Disgrâce de J. M. Coetzee
(Disgrace)
Catégorie(s) : Littérature => Africaine , Littérature => Anglophone
Moyenne des notes : (basée sur 21 avis)
Cote pondérée : (325ème position).
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Au pays de l’apartheid
Trois fois couronné par des prix anglo-saxons, une première fois par le prestigieux Booker Price, ensuite par le Commonwealth Prize et le National Book Critics Circle Award aux Etats-Unis, ce roman nous plonge au coeur de la fracture sociale de l’Afrique du Sud.
Magie de l’écriture ou de l'écrivain, le roman nous épargnera les sempiternelles différences raciales. Ce sera au lecteur à découvrir au fil des pages que certains des héros de l’histoire sont de race noire alors que d’autres sont de race blanche.. Seuls de petits indices vous le feront pressentir.. Cependant, les séquelles de l’apartheid sont bien présentes tout au long du roman. L'apothéose en sera un viol d'une "citadine" installée à la campagne où les habitudes, comme dans toutes les campagnes du monde, sont l'indifférence et le manque de coeur.. La jeune femme qui subit le viol n'en dit mot à la police venu enquêter sur le vol qui l'a suivi.
A ce moment-là, le lecteur comprend que les violeurs sont des noirs lorsque la jeune femme accepte ce qui lui est arrivé par ses mots à son père : "Ils se considèrent comme des créanciers qui viennent recouvrer une dette, un impôt. De quels droits pourrais-je vivre ici sans payer mon dû ?" Les interrogations qui suivent rejoignent toutes les interrogations des victimes de viol collectif, que ce soit au Kossovo, en Croatie, ou ailleurs. "Quelle sorte d'enfant peut naître d’une semence forcée dans une femme, non par amour, mais par haine, mêlée pêle-mêle, destinée à la souiller, à la marquer, comme de l’urine de chien ?" Et combien c'est humiliant pour la femme violée de se retrouver "sans rien, sans atouts, sans armes, sans propriété (elle a dû céder ses droits pour être protégée à l'avenir..- le prix à payer pour rester là-bas), sans droits, sans dignité. Comme un chien."
Le roman ne nous plonge pas seulement dans cette histoire de haine latente entre blancs et noirs, mais se penche aussi sur le "harcèlement sexuel".
Ironie du sort, c’est le père de la "violée" qui est accusé de ce mal qui le contraint à démissionner de son poste prestigieux de professeur à l'Université du Cap.
Tout comme dans le roman de Milan Kundera où le héros, un intellectuel dénoncé par le régime, devra se contenter de petits boulots pour survivre, notre professeur "harceleur" deviendra croque-mort pour chiens.. tout en poursuivant ses recherches vaines sur Byron.. A l'aube de la cinquantaine, il en était venu à "draguer" ses étudiantes car le charme qu'il affichait auparavant ne fonctionnait plus, ceci étant vrai pour chacun de nous lorsque les ravages du temps commencent leur irréparable outrage.. Aupraravant, il lui suffisait de regarder une femme d'une certaine manière, d'un regard qui disait ses intentions et si elle lui retournait son regard, il pouvait compter sur ce magnétisme..
Et puis, un beau jour, tout cela prend fin.. Sans le moindre signe avant-coureur, le pouvoir de son charme l'abandonne. Ces regards qui naguère répondaient aux siens, glissaient à présent sur lui, se portaient ailleurs, ne le voyaient plus.
Du jour au lendemain, il n'était plus qu'un fantôme...
Les éditions
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Disgrâce [Texte imprimé], roman J. M. Coetzee trad. de l'anglais, Afrique du Sud, par Catherine Lauga Du Plessis
de Coetzee, J. M. Lauga du Plessis, Catherine (Traducteur)
Seuil
ISBN : 9782020387552 ; 2,98 € ; 24/08/2001 ; 252 p. ; Broché -
Disgrâce [Texte imprimé], roman J. M. Coetzee trad. de l'anglais, Afrique du Sud, par Catherine Lauga du Plessis
de Coetzee, J. M. Lauga du Plessis, Catherine (Traducteur)
Seuil / Points (Paris)
ISBN : 9782020562331 ; 7,40 € ; 01/10/2002 ; 272 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (20)
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Oui mais...
Critique de Gabri (, Inscrite le 28 juillet 2006, 38 ans) - 21 mai 2016
Mon avis: Au début, j'ai été agréablement surprise de me sentir aussi captivée par l'histoire et par cette écriture d'une précision chirurgicale. Je m'attendais à des fioritures, à du lourd, mais c'est tout le contraire; ça se lit hyper facilement. J'ai pensé que je venais de dénicher mon prochain coup de cœur dans la poussière de ma bibliothèque! Mais quand le personnage quitte la ville pour la ferme de sa fille, l'histoire s'enlise. Oui, il y a le dépaysement, il y a toutes ces nuances de l'Afrique du Sud qui nous parviennent avec intérêt, il y a ces subtilités dans les descriptions qui ne disent jamais la couleur des personnages mais que nous devinons par menus détails, il y a l'écriture qui reste un peu le fil conducteur d'une histoire qui prend une toute autre tournure. En fait, c'est plutôt la fille du personnage qui s'enlise... Alors on lit, on lit en espérant qu'elle se réveille, et puis c'est la fin. J'allais donner 3,5 mais en rédigeant mon avis je monte à 4, parce qu'au fond, mon agacement n'est pas indifférence, l'auteur a réveillé quelque chose et c'est aussi à cela que sert la littérature.
Déception.
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 9 juillet 2015
Les critiques étant si abondantes et favorables que je pensais être emballé par la disgrâce.
Il n'en fut rien. J'ai trouvé le texte particulièrement froid.
La première partie (à savoir l'épisode où David Lurie est à l'université) fait furieusement penser à Philip Roth. C'est au moment où se déroule ce que j’appellerai "la fuite" que je me suis mis à perdre pied et j'ai fini le livre sans plaisir.
Sans contester la valeur de l'oeuvre, j'en ai eu une vision assez négative.
Disgrâce
Critique de ARL (Montréal, Inscrit le 6 septembre 2014, 38 ans) - 13 avril 2015
David Lurie, professeur à l’Université du Cap, « tombe en disgrâce » au fil des pages, avance à tâtons au travers d’une noirceur nouvelle, tente de retrouver quelque repère dans cette société qui se transforme peu à peu et le recrache comme un corps étranger. Esthète déchu à la moralité égoïste, le protagoniste du roman de Coetzee se révèle tour à tour avatar de l’homme moderne désuet, puis représentant d’une race qui exhale ses derniers souffles, celle de l’intellectuel Blanc, gonflé d’orgueil derrière le voile d’un système politique qui le couve et assure sa toute-puissance.
Mais David Lurie n’a pas eu la chance de Narcisse, noyé dans la fleur de l’âge, emportant dans la tombe le reflet de son éternelle beauté. Ce qu’il contemple dans la glace, c’est un visage fripé, sillonné de rides cruelles qui lui rappellent ce qu’il est, mais davantage ce qu’il n’est plus, ce qu’on ne lui donnera plus le droit d’être. Par désespoir ou vanité, il se lance dans une aventure avec une élève et justifie sa témérité par une théorie véreuse sur l’obligation du partage de la beauté. Accusé de harcèlement sexuel, discrédité devant ses pairs et rebus de son environnement social, il part se réfugier chez sa fille Lucy qui tient une exploitation agricole au Cap-Oriental.
Loin d’y trouver la tranquillité escomptée, Lurie atterrit dans une province en plein éclatement, déchirée par les transformations sociales résultant de l’abolition de l’apartheid. S’il pouvait en ville se lover dans l’illusion d’une accalmie relative, la campagne lui met brutalement au visage les réalités d’un pays meurtri dans son âme. Lorsque sa fille est violée par trois hommes noirs, il est aussi impuissant à la comprendre qu’il ne l’a été à la défendre. Enceinte de l’un de ses assaillants, intraitable dans sa décision de donner naissance à ce fruit forcé d’un acte longtemps prohibé, Lucie reste sourde aux protestations de son père qui condamne sa volonté d’expiation du crime perpétré par ses semblables.
Entre David Lurie et le monde, la fracture est totale. Sa seule rédemption se trouve dans le regard des chiens malades qu’il réconforte avant leur dernière piqûre, puis qu’il porte fidèlement au four crématoire. L’inspiration artistique l’abandonne, ainsi que tout espoir d’une paternité fortifiante.
Roman sombre au style léger et à l’intrigue captivante, « Disgrâce » est à la fois le récit d’une vengeance, celle de la société contre l’homme et celle de l’homme contre lui-même, et un brûlant témoignage des tensions raciales dans une Afrique du Sud débordée par l’énormité de la faute commise, une terre qui n’offre aucun asile à l’homme perdu, vouée à être souillée puisqu’il n’y a pas de demi-mesure dans la haine et que le sang, lui, n'a qu’une seule couleur.
A quelques invraisemblances près...
Critique de SpaceCadet (Ici ou Là, Inscrit(e) le 16 novembre 2008, - ans) - 31 octobre 2014
Publié en 1999, 'Disgrâce' nous emmène d'abord au Cap, capitale législative de l'Afrique du Sud, sur les traces de David Lurie, un professeur spécialiste du domaine de la communication et passionné de poésie qui enseigne dans une université de cette ville. Après avoir fait connaissance avec ce dragueur invétéré, on assiste à un épisode peu édifiant de sa vie sexuelle qui, incidemment nous amène à réfléchir sur le thème du harcèlement sexuel, un sujet à la mode au cours des années 1990. Une fois ces pistes de réflexion avancées, notre antihéros passe à l'étape suivante et nous emmène alors en milieu rural où au gré de divers événements, nous serons invités à réfléchir de nouveau, cette fois au sujet des classes et autres divisions sociales, des conflits raciaux et ethniques ainsi que sur le problème de la violence, autant de réalités auxquelles l'Afrique du Sud, entre autre pays, se trouve confronté au quotidien. Une fois cela fait, le roman conclut en effectuant un dernier tour de piste et nous propose au passage un dernier sujet de réflexion, à savoir les particularités de la relation parent-enfant lorsque ces derniers sont devenus adultes.
L'ensemble est raconté sur un ton froid et impersonnel qui, en créant une distance appréciable entre narration et récit, a pour effet d'installer le lecteur en position de spectateur et confère ainsi au roman une indéniable qualité cinématographique. En outre, cette distanciation est éventuellement renforcée par les personnages qui, en raison d'une consistance et d'une psychologie peu convaincantes, parviennent difficilement à éveiller l'empathie. Bref, mis ensemble, ces éléments encouragent donc le lecteur à rester à l'écart du récit et à adopter un rôle d'observateur propice à l'analyse et la réflexion.
Au-delà de ces considérations, notons que le texte est enrichi de quelques références littéraires ainsi que d'observations pertinentes sur le langage et la communication, le tout étant habilement intégré au fil de l'histoire.
Bref ce roman, fabriqué dans un but didactique et cinématographique évident, rencontre assez bien ces objectifs et hormis quelques invraisemblances, il saura sans-doute satisfaire les amateurs du genre.
Note: ce compte-rendu fait référence à la version originale en langue anglaise.
Disgrâces multiples
Critique de Killing79 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 45 ans) - 22 août 2013
J'ai eu beaucoup de mal à avoir de l'empathie pour ce personnage tant sa capitulation est déconcertante mais à travers ces tribulations, JM Coetzee analyse l'Afrique du Sud de cette époque pour mettre le doigt sur une réalité peu ragoûtante. C'est un livre qui agit après sa fermeture et qui apporte plus d'importance aux idées transmises qu'à l'histoire proprement dite.
Avec un écriture agréable, l'auteur nous convie à cette perte d'espoir croissante dans un monde où les puissants ne sont plus les mêmes.
Driepoot !
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 27 juillet 2011
Bancale comme sa vie , la mutation de la société sud-africaine .
Je ne reviendrai pas l'histoire et vous invite à vous reporter aux superbes critiques de Darius et Kinbote ( résumé + analyse )
JM Coetzee dresse un portrait sombre ,réaliste et sans concession des conséquences de l'Apartheid sur la population blanche des fermiers ( en majorité hollandaise ) .
Un récit bouleversant dans un pays en pleine mutation ou la violence sonne comme une revanche des populations pauvres.
La vieillesse , le temps qui passe et les difficultés à accepter les vérités d'une société qui se cherche.
L'attachement viscéral à la terre ( leur ferme ) des Afrikaners .
L'auteur use de symboles forts.
On ne sait comment interpréter le rapport aux chiens ( les hordes , l'urine , la semence , ... )
L'atmosphère y est souvent lourde , malsaine , remplie de non-dits.
Coetzee livre un éclairage inhabituel sur l'Afrique du Sud ; qui lui a valu des critiques acerbes ( une forme de racisme ? )
L'histoire m'a fait penser au film " Mad Max " , où les fermiers blancs vivent dans des fermes isolées , encerclés par une population noire récemment " affranchie ", désireuse de réécrire l'Histoire .
L'histoire d'une triple incompréhension :
--> celle des noirs et des blancs.
--> celle d'un père et d'une fille .
--> celle de la ville ( le Cap ) et la campagne .
Quoiqu'on puisse penser de ce qu'il se passe en Afrique du Sud, en cette période post-Apartheid , cette oeuvre est puissante , limpide et livre des vérités crues .
Je partage l'avis de la très grande majorité des critiques ; c'est un petit bijou !
Illusions perdues
Critique de Lejak (Metz, Inscrit le 24 septembre 2007, 49 ans) - 13 juin 2011
Il n'aime pas ce qu'il fait. Ses cours ne passionnent pas ses étudiants, certainement parce que lui même n'est pas convaincu. Il vit seul, divorcé, et satisfait ses besoins naturels auprès d'une prostituée une fois la semaine.
Son rêve : écrire un opéra, sur Byron. En couchant avec l'une de ses étudiantes, il va peut-être s'en donner les moyens, le temps et la liberté surtout. En effet, le début de ses ennuis commencent avec ce qui reste d'une société puritaine issue des premiers colons européens, qui n'accepte pas ce genre de situation. Il est renvoyé de son poste. Il ne lutte pas, accepte la sentence.
Il se retire du monde, de la ville, de sa vie quotidienne et routinière de professeur en fin de carrière pour rejoindre sa fille. Elle vit à la campagne, à côté d'une ferme habitée par une famille noire. il espère de surcroît renouer des liens avec sa fille qu'il ne voyait pas beaucoup, et enfin avancer sur son opéra.
Mais l'homme de la ville va se confronter de plein fouet à la dure réalité de l'Histoire récente de son pays. Dans les campagnes, les anciens esclaves sont libres désormais. Libres de vivre leur vie comme tout homme d'un pays démocratique, libres aussi de mal se comporter, ou de se venger d'un passé où l'homme blanc avait tout pouvoir.
Je n'en dirai pas plus car la suite reste le grand moment du livre. Ce qui m'a plu, c'est la situation étrange dans laquelle vont être plongés les protagonistes, entre aspirations des uns, réalisme des autres, et le lourd passé qui biaise et influence la réaction des gens. Tout est pesant, lourd de sens et de non-dits, comme une chape de plomb.
L'auteur touche du bout du crayon les suites de l'Apartheid dans un pays gangrené par la pauvreté et la violence entre communautés. Tout y est compliqué.
Au centre du maelström, notre professeur qui n'y comprend rien, qui se débat en vain, empêtré dans ses convictions et aveuglés par ses anciens repères.
Par contre, je reste sur une note finale un peu décevante. le roman s'achève sur une totale désillusion qui malheureusement laisse comme un goût d'inachevé.
Sensation étrange qui l'emporte sur tout le reste. Ce roman est un OVNI pour moi, qui ne s'inscrira pas comme un chef d'oeuvre, mais qui soulève énormément d'intérêt, et de questions sur ce pays.
A creuser donc.
Tout fout le camp....
Critique de Millepages (Bruxelles, Inscrit le 26 mai 2010, 65 ans) - 6 décembre 2010
Enseignant, il sait que le cours qu'il donne à l'université du Cap ne suscite pas des débordements d'enthousiasme parmi ses étudiants; mais après tout, ça ne le gêne pas tellement : il enseigne une matière qui lui plaît et qu'importe si ses études de Byron ne sont plus de mode.
Il n'est pas mécontent non plus de la manière dont il gère sa vie sexuelle de quinquagénaire, soit qu'il paie quelqu'un pour le soulager de cette question, soit qu'il jette son dévolu sur une jeunette de ses étudiantes qu'il se plaît à croire consentante. Et c'est de là que viendra le grain de sable qui grippera le mécanisme trop bien huilé de sa vie : Mélanie - l' étudiante en question - l'accuse de harcèlement et, plaidant coupable mais renonçant à collaborer avec les instances disciplinaires, il préfère tout plaquer et rejoindre sa fille Lucy qui exploite un petit morceau de terre à la campagne.
Dans ce coin d'Afrique profonde, alors que lui le citadin se revendique de culture européenne, toutes ses certitudes vont tomber une à une. Pas un sujet sur lequel sa fille et lui n'aient de divergence de vue; elle lui ouvre les yeux sur les changements qui se sont petit à petit opérés dans le pays pendant que lui menait sa petite vie confortable en ville. Désormais, l'apartheid finissant produit des effets inattendus pour qui avait baigné depuis toujours dans cette réalité quotidienne sans jamais la remettre en question, et sans prendre la mesure des mutations en cours.
Les convictions, les valeurs, les principes, les certitudes : désormais, pour David Lurie, tout fout le camp !
Transformation
Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 5 décembre 2010
C’est l’histoire d’une déchéance, de l’acceptation progressive de la vieillesse (David a 52 ans) mais surtout d'un autre système de valeurs. On fonde sa vie sur certaines valeurs, adaptées à soi, sans lesquelles, croit-on, on ne pourrait pas vivre puis, à la faveur d’événements dictés par le cours de l’existence, on est amené à les réviser, à composer avec la réalité, à découvrir sa vraie vérité, celle qu’on ne soupçonnait pas et qui s’accorde mieux à notre nouvelle façon de vivre.
Voilà ce que raconte et nous apprend ce livre généreux écrit dans un style très abordable, épousant, même s’il est écrit à la troisième personne, le seul point de vue de son personnage principal, sa transformation intérieure. C’est aussi la radiographie d’une société (celle de l’Afrique du Sud) où ceux qui jadis furent exploités prennent leur revanche et accablent, sans discernement et par esprit de revanche, les descendants des exploiteurs, ceux qui ont la même couleur...
Un homme à la recherche de son second souffle
Critique de Ori (Kraainem, Inscrit le 27 décembre 2004, 88 ans) - 17 juin 2010
La traduction du titre de ce roman d’atmosphère aurait pu se mettre au pluriel tant sont nombreuses les causes de disgrâce affectant le héros, David Lurie, professeur à l’université du Cap.
Ayant perdu sa place à la suite de relations sexuelles (à peine consenties) avec une jeune étudiante, il s’offre une parenthèse de récupération auprès de sa fille Lucy, gérante d’une ferme et d’un chenil. Mais il doit alors affronter les états d’âme de Lucy, qui vient d’être victime d’un viol collectif, laquelle évite de porter plainte, estimant qu’il s’agit là d’une manière de tribut à payer pour être à l’avenir tolérée en tant que propriétaire terrienne au sein de la population noire … !
La troisième disgrâce consiste dans le chagrin du héros, au chenil, chargé d’accompagner les bêtes au cours de leur euthanasie.
Prisonnier de ses pulsions d’homme vieillissant, ne sachant trop que faire de lui-même, David nous prend à témoin de ses frustrations mais aussi de son impuissance à sereinement dialoguer avec sa fille.
Outre cette belle étude de caractères, l’auteur nous restitue ici avec un immense talent le contexte étouffant et trouble de cette fin du règne Blanc.
Quand la dégringolade commence....
Critique de Garance62 (, Inscrite le 22 mars 2009, 62 ans) - 29 mai 2010
Plus tout jeune, pas encore vieux, l'espoir d'une vie amoureuse encore possible pour cet homme deux fois marié, deux fois divorcé. Oui, mais voilà, le mauvais choix... L'inconséquence pour un homme qui, s'il a la culture -il est professeur émérite, spécialiste de littérature anglaise- n'a pas mesuré les risques possibles d'une relation avec une de ses étudiantes.
Sa vie bascule. Son existence plonge. Lui reste à s'enfuir. Il va alors rejoindre sa fille qui vit dans une ferme isolée, au fond du bush australien. Un quotidien entièrement modifié et la recherche de sens s'installe, plus présente qu'auparavant. Comment désormais trouver un recommencement ? L'amour, l'écriture ?
Un roman à l'écriture soutenue et fluide dont la grande force réside dans les variations psychologiques proposées par les pensées et les actions des personnages. Aucun dogme, aucune pesanteur.
C'est de l'homme dont il est question ici. De son désir sexuel, de sa difficulté à vivre harmonieusement le désir. De la relation à l'autre, de la possibilité à choisir le chemin qui conviendrait le mieux, qui serait le plus source de bien-être. De la violence, du viol. De l'amour, du recommencement. Coetzee met ses personnages face à leur solitude, face à leur existence, devant assumer leurs choix.
Un excellent bouquin.
Livre fort mais pas évident!
Critique de Rouchka1344 (, Inscrite le 31 août 2009, 34 ans) - 20 mai 2010
Cependant, j'ai aimé l'écriture de Coetzee, cette histoire de disgrâce et d'apartheid, ainsi que le personnage du professeur qui m'a touché!
Un livre que je relirais certainement dans quelques années !
l'Afrique du Sud sur les ailes d'un géant
Critique de NQuint (Charbonnieres les Bains, Inscrit le 8 septembre 2009, 52 ans) - 12 février 2010
Quissssaaaa me répondrez-vous dans votre novlangue fassebookienne ? Ce type-là est Prix Nobel de Littérature 2003, ce qui avait échappé à ma sagacité, je dois l'avouer, et également collectionneur de quelques autres statuettes dorées. C'est aussi un africain du Sud, descendant d'afrikaaner et ancien programmeur informatique. Comme quoi, ça mène à tout, il y a de l'espoir (de là à réserver un Lyon - Stokholm, il y a un pas ...).
J'ai donc attaqué par Disgrâce qui semble être une des pièces maîtresses du bonhomme et bien m'en a pris car c'est vraiment un superbe livre. Un style sobre, relativement dépouillé mais chaleureux, tendre avec les personnages mais jamais trop empathique et facile à lire, qui coule dans l'oreille comme une musique douce.
L'histoire est celle d'un professeur du Cap, la cinquantaine désabusée, double divorcé mais à la libido encore bien active, qui couche avec une étudiante (silencieusement consentante ...) et finit par se faire virer de sa fac. Il décide alors de laisser tomber un monde pour lequel il n'a plus d'intérêt depuis un bon moment et va rejoindre sa fille dans la ruralité sud-africaine où il découvre une autre Afrique du Sud, rude et violente.
Le roman, bien qu'assez court (270 pages) couvre plusieurs thèmes et j'ai envie de comparer Coetzee avec des auteurs américains que j'aime (voire vénère) sur ce traitement. Tout d'abord le thème du professeur bien établi, avec une certaine réputation et qui va tomber en disgrâce a magistralement été abordé par Philip Roth dans La Tâche. Et si le style est différent de Roth (beaucoup moins verbeux), je trouve que ce roman est comparable en pas mal d'aspects à ceux de Roth, sur les thèmes ou les personnages. On retrouve également un thème cher à Roth (Portnoy !) qui est le désir sexuel masculin et notamment ici la question de que faire de la survivance du désir alors que le corps s'en va vers son hiver et que la tête n'en a plus si envie ... Ce thème traverse les deux derniers romans de Roth (et notamment Exit le fantôme de manière pathétique) et est ici d'une grande force. Le professeur semble avoir réglé le problème de la libido en ayant recours à une escort girl avant que l'attirance pour une jeune fille lui fasse reprendre le dessus ... Ainsi, la sexualité est vécue comme une malédiction.
Ce personnage à la cinquantaine désabusée dans tous les secteurs de sa vie : affectif, sexuel, professionnel, amical, ... on le retrouve aussi dans le Franck Bascombe de Richard Ford. Une certaine vision du versant sud de la vue sur un monde doux-amer, entre lassitude, renoncement, découragement et laisser-aller assumé.
Mais quand le personnage du professeur part, en disgrâce, rejoindre sa fille dans une ferme isolée, là je découvre (en même temps que le professeur) un monde inconnu et je sors de mes références américaines. On est en Afrique du Sud, c'est à dire en Afrique. Avec tout sa force, la poids du passé, des coutumes, de l'ancestral. Mais aussi et surtout le poids du post-Apartheid. Le tour de force de Coetzee, c'est de ne jamais faire dans le direct. Il faut attendre la page 141 pour qu'un personnage soit cité comme blanc ou noir et cela n'arrive que 3 fois dans le livre. Au lecteur de deviner qui est quoi. Dans le style, on a donc à faire à une société post-raciale.
Dans la réalité, on sent que l'on est loin de cela et qu'il faudra certainement des siècles pour effacer les plaies de l'Apartheid. Les ressentis restants chez les blancs, entre survivance de l'esprit de la ségrégation et honte, le désir de vengeance ou du moins de revanche des noirs, la violence de cette société.
Tous ces thèmes sont abordés avec subtilité et pudeur, réunis pour ce qui est un grand roman. A lire. Absolument.
Sûr, après ça, le Nobel !
Critique de Lutzie (Paris, Inscrite le 20 octobre 2008, 60 ans) - 3 février 2009
Loin de tout lyrisme, à des lieues de l'auto-apitoiement, on est sonné. Par le rythme, sans concession. Par le talent de Coetzee, capable d'embarquer le lecteur sans jamais céder à la facilité. Un immense roman, qui conjugue les qualités de quantités d'autres.
Errances
Critique de Krystelle (Région Parisienne, Inscrite le 10 juin 2004, 44 ans) - 19 août 2005
Le lecteur sort de l’univers étroit d’un professeur en proie à ses désirs pour se retrouver plongé au cœur d’une société en pleine crise, une Afrique du Sud confrontée aux dramatiques erreurs du passé.
Une fois replacés dans ce contexte, les interrogations et errances du protagoniste prennent une ampleur nouvelle qui m’a réellement emballée.
Empreinte ineffaçable...
Critique de FranBlan (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 82 ans) - 19 mai 2005
Je vois à l'occasion, des commentaires apportés sur des livres que j'ai lus aussi, antérieurement à cette dernière année. J'avoue que trop souvent, à ma grande déconvenue, trop de lectures ne m'ont laissé que très peu d'empreintes…
Ce qui ne fut pas le cas avec ce livre dont j'ai complété la lecture il y a un peu plus de deux ans. Au contraire!
Comme la plupart des autres lecteurs j'ai été bouleversée par la dureté du récit.
Un récit sombre, totalement dénué de toute complaisance, presque impitoyable.
J'avoue avoir rarement observé un regard d'homme aussi objectif sur les déboires de son héros!
Coetzee refuse d’être enfermé, comme certains romanciers de son pays, dans l’examen direct et réaliste des conflits nés de l’apartheid. Mais il est évident que ce peuple, peu importe sa couleur, devra composer avec les conséquences de ce régime qui a prévalu pendant près d'un siècle. Régime aboli officiellement depuis à peine trois ou quatre ans. Ce récit jette une lumière glacée sur une réalité qu'il est impossible de comprendre si on ne l'a pas vécu, mais qu'il est essentiel de connaître.
Voilà une empreinte inoubliable…, come le dit Vigno, l'empreinte d'un des grands du vingtième siècle.
Violent
Critique de Clarabel (, Inscrite le 25 février 2004, 48 ans) - 19 mai 2005
Et puis, l'auteur paraît ne jamais établir de sympathie pour ses personnages. Aucun ne trouve d'indulgence pour le lecteur, depuis le professeur David Lurie, à la sexualité compulsive, la jeune Mélanie, par qui le scandale et la déchéance arrivent, sa fille Lucy, isolée dans les terres, dans une ferme, seule, Petrus, l'homme des chiens, etc. Dans ce tableau d'une incroyable froideur, on se sent poisseux de crasse, de cette poussière des terres sèches et arides. Il y a une volonté de détruire, de haïr, de clamer justice, de courber l'échine.
C'est un ensemble très noir, rythmé par les amours vieillissantes de Byron pour Teresa, et taillé au cuteur par l'atmosphère écoeurante des animaux qu'on abandonne et condamne. C'est un tout qui n'est pas gai mais déchirant, qui laboure les âmes sensibles en n'épargnant rien ! Jusque la fin qui tranche l'histoire comme une cisaille implacable. Retenez votre souffle jusque là, puis soufflez...
Le mal est fait
Critique de Béatrice (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans) - 15 mai 2004
Il voulait écrire « quelque chose pour la scène » inspiré par l’idylle de Lord Byron et la belle Teresa ; il finit en bénévole à la SPA.
Ce qui l’éloigne encore plus de la réalité, c’est l’incapacité de comprendre le choix de vie de sa fille : « Entre la génération de Lucie et la mienne, on dirait qu’un rideau est tombé. Et je ne me suis même pas rendu compte. »
Un style sobre, poignant, sans pathétisme.
Tomber en disgrâce
Critique de Vigno (, Inscrit le 30 mai 2001, - ans) - 6 avril 2004
Chassé de l’université, il se retire dans la vraie nature chez sa fille qui a acquis et cultive un petit lopin de terre en campagne. Elle a comme co-propriétaire un Africain, qui lui donne un coup de main et … la protège. Le monde à l’envers. Les Afrikaners cherchent protection auprès des Africains. Il la protège contre qui? Contre tous ceux qui veulent rendre la monnaie de la pièce à ceux qui les ont exploités-humiliés. Protection bien inutile. Lucy, sa fille, sera violée par trois Africains, presque sous les yeux de son père impuissant. Elle gardera l’enfant du viol. Nouvelle disgrâce.
« Disgrâce : (vx) Événement malheureux (voir infortune, malheur) » (Le Petit Robert) Seul avec sa disgrâce, on peut toujours pavoiser. Mais quand le malheur frappe ceux qu’on aime, aucune attitude romantique ne tient. Lucy, sa disgrâce, elle décide aussi de l’assumer au grand dam de son père. Elle aussi décide d’accepter l’ordre de la nature, celle des bêtes grégaires qui s’agglutinent au plus fort pour survivre. Elle dit : « Oui, je suis d’accord, c’est humiliant. Mais c’est peut-être un bon point de départ pour recommencer. C’est peut-être ce qu’il faut que j’apprenne à accepter. De repartir du ras du sol. Sans rien. Non, pas sans rien, sauf. Sans rien. Sans atouts, sans armes, sans propriété, sans droits, sans dignité. » Il faut quand même payer son tribut à l’Histoire. Voilà les lendemains de l’apartheid. Certains pions et certains rois ont changé leur place, mais le jeu n’a pas changé.
Pour occuper son temps, David rêve d’écrire un opéra qui raconterait la liaison de Byron et de Teresa. Toujours le romantisme. Toujours le séducteur plus âgé et la jeune femme. David voudrait créer une œuvre grandiose qui donnerait une voix à Teresa, qui sublimerait les viles passions physiques de ses héros. Lentement, son rêve sera contaminé. Le banjo finit par s’imposer au violoncelle. La nature de Teresa a raison de toutes les sublimations. « Une femme amoureuse, une femme vautrée dans l’amour; une chatte qui miaule sur un toit brûlant; les molécules complexes de protéines courent dans les veines, gonflent les organes sexuels… » Encore la nature et la culture. Même combat, même résultat. L’opéra ne sera pas.
Peut-être pourrait-il s’occuper des chiens, leur rendre un peu de dignité, les aimer…
À chaud, je dirais que ce roman est l’un des grands du vingtième siècle.
Au pays des rancoeurs
Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 22 février 2004
Il va se réfugier chez sa fille Lucy, à la campagne au fin fond de l'Afrique du Sud. Elle mène une vie indépendante et austère au milieu de ses chiens, préférant la compagnie des femmes plutôt que des hommes. Un soir, une attaque de pilleurs locaux va perturber la quiétude de ces deux êtres en pleine reconstruction. Lucy sera violée atrocement, David n'échappera aux flammes que de justesse.... Vient alors le temps des questionnements. Sur la vie au milieu de cette campagne africaine violente, où il vaut mieux être asservi que d'être tué, sur la vieillesse. Sur la vie et ce que l'on veut en faire.
Deux disgrâces donc . Celle de la fille, touchée dans sa chair, au plus profond et qui préférera l'acceptation de son sort plutôt que la rébellion. Celle du père aussi: boulot perdu, la vieillesse qui fait son oeuvre,....
Coetzee décrit le quotidien de cette Afrique du Sud Postapartheid, ce pays dans lequel les vieilles rancoeurs subsistent encore malgré le renouveau politique. Ce qu'il y a de bien dans ce roman, c'est que, à aucun moment, les races des protagonistes ne sont évoquées. A nous de les deviner au moyen de quelques indices laissés çà et là. Certaines critiques accusent Coetzee d'avoir choisi son camp, celui des Blancs. Pour ma part, je préfère penser que ce roman est une description plus ou moins critique du quotidien de ce pays, dans laquelle il n'y ni bons, ni méchants. Coetzee a reçu le prix Nobel de littérature pour l'ensemble de son oeuvre et préfère actuellement vivre en Australie plutôt qu'en Afrique du Sud.
Un livre sombre et sans complaisance....
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Disgrace le film | 13 | Virgile | 27 juillet 2011 @ 20:32 |