sa démarche, et j'avoue que j'étais un peu perdu durant certains passages. J'ai quand même compris ce livre dans les grandes lignes mais je suis loin d'avoir saisi toutes les nuances. De plus il est tout de même un peu daté, certaines remarques sont toujours d'actualité mais beaucoup des mythologies qu'il décrit ont changé depuis ou ont été oubliées, je ne savais pas qui était Minou Drouet et je connaissais pas l'existence de la margarine Astra par exemple (mais j'en ai vu la dernière fois que j'ai fait des courses, ça m'a fait rire).

Même si cela fut parfois un peu ardu, cette lecture a été assez instructive, le point de vue de Barthes sur certain éléments de notre civilisation apporte un éclairage différent ou plus profond de ce qui nous semble être banal au premier abord et ça change de ce que je lis habituellement.

Mythologies, par Roland Barthes, 1957

9 étoiles

Critique de Martin1 (Chavagnes-en-Paillers (Vendée), Inscrit le 2 mars 2011, - ans) - 27 juin 2014

Mythologies. Notre monde se construit, s’élabore et se complait dans les mythes ; ils peuvent exister au sein de chaque chose. Dans un objet, une rumeur, une affaire de justice, un homme, un discours, une œuvre, un sentiment, une routine. Chaque mythe est le départ d’un raisonnement, une introduction probable à la réalité, un présage de la substance, une authentique empreinte de vérité laissée par mégarde sur la civilisation humaine.
Roland Barthes n’a pas son pareil pour les débusquer : un roman pour enfants, le visage beau et débonnaire de l’abbé Pierre, la croisière « du sang bleu » de l’impératrice grecque, l’affaire Minou Drouet, les discours adroits de M. Poujade. Tous ces mythes sont univoques : la promotion de la petite bourgeoisie. C’est le grand adversaire choisi par Barthes : les petit-bourgeois survivent aux Empires et à la Restauration, ils sont un noyau résistant et très répandu sociologiquement. Ils instaurent une pensée faible et conservatrice dont les principaux caractères sont : le rappel du bon sens, la haine de l’intellectuel, l’approximation sémantique (ce que Barthes appelle le simili, révélé dans le mythe du plastique), la maladresse dialectique et artistique, la préférence du paraître vis-à-vis de l’être, l’insupportable raisonnement tautologique, et, en littérature, la suprématie du style sur l’art littéraire.
Je peux vous donner quelques exemples parmi les plus convaincants (parce que parfois, Barthes se lance dans un détaillement du mythe un peu excessif, ce qui rend dubitatif) :
Le Guide bleu. Les petit-bourgeois ont ce défaut d’exposer leur propre définition de la culture : passer sans cesse par le christianisme pour expliquer l’art, stéréotyper les cultures bretonnes, catalanes, montagnardes, travestir la réalité par des mots tout relatifs comme « prospérité ». Le guide bleu affadit les voyages.
Poujade et les intellectuels. L’anti-intellectualisme, qui ne va pas sans une promotion de la virilité et de la roublardise, est un trait caractéristique du poujadisme : il permet de simplifier les réalités et d’accabler les « professeurs et techniciens » de tous les maux. Les intellectuels sont vus comme des oiseaux inutiles, hors de tout réalisme et donc hors également de tout idéalisme.
Romans et enfants. En faisant sans cesse des parallèles entre le double statut des romancières-mamans, le journal Elle révèle sa double activité. Tout en conseillant aux femmes de s’émanciper dans les limites de l’acceptable, il confirme aux hommes qu’elles ne resteront jamais que des femmes. Les femmes sont libres dans un œuf.
La littérature selon Minou Drouet. La poésie de Minou Drouet, authentique ou non, est de toute façon datée : elle est dans la lignée poétique petite-bourgeoise : la poésie n’est plus vue comme un art, mais une simple traduction de la prose, une succession de trouvailles phonétiques.
Le cerveau d’Einstein. Le génie d’Einstein est sacralisé par un objet aussi matériel et aussi réducteur que son cerveau. Parallèle avec le vieux rêve d’Einstein : réduire l’univers entier à une formule simple, concise, ridicule, comme E=mc².
Conjugales. Le vieil impérialisme mythique du mariage ! Amour du seigneur pour la bergère, bonheur de l’homme désiré par la femme… le mariage, le plus cruel des mythes bourgeois, n’est-ce pas ?
Critique muette et aveugle. C’est le travail du critique littéraire de comprendre et de faire comprendre. Alors que dire de ces critiques qui avouent avec verve qu’elles n’ont rien compris ? Ainsi le petit-bourgeois dit de l’existentialisme et du marxisme : « Je n’ai rien compris, donc vous êtes des idiots. »
Le procès Dupriez. Un crime sans motivation apparente. Où la Justice et les psychiatres sont acculés à l’un de leurs plus gros dilemmes : est-on coupable de démence? La défense et l’accusation souffrent le même embarras.

J’ai été sidéré par l’écriture et la puissance de la théorie de Barthes. J’ai trouvé ses exemples parfois pertinents, parfois moins, mais ses arguments contre la superficialité et la stupidité de la bourgeoisie sont assez éclairants. De toute évidence, cet état d'esprit est une tentation réelle des milieux bourgeois. Cependant, je reste sceptique : me sachant moi-même héritier de cette bourgeoisie tant abhorrée, j’ai peur que Barthes élude le lot de mythologies que nous ont apportées les chers discours socialo-gauchisants. Ainsi, il pourrait être intéressant de compléter cet essai par des mythes « de gauche »: l'engouement pour Victor Hugo, l’érotisme des séries télévisées, l’humour français du XXIème siècle, la folie des nouveaux livres pour enfants, l’art abstrait, la Poutinophobie, la popularité du pape François, le dégoût de la particule, et la boucherie halal. On pourra en discuter la valeur, mais ce sont aussi des mythes.
Reste à les interpréter.

Abracadabrantesque

5 étoiles

Critique de Gregou (, Inscrit le 20 février 2013, 38 ans) - 7 juin 2013

Roland Barthes a écrit un livre que je ne comprends pas. l'auteur parle du steak frites, du catch, de l'actualité de son époque mais il se pose des questions sur ces sujets qui vont un peu loin....pourquoi se pose-t-il ce genre de questions. Il critique beaucoup la bourgeoisie et la société de consommation au final mais dans quel but? Je n'ai pas compris ce livre...Il m'est donc très difficile de le noter. Je vais lui mettre la moyenne.

Fondamental et daté à la fois

9 étoiles

Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 15 décembre 2012

Pour la lecture de ce livre, je me sens plus proche de Veneziano que de Gryphon. Je l'ai lu de deux manières. La première est la reconnaissance d'un des ouvrages fondateurs de la sémiologie, dont la mythologie est une des composantes. Le texte, dans ses deux parties (l'analyse d'un certains nombres de mythes et une étude théorique du phénomène), est, tout compte fait, un bel exemple de lucidité intellectuelle. J'y ai trouvé, en vrac, des passages savoureux sur le vin en France, le 'Guide Bleu', le procès Dominici, les 'grands' mariages, etc. et un texte théorique plus difficile à apprécier sur la nature du mythe. La seconde relève d'un étonnement certain. L'objectif de Barthes semble être de démystifier l'imposition par le mythe de conditions de vie bourgeoises à tout un chacun. La constante référence à la bourgeoisie et à la petite-bourgeoisie, à une époque où le communisme - au mépris de terribles évidences - paraissait pouvoir encore triompher comme système social, sonne étrangement aujourd'hui. Et c'est en cela que le texte, sans perdre de ses qualités intrinsèques, paraît également daté. Barthes le reconnaît lui-même dans une introduction de 1970, admettant qu'il n'aurait pu écrire les mêmes phrases après mai 68. Bien des démarches intellectuelles ont, depuis, profondément changé. Ce témoignage n'en est que plus passionnant.

Critique descriptives des éléments du quotidien

8 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 26 octobre 2008

Je ne suis pas philosophe et n'ai pas les éléments d'analyses pertinents, mais je vois, dans ce livre et sa méthode, une critique rangée, systématique et systémique des objets et phénomènes incontournables de l'époque, de la société de consommation, ce qui n'est pas sans rappeler les Choses de Pérec, de la petite-bourgeoisie et du poujadisme.
Son analyse descriptive est souvent drôle, pas toujours de la meilleure bonne foi, du fait d'un parti pris personnel évoqué ici.

C'est intéressant et permet de prendre du recul, et il serait plaisant de réactualiser cet essai.

Pour répondre à Gryphon, les Studios Harcourts sont un atelier de photos d'art, qui sanctifient les acteurs dans une posture figée, qui les embellit. Ils ne font rien et se contentent d'être lascifs et beaux.
Il est vrai qu'il y a beaucoup, forcément, de références datées, dont certaines ne me disent absolument rien.

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